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Les Etats-Unis et le climat : un signe, enfin

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Gaelle Durif

Société

L’opinion publique américaine semble mûre pour accepter les politiques environnementales que propose Barack Obama. A Union Square, sur le marché bio de New-York, ou grâce au climatologue Stephen H. Schneider, suivons les premiers pas d’une politique écologiste à l’américaine.

Pour se rendre au marché vert d'Union Square à Manhattan où ils vendront leurs produits issus de l’agriculture biologique, il en coûte seulement 1 dollar le gallon d'essence (3,78 litres) aux fermiers de l'Etat de New-York. Leurs réservoirs sont remplis d'huile végétale pas très chère, tout droit sortie des friteuses de restaurants et convertie en biodiesel. Avec ce processus, la dépendance à l'égard de l'essence étrangère est nulle. « American dream », version verte. 

Vert mais pas tout rose

Face au réchauffement climatique, Obama compte développer le rendement énergétique du pays et réduire sa dépendance à l'égard du pétrole importé en augmentant la production d'énergie alternative. Cela signifierait accroître la production d'énergie verte, améliorer le système de transport et réduire les émissions de carbone. L'objectif est de s'attaquer au réchauffement climatique mondial tout en protégeant les intérêts nationaux. Une fois que Steven Chu, prix Nobel de physique et tout nouveau secrétaire à l’énergie aura défini des directives précises, la question pour la nouvelle administration sera de créer un consensus à la fois politique et public.

(Image: GP)

Doubler la quantité d'énergie alternative produite en Amérique en 3 ans est un objectif raisonnable, les sources alternatives alimentant seulement 7 % de l'énergie consommée dans le pays actuellement. Le véritable challenge sera de réduire les émissions de carbone de 30 % en vingt à trente ans, précise le Stephen H. Schneider. Ce climatologue de renom, professeur de biologie et études environnementales à l'Université de Stanford, est un membre dirigeant du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui partagea le prix Nobel de la paix avec Al Gore en 2007. 

Le « plan intelligent » d'Obama

Pour produire de l'énergie verte, les Etats-Unis ne doivent pas se contenter de construire davantage d'éoliennes et d’usines photovoltaïques. Ils devront également remplacer les centrales électriques existantes par des technologies plus respectueuses de l'environnement. L'énergie produite doit être redistribuée sur l'ensemble du territoire. Pour cela, Obama envisage de créer un « réseau intelligent » qui sera capable de produire aussi bien de l'énergie éolienne en Californie que de l'énergie solaire en Arizona. Ce réseau de câblages transportera ces énergies vers les régions qui ne sont pas en mesure de produire de l'énergie verte. Un système de renfort permettra d'éviter tout dysfonctionnement ou pénurie d'énergie en cas de panne de courant. Par ailleurs, l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments et maisons individuelles est également au menu du programme d'Obama. Plus d'un million d'édifices par an seront concernés par cette mesure.

« Obama, en associant à la fois économie, sécurité nationale et environnement, se montre plus que judicieux »

Le principe majeur repose sur un système de comptabilité. En clair, le plan du « réseau intelligent » se calquerait à l'échelle nationale sur les lieux et les moyens de production, de transport et d'utilisation de l'énergie, dit Schneider. Le système de plafonnement et d'échange (« cap-and-trade ») préconisé par Obama suivrait ce même principe. Les tonnes d'émissions de carbone seraient mesurées depuis la production d'énergie jusqu'à son transport et sa livraison. Une fois que certains quotas seront alloués aux sociétés, elles pourront acheter et vendre leurs permis sur le marché boursier. Cette politique ne va pas seulement aider à diminuer la dépendance à l'égard du pétrole étranger, dont on ne prévoit pas la baisse des coûts dans l'immédiat, mais elle va aussi créer des « emplois verts » et relancer l'économie. « Obama, en associant à la fois économie, sécurité nationale et environnement, se montre plus que judicieux », ajoute Schneider. 

(DR)La crise économique pourrait faciliter les changements que les Etats-Unis doivent effectuer en matière de production énergétique. D'un autre côté, la rareté du capital produit par la crise n'encourage pas vraiment les investissements dans des domaines qui ne sont pas encore considérés comme très rentables. Pour Schneider, « optimiste mais aussi réaliste », l'Amérique a besoin d'investissements réels et d'un engagement politique véritable. « Nous avons besoin de règlements fermes partagés par les partis politiques chez nous, puis à l'échelle internationale. Le travail du Congrès est de construire une coalition sans conflit d'intérêts et d'adopter une réelle législation sur l'environnement. Les Etats-Unis ont la chance aujourd'hui de développer une système de plafonnement et d'échange expérimenté par les Européens, pionniers dans la protection environnementale », explique Schneider.

L'Amérique plus frileuse que l'Europe 

(666666666/flickr)Mais les Etats-Unis doivent faire face à des challenges politiques différents de ceux de l'Europe. En effet, l'opinion publique américaine reste indifférente, timide, voire méfiante à l'égard de la politique environnementale, poursuit Schneider. 85 % des Européens sont pour, contre 60 % des citoyens américains, ce qui peut rendre délicat l'engagement des politiques en faveur de cette cause. Néanmoins, après une saison riche en ouragans et un tournant politique radical, les Américains sont plus réceptifs aujourd'hui qu'en 1993 lors de l'échec du plan Clinton-Gore qui avait alors reçu peu de soutien de la classe politique. 

L'intérêt des jeunes pour l'environnement est lui aussi grandissant. « C'est très gratifiant de constater leur enthousiasme et leur implication », ajoute Schneider. Dix ans en arrière, seuls une vingtaine d'étudiants assistaient à ses cours sur le contrôle du changement climatique. Aujourd'hui, ils sont 150. « L'Europe et les jeunes sont des acteurs cruciaux dans le processus urgent de prévention du changement climatique », dit Robert Engelman, vice-président des programmes du Worldwatch Institute et co-directeur de projet L'Etat du Monde 2009 récemment publié. L'ouvrage fait état d'un désir politique mondial de changement radical en faveur de l'énergie renouvelable, mais aussi d'un soutien public massif pour sauver le climat à l'échelle internationale. Une fois les lois adoptées, les gens devront s'adapter en conséquence à un nouveau mode de vie. 

Paroles de jeunes

(Image: GP)« Je dois avouer que je ne sais pas encore très bien de quoi il en retourne », admet Jabob Lehman, un éditeur de 28 ans. La plupart des jeunes gens qui font leurs courses au Marché vert d'Union Square disent que le nouveau plan pour une énergie propre n'est pas très bien compris. Leur intérêt pour l'environnement est personnel, pas vraiment lié au fait que l'administration Obama soit la plus impliquée dans la mise en route des énergies renouvelables de l'histoire des Etats-Unis. D'autres pensent que le charisme d'Obama permettra d'attirer plus d'attention sur les questions du changement climatique, surtout chez les jeunes. D'après l'institut de sondage Gallup, Obama bénéficie toujours d'une côte d'opinion favorable de 65 %.

Pour beaucoup, Obama va agir comme un leader, capable de concentrer tous les efforts vers le changement. Mais ses politiques environnementales ne sont pas seulement question de charisme, mais plutôt de mise en place d'un consensus et de sens commun. Un sens commun que beaucoup estiment avoir vu s'envoler depuis trop longtemps. « Il faisait 18 degrés (65° Fahrenheit) à New-York la semaine dernière, dit Alison Lardner, 29 ans, une habituée du marché d'Union Square. Si après ça vous ne croyez toujours pas au réchauffement climatique, réveillez-vous ! »

Translated from US warms up to the global climate change consensus