Les gays et le don du sang en Europe : situation qui tâche
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Flora PalicotUE = liberté, diversité, égalité des sexes. Nul ne doit être discriminé en fonction de son orientation sexuelle. Pourtant, certains États membres ne respectent pas cette équation en votant des lois discriminatoires. Dans 18 pays, les gays sont même complètement exclus du don du sang.
Dans un grand nombre de pays européens, les homosexuels masculins ne sont pas autorisés à donner leur sang. La raison de ce traitement inégalitaire repose sur de vieux clichés concernant les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes – en abrégé HSH : les gays changeraient constamment de partenaires et n'utiliseraient pas de préservatifs. Ils auraient ainsi un risque plus élevé d'être contaminé par le VIH.
En France, ces préjugés ont conduit en 1983 à l'exclusion complète des hommes homosexuels du don du sang. Cette interdiction toujours en vigueur est renforcée par les statistiques. L'Institut de veille sanitaire a présenté en 2013 des chiffres qui montrent un risque élevé de contamination du VIH chez les HSH : le risque de contamination serait 20 fois plus élevé que chez les héterosexuels français et 9 fois plus élevé que la moyenne des gays de l'ensemble des autres pays du monde. Selon ces chiffres, la France recèlerait le risque le plus élevé de contamination du virus du Sida chez les HSH d'Europe.
Les citoyens et les politiques contre l'interdiction du don du sang
En avril 2009, un Français a déposé plainte au tribunal administratif de Strasbourg contre la règlementation française. L'Établissement français du sang, qui fixe le cadre pour le don du sang en France, avait refusé Monsieur Léger comme donneur de sang potentiel. Le tribunal alsacien a transféré la plainte à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Six ans plus tard, jour pour jour, la CJUE a décidé il y a quelques semaines que les homosexuels masculins pouvaient toujours être exclus du don du sang. Le tribunal constate cependant que « l'exclusion […] pourrait ne pas respecter le principe de proportionnalité ». Si une infection au VIH ne peut pas être exclue de manière fiable, il faudrait trouver des moyens moins contraignants que l'interdiction pure et simple. Le questionnaire que chaque donneur doit remplir pour juger de sa santé et de son comportement sexuel pourrait être modifié. Dans tous les pays de l'UE, un tel questionnaire fait partie intégrante du processus du don du sang.
Malgré le jugement, l'Assemblée nationale française a osé une offensive il y a un mois contre la nouvelle règlementation. « Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle », est-il spécifié dans un amendement proposé par le député Arnaud Richard et voté par l'Assemblée. La ministre française de la Santé, Marisol Touraine, soutient l'égalité des HSH : « La discrimination des donneurs sur la base de leur orientation sexuelle est inacceptable ». Mme Touraine souhaite modifier le questionnaire et que ne soient plus demandées des informations sur l'orientation mais sur le comportement sexuel des donneurs. Les homosexuels et les hétérosexuels seraient alors, de facto, égaux.
Dans le doute, s'en prendre aux minorités
Le collectif Homodonneur de Toulouse s'engage depuis 2010 pour que les HSH puissent de nouveau donner leur sang. « Notre objectif est le don du sang pour tous aux mêmes conditions », laisse entendre le coordinateur Frédéric Pecharman. Les règlementations datent des années 80, alors qu'il n'était pas encore possible de faire des tests de sang précis. Aujourd'hui, il y a des moyens modernes de diagnostiser le VIH. « Il est toujours facile d'exclure les minorités, explique ainsi Pecharman à propos de la démarche du gouvernement, maintenant, les homosexuels doivent être réintégrés. »
En Allemagne aussi, le don du sang est depuis longtemps interdit aux gays. Comme en France, les statistiques viennent consolider l'exclusion des HSH. La « Bundesärztekammer » (BÄK) (Conseil fédéral allemand de l'Ordre des médecins, ndt) décide des directives du don du sang en association avec la loi de transfusion. La directive de la BÄK exclut plusieurs groupes de personnes pour des raisons plus ou moins compréhensibles : les personnes avec des maladies graves, les personnes qui ont vécu entre 1980 et 1996 plus de six mois au Royaume-Uni et justement les personnes dont le comportement sexuel recèle un risque de transmission élevé de maladies. Pour la BÄK, les hommes qui ont eu des relations sexuelles avec d'autres hommes et des prostitués en font partie.
La fédération allemande des lesbiennes et des gays (LSVD) bataille pour l'égalité des sexes concernant le don du sang. C'est la plus grande et la plus ancienne représentation d'homosexuels d'Allemagne et elle agit en tant que groupe d'intérêt parlementaire sur la politique. Quatre Länder interviennent déjà en faveur d'une modification de la législation. Le porte-parole Markus Ulrich reconnaît : « Une exclusion générale est discriminante ». La fédération berlinoise demande elle aussi une règlementation alternative, par exemple par une modification du questionnaire cité précedemment.
Des renseignements intimes
Les donneurs de sang potentiels doivent livrer des informations intimes sur eux pour remplir l'obligatoire questionnaire. Les questions de la clinique universitaire de Fribourg sont consultables en ligne. Cela commence par des renseignements sur l'état de santé (« vous sentez-vous malade ? »). S'ensuivent brièvement des questions sur les maladies infectieuses. « Seulement pour les hommes : avez-vous déjà eu un rapport sexuel avec un autre homme ? » : cette question détermine à elle seule si la personne pourra ou non donner son sang. Mais les femmes aussi peuvent être exlues si elles répondent par l'affirmative à cette question : « Avez-vous déjà eu un rapport sexuel avec un homme bisexuel ? ». Les autres paragraphes traitent de la consommation d'alcool, de séjours en prison et à l'étranger, de consommation de médicaments et de maladies du cerveau.
L'Italie fait partie des cinq pays qui autorisent les homosexuels masculins à donner leur sang. Dans un décret du ministère de la santé italienne datant de 2001, la structure du questionnaire est précisément définie. « Avez-vous eu lors des douze derniers mois un comportement sexuel à risque ? », s'intitule la question générale, qui ne fait en aucun cas allusion à l'orientation sexuelle. Si le comportement sexuel du partenaire n'est pas connu, la personne est suspendue du don du sang pendant quatre mois. Cela vaut pour les homosexuels et les hétérosexuels. Il y a 14 ans, les statistiques n'ont pas révélé d'infection du VIH plus élévée chez les HSH, donc la politique les a mis sur un même pied d'égalité que les autres donneurs.
5 + 5 pays comme exemple pour l'Europe ?
L'attitude italienne conviendrait bien aussi au collectif français Homodonneur : « Nous exigeons une réintégration avec quatre mois de suspension après le dernier rapport sexuel ». Elle vaudrait naturellement aussi bien pour les homosexuels que pour les héterosexuels.
L'Espagne aussi a fait un pas pour mettre les HSH sur un même pied d'égalité que les autres donneurs. Mais là-bas, le délai d'attente dure deux mois de plus. Une règlementation datant de 2005 dit que les personnes dont le comportement et l'activité sexuelle représente un risque élevé de contamination de maladies infectieuses sont suspendues pendant une période de six mois.
En Pologne, au Portugal et en Lettonie les gays ne sont pas seulement mis sur un même pied d'égalité. Les donneurs ne doivent pas subir un délai d'attente après le dernier rapport sexuel. Le don du sang est toujours possible.
Cinq autres pays n'ont pas encore mis les HSH sur un même pied d'égalité, mais ils les autorisent à donner leur sang un an après le dernier rapport sexuel. D'autres groupes de personnes peuvent en revanche toujours donner leur sang. Ces cinq États sont : le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande, la République Tchèque et la Hongrie. Pour les organisations de France et d'Allemagne, cela n'est pas une alternative à l'égalité complète : « Un an ou plus sans rapport sexuel est une idée utopique », déclare Markus Ulbrich du LSVD. Frédéric Pecharman ajoute : « Ce délai d'attente exclut les gays de la vie sexuelle ».
Mais par les différentes règlementations sur le don du sang, la diversité en terme d'orientation sexuelle n'est pas pris au sérieux en Europe si l'on considère les législations dans la majorité des pays membres. 18 pays de l'UE sur 28 exluent complètement les homosexuels masculins du don du sang.
Translated from In nur 5 EU-Staaten dürfen schwule Männer hürdenlos Blut spenden