Les arnaques à la TVA dans le viseur des administrations fiscales
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L’arnaque à la TVA constituerait ainsi une manne financière non négligeable en cette période de disette budgétaire. Et les arnaques à la TVA ne concernent pas que la France : de nombreux pays européens sont déterminés à endiguer le fléau.
Alors que le gouvernement s’est fait rappeler à l’ordre par Bruxelles sur son budget, l’étau tend à se resserrer autour des fraudeurs, avec un manque à gagner de 10 à 25 milliards d’euros par an.
Une fraude protéiforme
Gonfler indûment le montant de la TVA à se faire rembourser par l’Etat, ne pas payer l’impôt dû à l’Etat ou se faire rembourser une TVA jamais payée : voici les formes les plus répandues d’arnaque à la TVA. Si elle a pour conséquence principale de priver l’Etat de revenus fiscaux, elle induit également une concurrence déloyale. Les magouilleurs les plus à la pointe iront jusqu’à exploiter les failles d’un système européen loin d‘être harmonisé.
Par exemple, lorsqu’une société achète un bien à une autre société basée dans un pays de l’UE, aucune TVA n’est facturée. L’entreprise peut alors vendre toutes taxes comprises, le bien acheté hors taxe. Si elle ne reverse pas cette taxe collectée à l’Etat, elle réalise au passage une plus-value sur sa transaction. Autre technique, celle dite du carrousel qui implique une revente du bien à l’entreprise ayant initié la fraude. La boucle est ainsi bouclée et permet de perpétuer l’opération frauduleuse et de multiplier les gains. On peut corser l’opération grâce à l’intervention d’un troisième acteur, une « société taxi » qui sert d’intermédiaire et facture une TVA avant de disparaître. Vaste programme !
La France touchée mais pas coulée
La France fait partie de ces pays où la perte sur les recettes de la TVA progresse, selon une étude réalisée par le ministère des finances. Pour Nicolas Dupont-Aignan, co-rapporteur d’une mission d’information à l’Assemblée nationale sur les paradis fiscaux, « la fraude à la TVA, c'est le casse du siècle ». Un casse qui a déjà coûté cher à la France à l’instar des affaires concernant la fraude à la taxe carbone. Une quinzaine d’entrepreneurs ont ainsi été condamnés à cinq ans de prison ainsi qu’à une amende d’un million d’euros en janvier 2012 dans le cadre de la vente frauduleuse de « droits à polluer » soumis normalement à la TVA. Entre 2008 et 2009, ce n’est pas moins de 1,5 milliard d’euros qui a manqué à l’administration fiscale. Bercy a alors supprimé en 2009, la TVA sur le marché des droits à polluer. Les escrocs l’ont bien compris et se sont tournés vers d’autres activités.
Ainsi, Auto Champion 72 s’est appuyée sur plusieurs sociétés-écran, basées en Espagne et en Roumanie afin de délivrer une fausse facture à l’acquéreur français en contrepartie d’une commission forfaitaire de 500 à 700 € par opération. La facture indiquait alors frauduleusement que la TVA sur le véhicule avait été acquittée dans son pays d’origine (généralement, Allemagne et Belgique). Exemple d’une opération juteuse de l’entreprise, une Maserati affichée au prix de 95 000 € TTC était ainsi affichée sur le site français d’Auto Champion 72 à 89 900 € « TTC » (sic !). Face à ces pratiques rodées depuis une décennie, la FNAA (Fédération nationale des artisans de l’automobile) et L’Argus ont salué la condamnation de l’entreprise et de sa gérante, Laurence Cruche.
Ces escroqueries de haut vol sont désormais bien connues des services, comme l’indique le parquet de la JIRS de Nancy qui a poursuivi « GH Auto », entreprise spécialisée dans les automobiles d’occasion : « des négociants automobiles français fraudaient le régime de TVA applicable aux véhicules d’occasion acquis dans un autre État de l’Union européenne en faisant appel à des intermédiaires et à des sociétés espagnoles fictives qui leur délivraient des factures TTC de voitures achetées en réalité hors taxe en Allemagne ». Cette fraude spécifique aux véhicules d’occasion fait l’objet de toutes les attentions en ce moment. En effet, la commission des Finances de l'Assemblée a avancé au 1er juillet 2015, l'application du nouveau dispositif de lutte contre la fraude à la TVA à l'occasion de la revente d'automobiles d'occasion. Ce nouveau dispositif complètera la lutte contre la fraude à la TVA notamment dans le bâtiment et dans la vente en ligne, où des professionnels se font passer pour des particuliers.
L’Italie riposte elle aussi
Autre pays parmi les quatre pays de l’UE les plus touchés, l’Italie muscle ses outils antifraudes afin de récupérer la précieuse TVA. Au-delà des Alpes, les affaires ne manquent pas et pointent les failles du système. L’affaire des « quotas de carbone » a ainsi révélé une fraude massive sur le marché européen des « droits à polluer » engendrant plus d’un milliard de pertes fiscales pour le gouvernement. On ne sait encore pas pour l’instant si ce dossier a un quelconque rapport avec l’affaire éponyme qui a été dévoilée en France. Quoiqu’il en soit, ces entreprises fictives disparaissaient sans reverser à l’Italie leur dû fiscal d’un montant d’1,15 milliard d’euros selon « Il Corriere della Serra ».
« Il Giornale » nous apprend également que la filiale italienne Smart&Co, contrôlée par l’entreprise française Smartbox, intrigue les services de la police financière de Milan qui ont ouvert une enquête s’agissant de plus de 100 millions de revenus qui n’auraient pas été déclarés. La société Smartbox, spécialisée dans la vente de coffrets cadeaux, est soupçonnée de faire partie d’un réseau de fraude à la TVA bien orchestré entre les différents acteurs européens de l’entreprise. Smartbox aurait vendu des coffrets et reçu des commissions, mais n'aurait jamais payé de TVA sur la valeur réelle du produit commercialisé. C’est l’entreprise mère basée en Irlande et donc soumise à une fiscalité avantageuse, qui facturerait aux clients la valeur des coffrets Smartbox. Si les faits étaient avérés, il s’agirait d’un lourd dommage à l'administration fiscale italienne qui a été privé pendant cinq ans de montants fiscaux à hauteur d’environ 105 millions d'euros.
Un des nouveaux chevaux de bataille de l’Italie, concerne la fraude exponentielle sur les services électroniques et les télécommunications. Aussi, à partir du 1er janvier 2015, le gouvernement mettra en place des nouvelles règles pour la TVA : un nouveau système de « guichet Mini-stop » (Mini One Stop Shop ou MoSS). Ce système voué à devenir la référence en matière de TVA dans les futurs échanges de biens et services intra UE, mettrait ainsi un terme à la fraude dans ce secteur de l'industrie.
L’UE intensifie la lutte
Ce mécanisme innovant découle d’une réflexion autour de l'article 5 de la directive 2008/8/CE qui prévoit la création d'un régime spécial permettant à toutes les entreprises opérant dans les États membres où ils ne sont pas établis, d'avoir un point de contact unique électronique en matière d’identification fiscale, de déclaration et de paiement de la TVA. Car le problème semble bien dépasser la seule marge de manœuvre de chacun des Etats de l’UE. La lutte doit s’inscrire dans une dimension globale entre tous les pays européens. 700 milliards d’euros sont rapportés chaque année aux pouvoirs publics européens, or un cinquième du montant qui devrait être généré par la TVA n’est pas perçu. De quoi motiver les pays de l’UE et pousser à une coopération accrue entre les pays membres où la priorité est donnée aux services en ligne. Cette démarche devrait permettre d’assainir un système encore poreux et d’alléger les épaules des Etats (et des contribuables) à la recherche de recettes qui n’ont aujourd’hui plus rien de magique.