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Les AMAPs : une rupture avec la PAC

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Default profile picture Sophie

Quand la PAC s'en mêle

Alors qu’aujourd’hui l’agriculture se négocie à l’échelle mondiale, il se développe, à contre-courant de cette tendance, une autre forme d’agriculture plus locale. Il s’agit des AMAPs, c’est-à-dire des Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne.
Les AMAPs ont été crées au Japon dans les années 60.

Leur nom « Teikei » peut être traduit par « mettre le visage du paysan sur l’aliment ». Suite à une grave pollution au mercure, des mères de famille se regroupent et passent un contrat avec un agriculteur. En échange de la garantie d’achat de la production, le paysan s’engage à cultiver sans produits chimiques. À la même époque en Allemagne, en Autriche et en Suisse, des expériences similaires se développent. En 1985 naît la première CSA « Community Supported Agriculture » dans la région de New York qui s’épand ensuite jusqu’au Canada et la Grande-Bretagne. La naissance des AMAPs a été plus tardive en France puisqu’elles existent seulement depuis 2001. Cependant même si leur mise en place est récente, leur essor est extraordinaire.

Un principe d’échange : le soutien du consommateur et la transparence de l’agriculteur

Chaque semaine, le client achète ce que l’on appelle « un panier ». Celui-ci peut-être garni de légumes, de fruits ou de viande. Le consommateur ne choisit pas son contenu, chaque fois ce sont les agriculteurs qui proposent de quoi il sera constitué. Certains disent même que c’est la nature qui fait le menu de la semaine, l’idée étant bien sûr de respecter les saisons. Pour satisfaire les clients et surtout participer à la sauvegarde de variétés, en général les agriculteurs en AMAP essayent de cultiver le plus de variétés possibles. Ils peuvent produire ce qu’ils veulent et n’ont plus de contraintes de calibrage imposés par les grossistes. Avant d’être installés en AMAP, un couple d’agriculteurs nous raconte qu’ils vendaient leurs produits biologiques à des grossistes qui exigeaient des courgettes rondes à des dates précises. Même si le contrat était signé, si les courgettes arrivaient plus tard que prévu, le grossiste achetait finalement à un autre producteur les laissant le bec dans l’eau. Dans de pareils cas, ils étaient obligés de broyer leurs courgettes. Avec les AMAPs, ce type de comportement n’existe pas car tout ce qui est produit est vendu.

Les paniers sont payés en avance, ce qui permet à l’agriculteur de rembourser les coûts de production sans s’endetter. L’intérêt de cette démarche commerciale alternative est de créer un contrat de solidarité avec l’agriculteur. Ainsi, si par exemple une récolte est détruite par la grêle ou autre intempérie, le client s’engage, avec l'agriculteur, à en assumer les conséquences. Certains agriculteurs pensent que nous sommes tous des paysans, mais certains d’entre nous ont délégué leur mission. C’est pourquoi, il apparaît évident que nous assumions tous les difficultés de ce travail et que les agriculteurs ne soient pas laisser seuls face aux situations difficiles dont ils ne sont pas responsables. Les consommateurs en général comprennent très bien la situation et acceptent de trouver parfois leur panier moins garni. En contrepartie si la récolte est bonne ils verront leur panier bien rempli. Finalement, avec ce nouveau type de fonctionnement, c’est le consommateur qui soutient localement son agriculteur et non plus l’Union européenne.

Si ce système d’entraide est aussi performant, c’est grâce au principe de transparence des AMAPs. Les agriculteurs se doivent de répondre à toutes les questions de leurs clients. Dans cette optique sont souvent organisées des visites à la ferme. Par ailleurs, les agriculteurs ne sont pas obligés d’avoir le label d’agriculture biologique, mais les produits sont évidemment produits dans l’optique d’une démarche respectueuse de l’environnement.

Pourquoi s’installer en AMAP quand l’agriculture suit une logique européenne

L’idée de ces nouvelles associations est claire. Il faut inverser la tendance agricole actuelle qui est soutenue par la PAC. Les agriculteurs s’engagent dans cette autre voie pour différentes raisons. Pour certains, la raison est plus sociale. Les AMAPs sont un moyen formidable pour les agriculteurs de rencontrer leurs consommateurs et d’entretenir avec eux un rapport qui va au-delà des relations économiques. En effet, lors des distributions, il n’y a pas de flux d’argent, tout a été payé par chèque au préalable à un prix fixe. Cela laisse donc la place à l’échange. Pour d’autres agriculteurs plus rares, le choix des AMAPs est plutôt économique. Aujourd’hui, parmi toutes les filières de l'agriculture en crise, ce système est le seul qui arrive à sortir la tête de l’eau. Il évite de passer par des intermédiaires qui en général prélèvent un gros pourcentage sur le prix final. Enfin, pour de nombreux agriculteurs, s’installer en AMAP est un acte militant pour volontairement se détacher du marché européen et de la politique prônée par la PAC.

Cependant, il faut voir qu’un tel fonctionnement amène aussi quelques difficultés. Tout d’abord ce système n’est pas compatible avec toutes les productions, comme par exemple le tabac, le maïs…

Ensuite, d’après les agriculteurs, il n’y a pas d’inconvénients à travailler de cette façon, mais il existe tout de même un stress assez pesant. S’ils veulent répondre aux objectifs fixés, ils doivent travailler énormément et ils craignent toujours qu’un problème survienne et les empêche de remplir leur tâche. Ils sont livrés à eux-mêmes et savent que s’il n’y a pas assez de production pour les consommateurs ils n’auront pas d’alternative pour les fournir. L’agriculteur en AMAP, à l’inverse de celui qui subit les fluctuations du marché mondial, a un stress positif : il arrive à produire pour satisfaire des clients qu’il connaît et qu’il est heureux de nourrir. Pour un agriculteur lambda, l’angoisse est de ne pas arriver à produire suffisamment pour avoir un revenu correct et vivre de son travail. Ces deux démarches agricoles vont ainsi dans des sens opposées. Les AMAPs remplissent finalement la mission que la PAC s’était fixée au départ, à savoir nourrir une population avec des produits sains et respectueux de l’environnement tout en garantissant un prix convenable pour le consommateur et décent pour l’agriculteur.

Le système des AMAPs s’inscrit clairement en rupture avec le système proposé par l’UE. Et de manière volontaire ou non, les agriculteurs comme les consommateurs s’inscrivent dans un courant inverse par rapport à la PAC. Ainsi, il ne semble pas étonnant qu’il n’y ait pas d’aides européennes pour ce type d’agriculture. D’ailleurs, certains pensent que c’est mieux ainsi car recevoir des aides de l’UE conduirait à dénaturer les principes mêmes de cette agriculture alternative. Que les AMAPs soient en rupture avec la PAC ne signifie pas qu’il y ait incompatibilité entre ces deux fonctionnements. Une politique commune est nécessaire et les AMAPs doivent y trouver leur place sans être perçues comme une alternative anti-PAC.

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