Les cultures d’Europe dans le monde : une année noire pour la France
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Des valeurs, des attitudes, des modes de vie… Les pays européens exportent leur culture et leur langue dans le monde pour les faire dialoguer. Cafebabel.com consacre une série à cette « diplomatie » culturelle. Premier étape : le réseau français qui s’étiole à l'étranger.
Quel est le cap à suivre pour l’armada culturelle française constituée de 148 instituts et centres culturels et plus de mille alliances françaises de part le monde ? Le réseau culturel français doit se positionner au cœur de la « francosphère » pour trouver un nouveau souffle. Et pourtant… la baisse générale des crédits publics pour le financement de l'action culturelle extérieure atteindra 30 % dans certains postes diplomatiques et s'établira à 20 % de baisse moyenne dans tout le réseau culturel cette année. Voila le verdict sans appel de la loi de finance 2009 pour le réseau culturel du ministère des affaires étrangères (MAE). Au delà de la difficulté récurrente liée au manque de moyens publics, le « Réseau » est confronté à une série de problèmes de fonds dont la résolution urgente créerait les conditions possibles de sa modernisation. L’engagement public de l’Etat est nécessaire pour relancer l’action culturelle à l’international. Et il ne couterait pas cher aux Français de financer une telle relance, le réseau culturel étant déjà largement cofinancé par des ressources privées.
Un problème de « gouvernance »
Réécrire la feuille de route de ce réseau, changer sa raison d’être institutionnelle, serait également une manière de sortir de la crise actuelle par le haut. Une nouvelle direction dite « de la mondialisation » est en train d’être mise en place au sein du MAE. Elle doit piloter l’action culturelle extérieure de l’Etat français. Mais, dans cette nouvelle organisation ministérielle, l'action culturelle semble désormais un appendice mineur car la mondialisation est envisagée essentiellement sous l’angle économique.
Un manque de visibilité
Le réseau culturel français n'est pas très bien identifié par les Français de la métropole. Beaucoup pensent qu'il dépend du ministère de la culture et qu'il a des fonctions équivalentes. Peu d'élus politiques nationaux, à l'exception de quelques sénateurs des Français de l'étranger, se sont emparés des questions relatives à l'action culturelle extérieure française. Faute de vision politique majeure pour repenser ses missions, le réseau culturel est dans une ornière profonde.
Une identité particulière pas toujours bien vue du Quai d'Orsay
Les personnels exerçants dans le réseau culturel ne sont pas des diplomates de métiers. Le mode de recrutement privilégié est celui de l'appel à « des spécialistes » venus d'horizons professionnels divers (personnalité du monde de l’art, professeurs, logisticiens de la culture). Cette « diversité » de recrutement est une des identités fortes de ce réseau. La coexistence avec le monde, plus classique dans sa gestion, des diplomates de carrière n'est pas toujours évidente. Nombre d'ambassadeurs et de décideurs du MAE craignent fortement les tentatives d'autonomisation de ce réseau, de peur de voir leur échapper une « diplomatie d'influence culturelle » qui est un des piliers de l'action internationale française.
Une petite révolution financière déjà réussie
Une chose est cependant certaine, les moyens publics nécessaires à la relancer de ce réseau seraient pourtant modestes : à l'heure actuelle, le coût global du réseau est inférieur au budget de fonctionnement de la Bibliothèque Mitterrand ou de l'Opéra Bastille. Malgré tous ces problèmes de fonds non résolus, le réseau a réussi une petite révolution silencieuse dans le domaine financier : celle de voir croître la part des ressources privées dans son financement : les instituts culturels d'Europe sont aujourd'hui autofinancés à plus de 50 % par le mécénat d'entreprise, les co-financements avec des institutions culturelles locales, et par les recettes liées à la vente de cours de français. La relance du réseau culturel ne coûterait donc pas cher aux Français.
Vers un monde métissé
Réformer utilement ce réseau, ce serait d’abord lui donner une feuille de route claire et qui fixe le cap d’une mondialisation alternative et généreuse, accompagnant « le commencement du monde » nouveau, cette modernité métisse qu’évoque Jean-Claude Guillebaud dans un ouvrage récent. Pour l’instant l’action culturelle extérieure n’est qu’un des piliers de l’action diplomatique de l’Etat qui y décline sa stratégie d’influence auprès des élites culturelles locales au risque de donner l’impression d’un club fermé, d’une élite francophone vivant dans sa bulle. Au lieu de mettre la culture au service de la diplomatie, dont elle est aujourd’hui l’arme douce ou « le soft power », n’est il pas temps de placer la diplomatie au service d’une culture francophone ouverte et mêlée par le biais d’une langue française rénovée par les apports des écrivains et locuteurs des anciennes colonies françaises ou des Français des DOM-TOM ?