Les Italiennes, pour ou contre Berlusconi ?
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Annick EiseléTandis que le moteur de recherche satirique Bungle Bungle publie les vidéos de mobilisations de milliers d'Italiennes pour défendre la dignité des femmes, d'autres Italiennes prenaient la défense de Silvio Berlusconi aux cris de « en culotte, mais vivantes ».
Le Président du Conseil italien se présentera lui le 6 avril devant trois juges de sexe féminin pour des soupçons de relations sexuelles avec des prostituées mineures.
Depuis que l’ex-femme du Premier ministre Silvio Berlusconi, Veronica Lario, a envoyé une lettre au quotidien La Repubblica pour demander à son époux des excuses publiques pour son comportement libertin, le débat public sur le rôle de la femme voit revenir sans cesse le même mot qui résume tout : « Honteux » !
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Tu es marié et, en tant qu’homme d’Etat, tu te rends aux galas de la télévision couvrir de compliments les anciennes soubrettes (aujourd’hui tes ministres) : honteux ! Tu as 72 ans et tu participes aux fêtes d’anniversaire de jeunes de 18 ans : honteux ! Vous, les journalistes, vous voyez le mal partout : honteux ! Le Premier ministre organise des festins à Arcore : honteux ! Il traîne avec des prostitués et fréquente des mineures. Le berlusconisme fait un usage offensif du corps de la femme : honteux ! Honteux ! Honteux puritanisme de gauche : honteux ! C’est à travers deux sentiments d'indignation contraires qu'ont été organisées deux manifestations en Italie les 12 et 13 février. D'un côté, le journaliste Giuliano Ferrara a pris la tête d'un défilé pour défendre Silvio Berlusconi samedi 12. Dimanche 13, un million de femmes de tout âge et de toutes origines politiques et sociales sont descendues dans les rues en faveur de la dignité des femmes italiennes.
« En culotte, mais vivantes »
La première avait pour slogan « En culotte, mais vivantes » et s’est déroulée à Milan contre les « bigots neo-puritains de la gauche » qui depuis le Ruby Gate ont brandi le drapeau du scandale. Une sorte de manifestation d’affection et de soutien de la part de Giuliano Ferrara, directeur du Foglio, d’Iva Zanicchi, eurodeputé du Parti de la liberté, le parti de Silvio Berlusconi (et ex-chanteuse et présentatrice télé) et d’Ignazio La Russa, ministre de la Défense.
« Maintenant ou jamais »
Rassemblée sous le slogan « Maintenant ou jamais » , la seconde manifestation est venue du directeur du quotidien L’Unità, Concita De Gregorio, avec un pétition incitant à se rebeller contre l’idée dominante qui considère la femme comme un simple objet sexuel. De nombreuses villes italiennes telles que Milan, Rome, Naples ou Palerme ainsi que plusieurs capitales mondiales comme Bruxelles, Honolulu ou Kiev se sont unies pour crier « Assez ! ». Et bien sûr, « honteux » .
Peu importe que Giuliano Ferrara (communiste vers 1968 et ministre de Berlusconi dans les années 90), qui loue aujourd'hui la virilité et les slips de Berlusconi, ait condamné il y a peu de temps une bataille contre l’avortement. Ou encore qu’il ait soutenu le gouvernement dans une loi contre la prostitution de rue avec une austérité qui dépasse les bonnes mœurs. Sans importance non plus le fait que la secrétaire de la Cgil (le principal syndicat des travailleurs en Italie), Susanna Camusso, ait reçu, dans son intervention en faveur de la dignité féminine, l’ovation de milliers de manifestants politisés (pour la plupart), tandis qu’un mois plus tôt elle était isolée dans sa défense des travailleurs de l'usine Fiat Mirafiori, même par les membres du centre-gauche, comme si – bizarrement – les femmes ne travaillaient pas aussi dans cette entreprise. Telles sont les deux faces de la politique de l’Italie, sans paradoxe ni contradiction apparente.
Des manifestations bourgeoises ?
Sur les places publiques, on s’affronte à coup d’adhésions, et dans les émissions de débat politique, on discute sur le fait de savoir si Ruby est née en 1992 ou en 1991, les commentateurs de droite argumentent que le bunga bunga n’est pas un crime, ceux de gauche rappellent, au contraire, que c’est un délit de coucher avec des mineures et de téléphoner au poste de police pour faire libérer une voleuse, en la faisant passer pour la « nièce de Moubarak » !
Dans une Italie qui s’interroge sur la frontière entre le moral et l'immoral, sur la liberté de la femme, ses droits et sur le rôle du corps dans une démocratie post-moderne, le débat passe forcément par le refus des centimètres de jambes nues exhibés sur les affiches publicitaires... Mais si ce n’était pas seulement une bataille pour l’égalité des sexes ? Si le problème était avant tout la pauvreté avant d'être une histoire de mœurs ? Sur la place de la colère, les Italiennes continuent de manger du pain, voire de la brioche. Le peuple, au contraire, est toujours aussi marginalisé.
Photo: © Francesca Magistro. Video: Milano, Il Fatto Quotidiano/Youtube; Bruxelles, © Giovanni De Paola
Translated from Berlusconi a processo: le piazze isteriche di una democrazia in mutande