Les Finlandais tirent leur révérence
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Elsa BracadabraBruxelles, les 13 et 14 décembre prochain, ne sera pas un simple Conseil européen de clôture. Il marque aussi le chant du cygne de la présidence finlandaise.
URLLes Finlandais sont loin d’être néophytes en matière de Présidence européenne. En 1999 lors de leur dernier mandat, l'apport du gouvernement de l'ex-Premier ministre Paavo Lipponen avait été unanimement salué par ses pairs. Son principal fait d’arme : avoir tracé le chemin semé d’embûches de la candidature turque.
Malchance du débutant
Cet été avec la guerre au Liban, une première opportunité s'est présentée pour donner à l'Europe un rôle d’envergure sur la scène internationale. Plaidant aux côtés de l'ONU, l’UE a appelé « à l'arrêt immédiat des hostilités » condamnant par la même occasion « l'usage disproportionné de la force ».
En novembre dernier, lors d’une rencontre ironiquement baptisé ‘Une Europe des résultats’, le Premier ministre finlandais Matti Vanhanen soulignait d'ailleurs l'exemplarité de la réaction européenne à la crise au Moyen-Orient. « L'Union européenne a prouvé sa capacité à agir, » a-t-il dit. « En outre, nous avons envoyé des troupes considérables pour renforcer l'opération menée par l'ONU ». Pourtant, de nombreuses critiques se sont élevées contre Helsinki, accusée d’avoir entraîné l'UE dans une ligne politique pro-arabe et anti-israélienne.
En réponse à ces attaques, la Présidence finlandaise ne manque jamais d’énumérer ses succès. Compilés dans des dossiers plutôt discrets. Des exemples ? Un accord a été conclu à propos de l’épineuse directive ‘Services’, créant un cadre législatif commun aux prestataires de services du marché commun. Une campagne en faveur du climat et de la biodiversité a été lancée par Bruxelles et le système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQUE) vient d'être révisé.
C’est lors du récent Sommet de Lahti que la Finlande a réaffirmé ses positions de politique étrangère : Helsinki a fait part, avec succès, des préoccupations énergétiques européennes au Kremlin. Mais l’accusation de Vladimir Poutine, prononcée sur son lit de mort par l'ex-espion russe Alexandre Litvinenko, a malheureusement coïncidé avec les « discussions franches et fructueuses » du Sommet européen d'Helsinki. Un Poutine qui de son côté accuse l’Italie [et non la Russie] d'être la mère cachée de toutes les mafias.
Une initiative comme le projet ‘Reach’, qui propose une nouvelle législation sur les produits chimiques et vient d’être adopté par le Parlement, ne peut être portée au seul crédit de la Présidence finlandaise. Il manque à ce bilan une réussite flagrante : comme des avancées sur le Traité établissant une Constitution pour l'Europe.
Echafaudage bancal
« Ils ont mis la pression pour aller de l'avant en faisant croire que tout est bon dans la Constitution européenne », a notamment affirmé l'eurosceptique Nigel Farage, président du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP).
La Finlande était chargée par les Vingt Cinq d’élaborer un rapport sur le sujet constitutionnel pour 2007, en vue du cinquantième anniversaire du Traité de Rome prévu le 25 mars prochain. Mais les discussions sur le thème ont été repoussées et c’est désormais l’Allemagne qui devra trouver une solution au problème constitutionnel, lorsqu’elle prendra la Présidence tournante de l’UE en janvier prochain. Pour autant, « le fossé entre citoyens et politiques n’a cessé de s’élargir après six mois de présidence finlandaise », a pointé Farage.
Un constat probablement également partagé par les citoyens turcs. L'élargissement est imminent sur l'agenda européen. L'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie au sein de l'UE le 1er janvier 2007 était un simple processus formel que la Finlande n'avait qu'à compléter mécaniquement. Mais souligne perfidement Farage, « il est difficile de trouver une mesure moins populaire, vu la vague d'immigration vécue par les nouveaux pays membres de 2004. Or, ces deux pays sont encore plus pauvres ». Et que dire alors du dernier candidat potentiel le plus démuni- la Turquie?
La onzième heure
Le 7 décembre, la Turquie s’engageait verbalement à ouvrir un port et un aéroport à Chypre, « cinq minutes avant minuit" », selon les mots de Camiel Eurlings, eurodéputé allemand conservateur. Aujourd’hui, le commerce avec le Nord de l’île reste bloqué et les ports turcs sont toujours fermés aux navires chypriotes. La promesse turque d'ouvrir un port et un aéroport dans l’île a prouvé que les négociations n’étaient pas dans une impasse aussi insoluble que ne l’avait craint le Commissaire finlandais à l'élargissement, Olli Rehn, évoquant le « déraillage du train de l'élargissement » et même « d'éléphants dans des magasins de porcelaine ». Même si au final, la Finlande a annoncé qu'elle serait impuissante à mener à bien les pourparlers d'échanges entre Chypre et la Turquie.
Quant aux ultimes efforts finlandais menés à Tampere avec la fameuse diplomatie du ‘sauna’ ils n’ont porté aucun fruit. Le ministre des Affaires étrangères chypriote, Lillikas a fermé sa porte à son homologue finlandais, Erkki Tuomija, dont le propre père, Sakari, était l’envoyé de l'ONU à Chypre dans les années 60. Abdullah Gul [actuel ministre turc des Affaires étrangères] en a fait de même.
Apparemment, les Turcs n'acceptent de faire des concessions que lorsque l'Europe prend les devants, voire fait le travail à leur place. La Turquie, éternel grain de sable qui a empêché les Finlandais de faire passer la résolution chypriote et bloque encore la belle mécanique européenne.
Au tout début de leur Présidence, les Finlandais annonçaient qu’ils espéraient «cinquante pour cent » de réussite dans le dossier turc. Six mois plus tard, la bouteille est à moitié vide. Mais plutôt que de taper sur les doigts finlandais, il serait temps de se focaliser sur le vrai problème : six mois ne suffisent à aucun pays pour présider l'Union européenne avec succès.
Translated from EU Presidency: the Finns bow out