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L'économie s'invite dans la campagne en Espagne

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Politique

Première de la classe en Europe, l’Espagne subit le contre-coup d’une trop forte croissance économique. La crise menace à l'approche des élections legislatives qui auront lieu le 9 mars prochain.

L’Espagne, ses châteaux, son soleil... et un miracle : son passage de la seizième à la huitième place mondiale en terme de PIB depuis 1994, grâce à une croissance égale à celle des Etats-Unis. Autre exploit : s'être glissé de la 22e à la 13e place dans le classement de l'Indice de développement humain de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Le tout couronné d'un budget excédentaire à faire baver d’envie ses voisins européens. Mais ces chiffres, tel un château de carte, sont sur le point d’être emportés par la tourmente de la crise financière. Quand l’économie s’invite dans les élections nationales... Zapatero, le chef du gouvernement espagnol, joue sa place en tentant de tenir la tête hors de l'eau.

L'Espagne qui sourit

Voilà une décennie que tout semble sourire à l’économie espagnole : une croissance forte et un déficit budgétaire moindre. Bref : le bonheur. La recette du « miracle espagnol » repose essentiellement sur une demande intérieure vigoureuse et une forte immigration : l'accès à la consommation a ainsi permis de rattraper le niveau de vie des autres pays européens. Les banques ont largement amplifié le phénomène avec leur politique monétaire expansionniste. C’est qu’il faut de l’argent pour consommer et investir. Alors, les Espagnols s’endettent, à des taux frôlant parfois la malhonnêteté. Pensez-vous : des prêts sur 50 ans a taux variables !

Et quoi de mieux qu’une maison ? Le Parti populaire a impulsé cette fièvre il y a 10 ans, cultivant une culture de propriétaire. Mais pour acheter une maison, il faut s’endetter. Le secteur immobilier a donc flambé et contribué très largement au « miracle espagnol ». Il a entraîné avec lui le reste de l’économie. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au gouvernement depuis 2004 avait promis de calmer le jeu. Il a réussi en partie : le poids de la construction dans le PIB est passé de 14 % à 9 %, son taux actuel.

Inflation et chômage repartent à la hausse

Car tout miracle a un prix et celui de l’Espagne s’appelle inflation. A force d’avoir de plus en plus d’argent dans le pays, il tourne en rond et ne sait plus en sortir. Résultat : les prix montent. La consommation intérieure bat de l’aile, les exportations sont difficiles : l’Espagne s’endette à l’étranger. Pire, la productivité stagne ce qui veut dire que le pays n’a pas les moyens de faire durer ad vitam son oasis : elle vit au-dessus de ses moyens. Un peu comme les Etats-Unis et l'on sait ce qui vient de s'y passer.

La bulle immobilière a éclaté en 2007. La moitié des agences immobilières ont fermé et pour compliquer la situation, une crise financière mondiale sévit. La croissance baisse de 4,3 % en 2006 à 3,8 % en 2007, le chômage remonte de 8,1 % à 8,6 % dans la même période. Premier réflexe du Premier ministre Zapatero en pleine campagne : donner 400 euros à chaque Espagnol, pour donner l’illusion keynésienne que tout peut repartir. Heureusement qu'une politique budgétaire très prudente, mise en place ces dernières années, a permis d'économiser un sacré pactole de 50 milliards d'euros, à utiliser en cas de coup dur.

Les réformes se font attendre

Mais, l’Espagne ne peut continuer son train de vie sans investir dans le long-terme. Ouverture, flexibilisation, éducation : donner l’illusion de la richesse, est-ce mieux que de la perdre pour mieux la reconquérir ? Telle semble être la question posée aux électeurs pour ce prochain scrutin. Seul pays de l'Organisation de développement et de coopération économique (OCDE) qui a vu le salaire moyen descendre entre 1995 et 2005, l'Espagne ne peut pas toujours baser sa croissance sur une politique de bas salaires.

Dans cette histoire, le pays semble parfois bien seul. Pedro Solbes qui a impulsé la réforme lorsqu’il est entré au Ministère des finances en 1993, a échoué a généraliser ses mesures lorsqu’il est devenu Commissaire européen aux finances. De nouveau ministre en Espagne, il s’excuse aujourd’hui « de n’avoir pas anticipé le krach immobilier ». Est-ce pour cela que l’Espagne n’a pas été invitée à participer à la réunion de crise à Downing Street fin janvier ? Elle devra trouver en elle-même les ressources pour préparer l’avenir, puisqu'elle sera, à partir de 2012, contribuable 'net' au budget de l'Union européenne...

Photos: Zapatero (Jaime D'Urgell/Flickr); l'ESpagne est un champ de grues (anroir/Flickr); Pedro Solbes a été le responsable de l'entrée en vigueur de l'Euro et du Pacte de stabilité dans l'UE (jmlage/Flickr)