L'envers de la croissance chinoise
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frédéric césariIl se passe rarement un jour sans que la presse économique n’annonce l’avènement de la Chine au rang de superpuissance. Un éloge justifié ?
L’Inde est depuis longtemps l’enfant chéri des entreprises occidentales, elles qui se livrent sur le sous-continent indien à un « outsourcing » effréné, en sous-traitant nombre d’opérations à diverses sociétés locales. Pourtant ces dernières années, l’expansion économique apparemment sans limites de la Chine semble constituer une menace pour le géant indien.
« L’usine du monde »
Les origines de l’essor chinois sont lointaines : c’est en 1978 avec l'arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping que Pékin entama la mutation d’une économie planifiée, lourde et inefficace, vers un solide système d’économie de marché. Bien que le régime demeurât strictement communiste, les entreprises privées comme les citoyens gagnèrent une influence croissante au sein de l’économie. L’exploitation collective des terres prit fin avec la mise en place d’une responsabilité personnelle, des entreprises non étatiques furent acceptées dans l’industrie et concurrencèrent dès lors les établissements publics. Mais c'est l’ouverture de l’économie chinoise à la concurrence qui permit au pays d’atteindre une forte croissance. Dès que la Chine commença à établir des liens commerciaux avec d’autres pays, des sociétés étrangères purent investir sur son sol. Forte d’une main d’œuvre nombreuse et bon marché, la Chine s’est construit une réputation d’ « usine du monde », inondant les marchés de ses produits « made in China ». Néanmoins, le pays doit surtout son entrée triomphale sur le marché mondial à l’augmentation des investissements directs étrangers (IDE), c’est-à-dire à l’injection croissante de capitaux dans des sociétés chinoises par des entreprises étrangères de plus en plus nombreuses.
Système bancaire exsangue et pollution environnementale
La croissance économique chinoise est-elle pour autant réellement intarissable ? L’empire du milieu peut-il poursuivre à ce rythme endiablé son développement et détrôner les superpuissances que sont les Etats-Unis et l’UE ? Il est certes vrai que son produit intérieur brut (PIB) propulse la Chine au sein des superpuissances économiques. Son PIB a quadruplé depuis 1978 et le taux de croissance du pays flirte avec les 9 % depuis de nombreuses années. Toutefois, si l’on considère le PIB par habitants, la Chine reste un pays pauvre : avec 5600 dollars par citoyen, elle se classe à la 121ème place du classement mondial. A titre de comparaison, les Etats-Unis affichent un PIB de 40 100 dollars par tête.
Les investissements directs étrangers (IDE) sont eux aussi à double tranchant. Ils ont certes joué un grand rôle dans la poussée de croissance initiale. Mais l’économie chinoise est aujourd’hui extrêmement dépendante des flux de capitaux d’origine étrangère. Le système bancaire chinois est donc un vecteur supplémentaire d’instabilité économique. Pendant longtemps, les anciennes banques d’Etat ont consenti des crédits à des entreprises nationales malades, afin de protéger l’emploi. Aujourd’hui ces établissements doivent supporter des créances irrécouvrables considérables.
La pollution environnementale pourrait elle aussi freiner le développement économique : pollution atmosphérique, érosion des sols et diminution constante du niveau des eaux dans le nord du pays sont des problèmes dont l’ampleur ne fait que s’aggraver. A cela s’ajoutent les défis posés par la politique de l’enfant unique. Un choix de limitation des naissances qui fait de la société chinoise l’une des plus rapidement vieillissantes au monde. Par ailleurs, conséquence d’un système hybride, on retrouve en Chine les inconvénients et du communisme et du capitalisme : le communisme traîne dans son sillage bureaucratie et lourdeur administrative, le capitalisme pour sa part engendre des différences de revenu croissantes et un chômage élevé.
L’UE possède une longueur d’avance
Toute crainte à l’égard de la Chine est d’autant plus infondée qu’une économie chinoise forte apporte aux économies occidentales de gros avantages. La Chine n’est pas seulement une cible convoitée pour l’« outsourcing » ou un lieu idéal pour produire à bon marché des biens de grande consommation comme les chaussures de sport ou les tee-shirts. Avec 1.3 milliards d’habitants, la population chinoise constitue aussi l’un des plus gros débouchés pour les marchandises européennes.
Les seules données économiques reflètent rarement la réalité : le pays doit avant tout ses formidables taux de croissance à la production de biens industriels courants. Néanmoins, le secteur des services représente une source de profits potentiels conséquents et dans ce domaine la Chine fait mauvaise figure. C’est pour cette raison fondamentale que l’on peut prédire à l’avenir un retour en force de l’Inde sur le devant de la scène. Si l’Inde s’est fait un nom, c’est grâce à l’externalisation croissante en matière de services pratiquées par les entreprises communautaires. Même l’UE possède plus d’une longueur d’avance sur le dragon chinois grâce à un meilleur niveau d’éducation, une concentration croissante sur la production de biens immatériels comme les prestations de conseil et le développement d’applications informatiques. Aussi l’UE doit-elle poursuivre le développement de ces secteurs, seule voie pour que les échanges avec la Chine soient synonymes de productivité en Europe et de baisse des prix.
Translated from Die Schattenseite des Aufschwungs