Les Misérables au Théâtre du Châtelet : une réussite
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Au centre de la scène, un groupe de forçats trime et déplore sa condition. L'un d'entre eux est écarté de la bande car libéré après 19 ans de bagne. En l'espace d'un instant, les bagnards, les gardes et leur radeau disparaissent, laissant un Jean Valjean seul sur scène, seul face à ce qu'il va devoir affronter.
Présentée pour la première fois à Londres en 1985, la production de Cameron Mackintosh tourne dans le monde entier depuis 25 ans. Et pour fêter cet anniversaire, l'adaptation de l'œuvre majeure de Victor Hugo a été complètement remaniée : casting, décors, équipe artistique, c'est un tout nouveau spectacle qui s'offre à nous.
Dès les premières minutes, le ton est donné et ne faiblira pas pendant près de 2h30 : mise en scène soignée et ingénieuse, décors réalistes, utilisation habile de gravures réalisées par Victor Hugo. Les tableaux se succèdent et nous plongent dans l'ambiance d'un Paris du XIX° siècle aussi crasseux que bourgeois, aussi festif que révolté. Le tout interprété par des comédiens-chanteurs talentueux, soutenus par un orchestre -un vrai- qui l'est tout autant.
Oubliez Kamel Ouali, ce spectacle est bien plus qu'une "comédie musicale". On assiste ici à un véritable show comme on n'en voit qu'à Broadway. Barricade, usine, maison bourgeoise, taverne, égouts... Matt Kinley (décors) réussit à reproduire le Paris qu'Hugo décrivait. Les rues et leur populace apparaissent et disparaissent à mesure que l'histoire se déroule. Les animations, projetées en fond de scène, l'exploitation ingénieuse du symbolique et les jeux de lumière (par Paule Constable) dénotent un véritable génie : la pénible marche de Jean Valjean dans les égouts ou le suicide de Javert sont des scènes phénoménales.
Les interprètes et figurants sont quant à eux formidables. Gareth Gates (Marius) s'illustre dans le rôle du jeune premier, tandis que Katie Hall personnifie l'ingénue Cosette. Ashley Artus et Lynne Wilmot inspirent tout le mépris que le couple Thénardier mérite et il est impossible de ne pas s'attendrir sur Eponine (Rosalind James) éperdument amoureuse de Marius. Personnage central, John Owen-Jones incarne avec justesse un Jean Valjean usé par le poids des années.
Pour finir, c'est un public ravi qui se lève et acclame la troupe sous un tonnerre d'applaudissements.
par Delphine Houri
Comédie musicale d’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg
Au théâtre du Châtelet jusqu'au 4 juillet 2010