Les contrebandiers face à la forteresse slovaque
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jane meryLa dernière frontière à l’Est de l'Europe, entre la Slovaquie et l’Ukraine, est une véritable muraille où les caméras remplacent le fil barbelé.
Jacky est le héros du jour. Le chien des douaniers slovaques vient de trouver la planque d’un contrebandier dans une Opel ukrainienne. Le conducteur doit aller se garer un peu plus loin, sous les yeux des garde-frontières. Sans un mot, il démonte sa voiture. Les cigarette sont planquées partout, dans tous les recoins. Plus de vingt cartouches. Le fraudeur encourt trois ans de prison et une suspension de son permis de conduire de cinq ans.
Un épisode parmi d’autres sur la frontière entre la Slovaquie et l’Ukraine. Les contrebandiers de cigarettes ne sont pourtant que des petits poissons à attraper. Avec un très grand soutien de l’UE, la Slovaquie a fait de sa frontière Est, une muraille pour les immigrants indésirables. Depuis l’extension de l’espace Schengen le 21 décembre 2007, les gardes en fonction sur cette ligne géographique effectuent les tout derniers contrôles douaniers jusqu’à l’océan Atlantique.
Le miracle Schengen
Miroslav Uchnar, le responsable des tout nouveaux quartiers généraux de la police dans la petite ville ensommeillée de Sobrance dans l’Est de la Slovaquie, parle lui d’un « petit miracle ». Un an auparavant, l’Union européenne semblait vouloir retirer la Slovaquie de l’élargissement de la zone Schengen. Les Tchèques qui donnent la priorité à la liberté de circulation de leurs citoyens, ont alors menacé de fermer leur frontière avec la Slovaquie. Et ceci, malgré l’histoire partagée entre les Slovaques et les Tchèques qui faisaient partie de la même nation pendant les trois-quarts du 20e siècle.
Robert Kalinak, le ministre de l’Intérieur slovaque se souvient de cette période non sans une point d’effroi. Les Slovaques, très mal préparés à leur entrée dans l’espace de Schengen, avaient provoqués la colère des fonctionnaires, de Bruxelles à Prague. Aujourd’hui, le trentenaire lance des remerciements à tire larigot: « Alors que mon collègue du Luxembourg visitait la frontière, il érigea un poste frontière et annonça aux journalistes : ‘Je me tiens sur la frontière entre le Luxembourg et l’Ukraine.’ Je ne peux que faire son éloge ! ».
Visiblement très amusé, Kalinak manipule la souris sur son bureau. Elle contrôle plusieurs moniteurs qui renvoient les images des cent kilomètres de frontière jusqu’à Bratislava.
Pour montrer les immigrants et les contrebandiers, Kalinak doit repasser les vieux enregistrements vidéo : « Nous n’avons pas beaucoup de cas récents », s’excuse-t-il presque. « Ils savent que nous avons mis une forteresse ici. Il se sont passés le mot. Maintenant, les immigrants tentent leur chance du côté Ouest, plutôt en Hongrie ou en Pologne. »
Kalinak se dit très reconnaissant envers les Européens pour leur « solidarité ». Ils ont mis un tiers des 100 millions d’euros nécessaires pour investir dans le renforcement des frontières : « En plus, des spécialistes des vols de voiture et de la falsification de passeports sont venus nous entraîner. Vous pouvez presque dire que cette frontière est européenne maintenant. »
Des caméras dans tous les coins
Dans le centre de commande de Sobrance, tout se passe dans le calme. Six opérateur sont assis dans une petite pièce, où toutes les images enregistrées à la frontière sont diffusées simultanément. Cette frontière n’a ni fils barbelés, ni mines, ni installations d‘armes automatiques. Ce sont les caméras qui dissuadent et empêchent de rentrer dans la zone de Schengen. Dans le secteur sud de cette frontière qui est un territoire très plat, des caméras sont installées tous les 186 mètres. Dans la nuit ou quand la météo est mauvaise, elles fonctionnent automatiquement en mode infrarouge.
La géographie montagneuse du secteur nord rend les choses plus difficiles. Des appareils de surveillances plus spéciaux sont utilisés pour limiter l’immigration illégale. Un engin de ‘thermo-vision’ permet de voir à cinq kilomètres de distance. Cette invention slovaque différencie même les hommes des animaux. « Personne ne pensait que cela marcherait, se souvient Uchnar, le chef de la police locale, et nous avons démontré le contraire. Pendant le test, un officier de police est apparu à l’écran mais pas son chien. »
Les remorques et les chemins de fer sont aussi sous l’œil de caméras qui scannent l’intérieur des contenants. Ceux qui rêvent du paradis européen n’ont aucune chance. Quand bien même ils traverseraient la frontière à l’insu des gardes, ils seraient attrapés dans plusieurs autres espaces filmés, jusqu’à 40 kilomètres à l’intérieur du pays.
Dernier arrêt : Sobrance
Dans le poste de police, les réfugiés sont questionnés et pris en charge : « Nous avons à faire avec des histoires dramatiques » , poursuit Uchnar. « Par exemple, cette femme de Chechnya, exténuée et en pleine confusion, que nous avons retrouvé dans la forêt. Elle serrait ses trois enfants contre elle. Ils étaient morts de faim et de froid, ils n’ont pas pu survivre à cette course poursuite. » Un docteur sera d’ailleurs bientôt présent sur le site.
Ceux qui ne remplissent pas leur formulaire de demande d’asile en Slovaquie sont déportés en Ukraine. « La coopération avec l’autre côté se passe sans accros », estime Uchnar. A part, bien sûr, quelques exceptions. Les douanes ukrainiennes ont déjà filé quelques coups de main aux trafiquants et aux contrebandiers. Les douaniers slovaques pourraient voir leurs revenus augmenter s’ils fermaient les yeux.
En moyenne, un Slovène gagne 378 euros par mois dans l’est du pays. Les douaniers, dont le nombre a augmenté de 240 en 2004 à 886 aujourd’hui, gagnent près de 840 euros. « Cela devrait les dissuader de se laisser corrompre par des migrants ou des contrebandiers », conclut Uchnar. En plus, les officiels connaissent bien le système ’big brocher’. Et ils savent que leurs collègues, eux, ne laisseraient rien passer.
Der Autor ist Mitglied des Korrespondenten-Netzes n-ost
Photo : ©Jan Zappner/ n-ost.de)
Translated from 'Big Brother' auf Slowakisch