Les frites « Schranke » : ketchup-mayo, Ruhr et métallos
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Emilie DubosAvec le projet Ruhr.2010, l'Europe entière va enfin découvrir l’offre culturelle si attrayante de la région allemande de la Ruhr. Mais qu’en est-il du programme culinaire ? Qu’on se le dise, seule une portion d'authentiques frites « Schranke » peut représenter dûment la capitale européenne de la culture de l'année 2010.
Les frites comme ambassadrices culinaires du projet Ruhr.2010 ? Plus, les frites, un produit de la région de la Ruhr ? Stop ! Les Néerlandais et les Belges ont été plus rapides. Ce n’est pas pour rien qu’il existe diverses blagues dans lesquelles les termes frites et Belgique sont étroitement liés (« Comment fait-on rentrer dix Belges dans une voiture ? » - Celui qui trouve la bonne réponse gagne la barquette de frites dont on a justement besoin pour faire rentrer les dix Belges dans la voiture). Il y a aussi beaucoup de blagues et pas mal de préjugés sur la Ruhr – que les habitants comme les personnes extérieures ont coutume d'appeler « der Pott » (Ndlr : « Pott » viendrait du mot « Pütt», « mine », référence au passé de la région minière selon la traductrice de l'article, mais l'auteur rattache aussi « Pott », « le pot », à un « melting pot » à l'allemande, car la région regroupe des habitants de 170 nations différentes ! ) – mais ceux-ci n’ont en général rien à voir avec les frites.
Frites et passages à niveau
« Tout ce qui semble vieux et bizarre, il suffit de le qualifier de culture industrielle et ça devient de fait super »
Les faits maintenant : les frites « Schranke » (« Barrière ») sont une incroyable combinaison de bâtonnets de pommes de terre généreusement frits, de mayonnaise et de ketchup. Côte à côte, la mayonnaise (blanche) et le ketchup (rouge) forment la même combinaison de couleurs que celle des barrières des passages à niveaux allemands. Et comme autrefois de nombreux biens devaient être transportés dans la région industrielle de la Ruhr, il y avait de nombreuses voies ferrées et gares et par conséquent de nombreuses barrières ferroviaires. Pour être honnête, il s’agit ici de ma propre version de l’origine des frites Schranke – une tentative de concilier spécialité culinaire et histoire de la Ruhr. Ce qui est reste vrai, c’est que le concept de « Frites Barrière » (« Pommes Schranke ») vient du « Pott ». Ailleurs, c’est le terme de frites « rouge-blanc » qui l’a emporté.
Il faut bien l’avouer, la combinaison frites-mayo-ketchup ne semble pas particulièrement spectaculaire. Mais au final, l’important n’est pas seulement ce qu’on mange, mais aussi comment et où on le déguste ! C'est là que la baraque à frites entre en scène ! Il n’est pas si facile de trouver la bonne baraque à frites Schranke, du moins pour le fin gourmet qui n’est pas du coin. Il s’agira ici de trouver sa propre « route de la culture industrielle » (« route der Industriekultur »), un concept que les habitants de la Ruhr utilisent souvent et volontiers. Un ami formulait la chose ainsi : « Tout ce qui semble vieux et bizarre, il suffit de le qualifier de culture industrielle et ça devient de fait super ».
Comment trouver la bonne baraque à frites
Premier pas vers l’expérience culinaire des frites Schranke : ne pas avoir peur. Certes, dans le fast-food de la rue principale, il y a sûrement des frites Schranke, accompagnées de salade grecque et d’un muffin en dessert. Mais ce n’est pas authentique. Au lieu de cela, mieux vaut faire un petit crochet et s’aventurer dans des régions à première vue peu engageantes. Barres d’immeubles grises, espaces verts isolées (mais ils ont le mérite d’exister... si si, nous avons même l’eau courante !) : ambiance de ghetto. C'est ici que la probabilité de trouver une bonne baraque à frites est la plus élevée. En marge des grandes avenues principales, la Ruhr est en effet encore la Ruhr, et les frites Schranke sont restées les frites Schranke.
Une « vraie » baraque à frites se caractérise ainsi :
1) Elle n’est généralement pas belle. Gris béton, bonjour !
2) Elle n’est meublée que du strict nécessaire. Pas de chaises rouges rembourrées à l’américaine, rien. Au lieu de quoi on y trouve : des chaises de jardin en plastique (aucune chaise n’y est d’ailleurs semblable à une autre). Il est fréquent de n’y trouver aucune chaise, juste une table haute directement plaquée contre la baraque.
3) Le nom de la baraque donne l’impression de connaître personnellement le propriétaire. Ainsi, on aimera particulièrement les enseignes comme « la baraque de Bettina », « la mangeoire de Kurt », ou autres noms similaires.
4) Le choix de la carte est réduit. Sur le « menu » (s’il y en a un), on ne devrait pas trouver davantage que des fricadelles, des saucisses et bien-sûr des frites.
Qui a réussi à trouver « la » baraque à frites ne peut ensuite plus se tromper. Enfin, à moins que, au moment de commander « une portion de frites Schranke », le ou la propriétaire de l’échoppe ne perçoive un autre dialecte que celui du « Pott ». Si c’est le cas, un dialogue avec Kurt ou Bettina sur la région d’origine de la personne concernée s’impose, accompagné bien entendu de louanges sur la Ruhr et ses avantages. Mais avec une portion d’authentiques frites « Schranke » (debout, accoudé à la table haute), c’est tout à fait supportable.
Finalement, les frites Schranke sont exactement comme les habitants de la Ruhr : sincères, simples et bien mélangées.
Recette des frites Schranke
Ingrédients :
Pommes de terre (quantité variable selon l’appétit et le nombre de personnes), sel, mélange d’épices au curry (selon les goûts), huile.
Préparation :
1) Préchauffer le four à 180°C
2) Laver les pommes de terre, les peler et les couper – d’abord en rondelles, puis en bâtonnets.
3) Dans un saladier, préparer une marinade avec l’huile, le sel et le mélange de curry. Faire généreusement mariner les frites dedans et les déposer ensuite sur la plaque de cuisson.
4) Mettre la plaque au four (environ 50 minutes). Retourner les pommes de terre de temps en temps et ajouter plus de marinade si besoin.
Servir de préférence dans une authentique barquette en carton. Recouvrir décemment de ketchup et de mayonnaise. Avec ça, une bonne petite bière s’impose. Et comme accompagnement : une Currywurst (spécialité de saucisse à la sauce au curry).
Encore mieux : Suivre le guide (voir plus haut) et se mettre soi-même à la recherche d’une « vraie » baraque à frites !
Photos : Une ©loloieg/Flickr; Passage à niveau : ©dev null/Flickr; Baraque à frites ©Smotret/Flickr
Translated from Pommes Schranke: Botschafterin der EU-Kulturhauptstadt 2010