L'environnement, pomme de discorde dans l'UE
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L’UE mène des politiques souvent novatrices en matière d’environnement. Pour la satisfaction des militants, et malgré des alliances contre-nature.
On pourrait se laisser séduire facilement ! Motivée par une poignée de convaincus, l’Union Européenne se fait forte de développer une politique environnementale novatrice. Suivant l’exemple d’une « Europe du haut » avant-gardiste (les pays scandinaves, l’Allemagne), la Communauté européenne a multiplié les directives, imposant des normes de plus en plus drastiques. Les associations pro-environnementales telles que le WWF (World Wild Fund), Friends of the Earth Europe (les amis de la terre), Greenpeace ou le Bureau Environnemental Européen, soutiennent ce mouvement grâce à un lobbying intense auprès des institutions. En pratique, il n’est pas rare qu’elles soient appelées à travailler sur les grandes orientations des politiques environnementales. Puis une fois la problématique soulevée, sur les détails de leur mise en oeuvre.
Inspirée par ces militants de longue haleine, la Commission européenne a initié des politiques novatrices, pour ne pas dire exemplaires (si elles aboutissent), dans des domaines variés : le contrôle des substances chimiques, la politique intégrée des produits… De même, à côté de ces stratégies de long terme, l’Union européenne a su montrer sa réactivité lors de catastrophes industrielles, de Seveso en 1976 jusqu’au naufrage du Prestige l’année dernière.
« Les bouteilles de la discorde »
Face à cet engagement, comment se fait-il que les OGM obtiennent des autorisations de mise en culture en bonne et due forme sur le territoire européen, que l’air que nous respirons soit toujours plus vicié ? Pourquoi certains pays se permettent d’ignorer superbement les directives européennes et les condamnations de la Cour de Justice ?
La pratique n’est en effet pas aussi « verte » que voulu. L’environnement reste le sujet d’âpres discussions, voire de fortes réticences. L’« Europe du bas » (la Grèce, l’Italie, l’Espagne), et un certain nombre de « centristes mous » parmi lesquels la France ou le Royaume-Uni traînent la patte. Les différences en terme d’approche et donc de niveaux de protection et d’engagement des Etats rendent la recherche d’ « un niveau de protection élevée » difficile à réaliser. Dès la phase d’impulsion des politiques environnementales, c’est à coup d’expertises scientifiques contradictoires que les Etats membres cherchent à soutenir l’industrie et les technologies nationales. Certains exemples célèbres tels que « les bouteilles de la discorde » (dispute concernant le recyclage des bouteilles en plastique) ou les pots catalytiques ont opposées la France et l’Allemagne par exemple. « N’avons-nous pas développé la technique la moins polluante et la moins coûteuse ? » s’exclament-ils.
De plus, le positionnement des Etats sur certains sujets polémiques tels que les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) ou les substances chimiques semble tenir plus du raisonnement économique que d’une logique démocratique, écocitoyenne. L’exemple du livre blanc sur les substances chimiques laisse perplexe. En attente de tests concernant plus de 20 000 substances chimiques dont on ignore les effets sur l’homme et l’environnement, la Commission a cédé aux pressions des industries chimiques et décidé de repousser le classement des substances considérées (qui peut mener à l’interdiction d’utilisation dans des délais « courts »). Est-ce là une bonne application du principe de précaution ?
Front commun industrie – syndicat contre nature
Cet exemple nous montre le rôle primordial que jouent les lobbies dans le processus décisionnel communautaire. Les parties prenantes sont sollicitées à divers moments de la procédure de décision, dès l’élaboration des lignes directrices d’une politique (consultation lors de la rédaction des livres verts, des livres blancs). L’extension de la procédure de codécision pour la majorité des questions environnementales a donné plus d’influence aux lobbies, qui rédigent nombre d’amendements qu’ils déposent sur le bureau des parlementaires qui les soutiennent.
A ce petit jeu, les ONG et les associations de consommateurs disposent d’un avantage certain en terme d’ancienneté. De plus, les parlementaires « verts » sont une cible privilégiée (et consentante) pour leurs actions de lobbying. Le secteur industriel, grâce à de puissantes fédérations européennes, a pourtant rapidement réinvesti le champ du lobbying environnemental. Et, même s’ils agissent trop souvent dans l’urgence, une fois allumée, la « machine lobby » ne s’arrête plus - même si c’est pour aller droit dans le mur ! Les moyens engagés sont souvent colossaux, que ce soit pour soutenir une action commune ou pour défendre la position d’un secteur d’activités contre un autre. Jouant du chantage à l’emploi, de la distorsion de concurrence, les industriels rallient les politiques derrière eux dans des luttes parfois peu médiatisées. Les industries chimiques, comprenant leur intérêt, ont rallié les syndicats de travailleurs pour faire opposition à la Commission. Peut-on en effet interdire des substances chimiques, entraînant la disparition de produits indispensables (?) à notre vie quotidienne – et les emplois corrélés? Comment ne pas céder à une telle pression ?
Car c’est bien entendu sur les questions de viabilité économique que la politique environnementale est remise en question ! C’est ce que l’on nous dit en tout cas : il faut rechercher la meilleure solution environnementale au moindre coût économique. Cette problématique confronte industriels et Etats membres à la Commission européenne, ainsi que la Direction Générale [de la Commission européenne] (DG) environnement et les autres DG au sein de la commission… Que choisir, en effet, entre une terre vivable et saine, et un emploi pour tous ? Réclamer les deux semble tenir de la contradiction. Malgré une bonne volonté affichée, le vrai débat n’est donc pas encore posé !