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Les USA complices de la Shoah ?

Published on

Lyon

En 1943, Jan Karski, résistant polonais de 28 ans, rencontre le président américain Theodore Roosevelt. Il l'alerte sur la situation des Juifs de Varsovie, sans succès. Cet épisode méconnu de la Seconde guerre mondiale est depuis quelques mois au centre d'une polémique opposant le cinéaste Claude Lanzmann à l'écrivain Yannick Haenel. Ce soir à 22h, Arte met tout le monde d'accord.

Meet the heros

En mai 2009, Yannick Haenel publie Jan Karski, une biographie du grand résistant polonais disparu en 2000. Dans une vidéo disponible sur le site internet de Gallimard, son éditeur, il raconte avoir eu l'idée de ce livre en regardant Shoah, le film-monument de Claude Lanzmann.

Jan Karski y raconte la mission qui lui a été confiée par deux leader juifs du ghetto de Varsovie : témoigner de leur situation et alerter le monde sur l'Holocauste en marche. Âgé d'à peine 30 ans, il se rendra aux Etats-Unis et y rencontrera les plus hauts dignitaires américains, dont le président Roosevelt en personne. En vain.

Glaçante, l'anecdote est peu connue. Karski la raconte avec une voix, un calme, un aplomb qui bouleversent Yannick Haenel : il s'attelle à raconter cette vie. Et publie une biographie romancée du héros polonais.

L'entretien de Yannick Haenel avec Gallimard, son éditeur

Objet littéraire non identifié ?

Yannick Haenel a divisé son "roman" en trois parties.

La première s'attache au Karski de Shoah : la figure sublime et humble du héros. Dans la deuxième, il raconte sans fioritures les visites de Karski dans le ghetto de Varsovie.

Dans la dernière partie enfin, il parle à la place de Karski. En un long monologue, il tente de retranscrire la voix intérieure de l'émissaire, son désespoir d'être porteur d'un message trop lourd pour lui ; il le peint désarmé, entre rumination de son chagrin et accès de révolte.

Le mélange entre monologue littéraire et vérité historique, la licence d'écrivain prise avec les faits lui vaudra les foudres d'un Claude Lanzmann qui hurle à la "falsification de l'Histoire".

En cherchant à retrouver la vérité psychologique de Jan Karski, Yannick Haenel se serait en quelque sorte fourvoyé ; son Karski n'est tout simplement pas le vrai. Les sentiments qu'il lui prête ne sont pas ceux éprouvés par le résistant, ses réactions pas crédibles.

Pour nous permettre de nous faire, dans la mesure du possible, notre idée de l'affaire, Arte diffuse ce soir l'intégralité de l'interview accordée par Karski à Lanzmann, qui n'en avait gardé qu'une partie pour Shoah.

Un document exceptionnel et qui ne sera pas rediffusé ...

A la recherche de la vérité vraie

Reste que l'essentiel n'est pas tranché. Vérité historique et vérité artistique s'opposent-elles forcément ?

En Italie, où les tenants de la Nouvelle Epique Italienne s'emparent de la réalité la plus sombre du pays à travers des romans comme Romanzo Criminale ou Gomorra, la question ne se pose même pas. Pas plus qu'en Russie, où le polar est un des rares espaces critiques disponibles.

Il est a noter que les tentatives francophones d'explorer l'Histoire par le roman ont plutôt été le fait d'auteurs non Français : Johnatan Littel avec Les Bienveillantes, Achille Ngoye avec Kin-la-joie, Kin-la-folie...

Besoin de se renouveler, la bien-aimée culture nationale ?

Bande-annonce de Shoah, le film de Claude Lanzmann (1986)