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Les croates boudent les élections européennes : L'UE en manque d’amour ?

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Bruxelles

Par Antoine Patoz Le premier juillet 2013, la Croatie deviendra le vingt-huitième membre de l'UE. C'est dans cette optique que se tenaient des élections le week-end dernier. Douze postes de députés européens étaient à pourvoir. Autant le dire tout de suite, l’Europe ne ressort pas grandie de ce scrutin. C'est en effet l'abstention qui attire l'attention, bien avant les résultats.

Comment expliquer que seulement 20,79% de la population soit allée voter, alors que l’entrée de la Croatie dans l'Union est un événement majeur de sa jeune histoire ?

Des résultats parfois étonnants

Un retour rapide sur les résultats s'impose. Il y avait douze sièges en jeu. La coalition menée par l’Union Démocratique Croate (HDZ, droite) l'emporte, avec 32,87% des voix et 6 sièges. C’est une petite surprise, les sondages pré-élections donnaient la coalition socialiste au pouvoir, gagnante. Elle finira juste derrière avec 32,07% des voix soit 5 sièges. Le parti travailliste obtenant le siège restant.

Deux observations s'imposent : c'est le pire résultat électoral depuis les élections de 2007 pour le premier ministre Zoran Milanović, qui est l’un des grands artisan de l’entrée de la Croatie dans l'Europe. Ruža Tomašić, connue pour ses positions eurosceptiques, voire europhobes, est élue députée européenne avec plus de voix de préférence que tous ses alliés. Cette dernière est à l’origine d’une polémique nationale après avoir déclaré le mois dernier que « la Croatie est pour les Croates, les autres ne sont que des hôtes».

Le faible taux de participation aux élections européennes en Croatie est proche du taux record de 19,63 % enregistré lors des élections européennes en Slovaquie en 2009. Lors des élections européennes de 2009, le taux moyen de participation dans les 27 États membres était de 43 %. Déjà, en 2012, le référendum sur l’adhésion à l’UE s’était illustré par un manque d’enthousiasme de la part des électeurs : seulement 44% de ceux-ci s’étaient rendus aux urnes pour se prononcer sur la question.

Une classe politique contestée et contestable

Les électeurs n'ont pas considéré ce scrutin comme important. On peut donc voir dans ce scrutin, un échec pour l'Union européenne. Et on peut aussi penser, sans trop se tromper qu'elle y est un peu pour quelque chose. En effet comment convaincre les électeurs d'aller voter, quand on sait que les eurodéputés ne seront même pas élus pour un an, puisqu'un nouveau scrutin aura lieu en mai prochain ? Par ailleurs, si douze postes étaient à pourvoir pour ces élections, il n'y en aura plus que onze en mai prochain. Comment est ce que l'on veut intéresser les gens comme ça ? L'image et le rôle du parlement Européen sont confus même pour des citoyens de pays  « historiquement » membre de l'Union.

Ce n'est pas la campagne électorale croate qui a clarifié ce rôle. On peut regretter l’absence d’explication claire sur l’importance du Parlement Européen ou sur la place de la Croatie dans l'Europe durant la campagne. En effet les thèmes de la campagne étaient éloignés des enjeux européens. Le Jutarnji List, grand quotidien croate, dénonce le fait que " les salaires des députés et leur connaissance de l’anglais qui se [sont] soient retrouvés au cœur de la campagne". Alors que des thèmes comme la mobilité des travailleurs croates dans l’UE ou les changements dans l’industrie de l’agriculture et celle de la pêche, sont de vraies préoccupations pour les électeurs. Zarko Puhovski a pointé du doigt le manque de campagne tout court : « Au lieu d'une campagne électorale, nous avons connu des semaines de quasi-silence électoral », a-t-il déclaré à l'Associated Press. Résultat : une large partie des croates n’était même pas au courant que des élections se tenaient dimanche.

La classe politique croate n'est pas étrangère à l’échec de ces élections. Les scandales de corruption, dont le plus flagrant a vu le renvoi du premier ministre Ivo Sanader en 2009, ont discrédité les politiciens croates. De plus en plus déconnectés de leur électorat, ils se sont créé une légitimité par le haut, en obtenant de la part de Bruxelles un brevet de respectabilité. On peut comprendre que les électeurs soient écœurés, l’Europe n'est pas encore là que la classe politique croate en a déjà dégoûté ses concitoyens.

L'Union Européene grande perdante?

L’Union européenne ne sort pas grandie de ces élections. Le sondage d'opinion le plus récent révèle que seulement un peu plus de 50 % des Croates soutiennent l'adhésion de leur pays à l'UE. Il peut être compliqué de connaître l'importance de cet avis mais l'AFP avance ce témoignage d'une croate de 64 ans : «Tant de jeunes ont sacrifié leurs vies pour quitter une fédération et maintenant les politiciens nous poussent à rejoindre une autre». Les détracteurs dénoncent cette volonté d'entrer dans une union en crise où la Croatie ne sera qu'un pays « subalterne ». Il est évident que ce manque de popularité entraîne un manque de légitimité, qui peut être dommageable que ce soit pour les institutions européennes ou pour la classe dirigeante croate. On peut malheureusement douter de la volonté réelle des croates à intégrer l'UE. Et ce ne sont pas les élections de ce week-end qui vont nous rassurer.