Les concombres incurvés ne sont pas seuls en cause
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Ursula MonnierA l’approche des élections du Parlement Européen les eurosceptiques n’auront jamais été aussi nombreux et parfois même les pro-européens se positionnent souvent du côté des détracteurs. Est-ce la faute à cette campagne électorale ? Pourquoi ne croit-on plus en l’UE ?
La grogne - caractéristique on ne peut plus autrichienne - s’est internationalisée depuis longtemps. Cette année la campagne électorale le montre tout particulièrement : Les partis populistes ne sont plus les seuls à pester contre la folie réglementaire au sujet des courbures des concombres ou du volume d’eau utilisé dans les chasses d’eau. Mais cette fois des défenseurs habituels de l’UE même mènent une campagne critique. « Moi aussi en tant que pro-européen, je critique l’UE. Beaucoup de critiques sont absolument justifiées », disait même récemment Martin Schulz, tête de liste des sociaux-démocrates pour les élections européennes dans une interview du « Tagesspiegel ».
La proportion d’opposants à l’UE dans la population n’a jamais été aussi importante : le nombre de députés européens voulant abolir l’UE pourrait atteindre 140 à l’issue des prochaines élections alors qu’ils ne sont que 90 actuellement. C’est paradoxalement l’année même où pour la première fois l’on peut mettre des noms et des visages sur cette élection grâce au système des têtes de liste. Sommes-nous en train de créer un système capable de s’auto-abolir ? Les candidats de gauche essaient de calmer le jeu et de regagner leurs électeurs en se mettant du côté des détracteurs de l’UE, mais cette tactique peut tout aussi bien profiter au camp adverse. La critique reste la critique après tout. Mais devrions-nous croire en l’UE alors que même les grands partis de l’UE ne le font plus ?
Davantage de contenu !
La campagne électorale actuelle facilite le travail des opposants. La plupart des thèmes tournent autour de la question devenue superflue de nos jours « oui ou non à l’Europe » sans aucun autre contenu – une question que tout citoyen européen conscient des avantages incontournables de cette communauté rapprochant les cultures ne se pose plus. D’autres partis mènent des campagnes exclusivement nationales.
D’après un sondage de la ÖGfE (Gesellschaft für Europapolitik, la société pour la politique européenne, ndt) 51% des sujets qui intéresseraient les Autrichiens ne sont pas traités lors de la campagne. Les partis feraient mieux de clarifier leurs positions au sujet de la crise en Ukraine, d’une entrée possible de la Turquie, du chômage des jeunes en Europe et de la protection contre une éventuelle crise financière nouvelle, au lieu de donner leur avis sur la courbure des concombres.
Les partis ont clairement raté leur campagne. Peu avant d’aller voter moins de personnes ont l’intention de participer à cette élection que lors du début de la campagne. Mais le résultat de cette enquête n’est pas uniquement négatif : il démontre que les électeurs exigent de vrais sujets européens et qu’on ne peut plus les duper avec des pour ou contre maladroits. La question n’est plus oui ou non, mais appelle une véritable exigence de contenu. Les électeurs ne doutent plus d’être tous des européens. Et c’est bon signe.
La confusion des identités lors des élections européennes
Beaucoup d’européens sont peu familiers avec leur propre Europe et c’est un problème important. Lors de la campagne électorale trop de têtes apparaissent – à côté des têtes de liste autrichiennes, les chefs des partis qui n’ont rien à voir avec cette élection s‘imposent sur les affiches et sèment le trouble. Pourquoi Hans-Christian Strache pose-t-il tout seul sur l’affiche électorale alors qu’on ne peut même pas voter pour lui ? Et que vient faire là-dedans l’élection du président de la commission pour laquelle toutes les têtes de liste européens postulent, quel lien a-t-elle avec l’élection des parlementaires européens ?
Il n’y a pas assez de campagnes d’information. L’UE va tellement de soi pour la plupart d’entre nous que nous profitons de ses avantages comme s’ils avaient toujours existé – la libre circulation dans les pays membres, l’union monétaire, les programmes d’échange comme les bourses Erasmus pour les étudiants. Peu de gens savent combien de projets et d’institutions profitent de programmes de soutien de l’UE.
Naturellement il y a à Bruxelles un appareil gigantesque de fonctionnaires qu’il faudrait réduire. Mais durant ces dernières années on a créé beaucoup de mythes qu’il faut absolument remettre en question. Par exemple il est parfaitement superflu de traiter la question de la réglementation concernant la courbure des concombres lors de cette élection car celle-ci n’existe plus. Cette ordonnance européenne adoptée en 1988 pour la classification des fruits et légumes par les négociants a été abolie 20 ans plus tard. La commissaire de l’agriculture européenne d’alors, Mariann Fischer Boel, déclarait à l’époque : « Cela signifie une nouvelle chance pour le concombre courbé et la carotte tordue. » La représentation autrichienne à Bruxelles a entamé entre-temps une collection des mythes européens les plus amusants : « l’UE chasse les chevaux », « l’UE supprime l’allemand », et « l’UE oblige les agriculteurs à faire dormir leurs vaches sur des matelas ». Et quel autrichien n’a pas entendu dire que son en-cas de charcuterie ne devrait pas être servi sur des planches en bois pour cause de règles d’hygiène européens ? Mythes que tout cela.
Translated from Es geht nicht nur um krumme Gurken