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L'Église et le black metal, il était une foi

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Culture

The Order of The Black Sheep, The Intrepid Fox, Asylum, The Glorious Undead … Non il ne s’agit pas des nouveaux titres d’un groupe de black metal prêt à dézinguer l’univers à grands coups de paroles diaboliques. Ces noms qui fleurent bon la fin du monde sont des paroisses nées ces derniers mois en Grande-Bretagne.

Leurs créateurs sont des chrétiens convaincus, font du black metal avec leurs tripes et sont adeptes de ces fameuses bottes noires montantes quintuplement compensées. Stigmatisés par leur communauté religieuse qui pointait du doigt leur incompatibilité avec les mœurs chrétiennes, ils ont pris l’initiative de créer leurs propres églises. Grâce à ce phénomène underground qui agite la Grande-Bretagne depuis quelques mois, les mordus de black metal peuvent désormais pratiquer leur foi librement sans devoir se plier aux carcans traditionalistes des églises chrétiennes. Blasphème ? La polémique commence tout juste à naître. Et la messe dispensée par « The order of the black sheep » - qui ne dure que quelques minutes et dont la progression est entrecoupée de clips vidéos et de musiques électroniques - ne risque pas de catéchiser tous les chrétiens.

Un mariage impossible ?

« Il est essentiel que ce qui passionne les jeunes, ce qui leur sert de moteur dans leur vie, puisse être mis en lien avec leur foi en Dieu. »

A la lecture de cette histoire, il y a comme quelque chose qui cloche. A première vue, l’amour pour le black métal semble incompatible avec la foi chrétienne. Pas besoin de missel pour supposer que quand l’un prône l’aide universelle l’autre sacralise les thèmes de l’anarchie, de la destruction, du mal et de Satan. Pourtant, il n’en est rien ! Pour le père Culat, on peut tout à fait faire du metal sans être un impie. Il en est d’ailleurs la preuve vivante puisque prêtre au diocèse d’Avignon, il prêche également le black métal à ses heures perdues. En 2007, il sort son livre L’âge du metal. On y apprend que parmi les jeunes metalleux français sondés par le prêtre (la moyenne d’âge de ceux qui ont répondu était de 24 ans, ndlr), 15,22% se sont affirmés croyant et 12,32 % se sont reconnus dans le christianisme. Et pourtant, seulement 10,69% ont affirmé pratiquer leur foi. Pour quelles raisons ? « Dans les églises comme dans la sphère de la musique et de la culture metal il y a un certain nombre de personnes pour lesquelles il est absolument incompatible d’avoir les deux appartenances en même temps. Être chrétien ou fan de metal il faut choisir ! » Pourtant, pour le père Culat aka « padre Bob » sur les forums internet, le sectarisme que l’on retrouve chez les dirigeants des églises chrétiennes est peu compréhensible et ne s’inscrit pas dans les valeurs fondamentales véhiculées par la foi chrétienne. Bien au contraire puisqu’il nous rappelle que d’après l’apôtre Saint-Paul « Dieu ne fait pas acception des personnes » ou selon une autre traduction : « Dieu ne fait pas de différence entre les personnes » (Romains 2, 11).

Sort de ce look

Le rejet des fans de metal au sein des institutions religieuses est intimement lié au style vestimentaire qu’ils arborent. Leur look d’enfer ne séduit pas vraiment les chrétiens « tradis ». Pire encore, il dérange et se trouve souvent associé à un comportement déviant et excentrique : « Pourtant, ces chrétiens oublient en fait un enseignement essentiel de la Bible : ‘Dieu ne voit pas les choses à la façon des hommes : l’homme s’arrête aux apparences mais Dieu regarde le cœur’ (1 Samuel 16, 7). Il est regrettable que des chrétiens excluent de leur communauté des personnes sur la base d’un look considéré comme trop original. »

« Le véritable défis des Églises est de remettre l’expérience spirituelle au premier plan. »

Pour notre prêtre rebelle, les défis que devraient relever l’Église sont de tailles : « Il est essentiel que ce qui passionne les jeunes, ce qui leur sert de moteur dans leur vie, puisse être mis en lien avec leur foi en Dieu. Les communautés chrétiennes doivent cultiver le respect pour les différentes expressions culturelles des jeunes et surtout la volonté de comprendre ces cultures. »

Méfiance envers les dogmes et désir de spiritualité

Le lieu de prêche de The Glorious Undead.Selon le père Culat, la position religieuse d’un certain nombre de fans de metal pourrait se résumer par une méfiance envers les dogmes et un désir de spiritualité. « Le véritable défis des Églises est de remettre l’expérience spirituelle au premier plan. Lorsque l’affirmation du dogme est coupée d’une vie spirituelle authentique et du témoignage de la charité alors le christianisme en est réduit à n’être qu’une idéologie de plus parmi tant d’autres sur le marché des idées philosophiques, politiques et religieuses. » Plus qu’une histoire anecdotique, l’initiative impulsée par des férus de black metal de créer leurs propres églises afin de contourner l’extrême rigidité des églises chrétiennes illustre en force les défis à venir.

Photos : Une © courtoisie de la page facebook de heavymetal2011census ; Vidéo et confession © courtoisie du site officiel du Black Order of the Black Sheep ; Église © courtoisie du site officiel de The Glorious Undead