Les développements extérieurs et sécuritaires de Lisbonne
Published on
La future présidence française de l’UE entend saisir le coche du traité (dont elle a influencé plusieurs de ses développements) pour valoriser ses objectifs politiques. Il en va de la grandeur de la France !
Nous l’avions compris lors de son discours aux ambassadeurs en aout dernier et cela a été confirmé par sa prestation de novembre dernier devant le Parlement européen, Nicolas Sarkozy veut relancer l’Europe sur le plan politique.
Renouveau possible de la PESD
Dans la lignée de ses déclarations sur les avancées politiques du traité, Nicolas Sarkozy a décliné quatre priorités pour la future présidence française de l’Union : l’immigration, l’énergie, l’environnement et la politique européenne de défense, car « comment l’Europe pourrait-elle être indépendante, comment pourrait-elle avoir une influence politique dans le monde, comment pourrait-elle être un facteur de paix et d’équilibre si elle n’était pas capable d’assurer elle-même sa défense ? ». Et de rajouter à l’occasion de la convention de l’UMP sur l’Europe le 30 janvier dernier « L'Europe ne sera pas une puissance politique si l'Europe n'est pas capable d'assurer elle-même sa sécurité ».
Il est vrai que dans ce domaine précis, l’extension de la majorité qualifié et les changements institutionnels (surtout la politisation progressive de la Commission avec la nomination d’un haut représentant pour les affaires étrangères également vice président de la Commission) pourront être exploités afin de lancer des politiques ambitieuses.
De même, des dispositions comme celles concernant l’extension des coopérations renforcées, la clause d’aide et de solidarité (qui vient compléter le devoir d’aide et d’assistance), et la possibilité de créer des « coopérations structurées permanentes » pourraient être positivement exploités pendant la présidence française s’il l’on s’en tient au propos enthousiastes de Nicolas Sarkozy et de son Premier ministre.
Un traité qui appelle à de grandes envolées lyriques côté affaires extérieures mais …
« Le traité vient sceller une longue période d’angoisses liées à la fin de la IInd Guerre Mondiale et au démantèlement soviétique, et initie une nouvelle configuration stratégique de l’UE ». Voilà ce que l’on peut entendre dans les joutes oratoires où nos décideurs acclament « l’unité européenne ».
Le besoin, pour l’Europe, d’afficher un front uni, de gagner une « identité diplomatique », comme le formulait Alain Lamassoure lors d’une présentation à l’IHEDN le 25 janvier dernier à Paris, devient pressant. Or, selon l’eurodéputé, le nouveau traité le permet. Il dote l’UE des outils pratiques et techniques pour consolider son positionnement politique à l’échelle mondiale.
Pourtant, le volet défense ne semble pas générer une grande stimulation dans les cercles intellectuels. Evoqué du bout des lèvres lors des meetings et des conférences où visionnaires déchus et bâtisseurs d’empires se bousculent pour donner leur vision du nouveau traité et de ses avancées, il demeure l’élément que l’on cite sans jamais en décliner les possibles.
Pourquoi donc ce sentiment de tabou persistant alors même que le Président de la République a décidé d’en faire un des chevaux de bataille de la présidence française ?
Devant l’UMP, il se laisserait même surprendre à des entreprises de séduction envers l’amie Merkel – dans le domaine de la défense européenne, le couple franco-allemand a toujours été le moteur principal.
Comment expliquer, alors, une telle fadeur des propos lorsqu’il s’agit d’être un peu prospectif sur ce que l’on pourrait faire dans ce domaine ?
Serait-ce encore les stigmates de la CED et la crainte que des débats stériles autour d’une armée européenne autonome – absolue chimère cela dit en passant – ne viennent réanimer le spectre de l’Europe toute puissante à un moment où il ne faut surtout pas effrayer le public ?
Lisser le traité pour donner plus de légitimité à l’Europe de la défense
L’objectif est donc de vendre un produit fini en évitant d’explorer trop en profondeur son potentiel innovant. Car la défense, cela reste encore très sensible. Sans pointer tout de suite du doigt les Britanniques ni resservir la dialectique atlantiste, il faut tenir compte de cette barrière psychologique qui persiste dès que l’on évoque l’idée de développer le pilier de la défense européenne.
Ce pré carré national, l’opinion publique a encore du mal à se dire qu’il serait bien mieux géré au niveau européen. Il ne s’agit pas de se dessaisir de ses « boys » mais, dans un contexte de menaces globales, il faut pouvoir se mettre en ordre de bataille, et cela passe par la coordination des commandements et des forces.
Sophie Helbert