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Léa Jeanmougin de Città : Montréal et le reste du monde

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Style de vie

Léa Jeanmougin est une franco-québécoise de 24 ans originaire de Marseille et vit à Montréal depuis six ans. En octobre 2012, elle a lancé le magazine Città – « une ville, des villes » en italien - qui entend montrer les liens artistiques entre Montréal et d’autres métropoles. Le but ? Répandre des morceaux de Montréal dans le monde et ramener le monde à Montréal.

Montréal est une ville particulière en Amérique du Nord. Une version européenne de l’Amérique ou une version américaine de l’Europe, on ne sait pas trop. En tout cas, en se promenant dans le Vieux Port, on pourrait se croire dans une ville du nord de la France, à Nantes ou à Rennes, si ce n’est les gratte-ciels qui forment la skyline de la ville. Et ce n’est pas pour rien que les Français se ruent sur la ville. Ils y découvrent une sorte de « petite France » plus accessible et ouverte.

cafebabel.com : Comment as-tu réussi à faire le lien entre Montréal et d’autres villes européennes ?

Léa Jeanmougin : Avec de la recherche et des idées personnelles. Quand j’ai visité Berlin, j’ai beaucoup aimé le quartier de Kreuzberg, un quartier à l’origine pauvre qui est soumis à l’embourgeoisement. A Montréal, il y a des quartiers comme celui-ci, le Mile End, mais aussi St-Henri dont on ne parle pas beaucoup. Je me suis dit que ce serait vraiment une bonne idée d’avoir quelque chose qui fasse un portrait croisé sur ce thème là. La richesse de Città c’est qu’on a maintenant une équipe éditoriale qui arrive à faire des connexions intéressantes et pertinentes entre Montréal et d’autres métropoles.

cafebabel.com :Quelles sont alors ces connexions pertinentes ?

Léa Jeanmougin : Elles peuvent se faire sur le milieu urbain ou dans le domaine du design. Le prochain numéro se penchera sur le Maghreb, et donc aussi sur le « Petit Maghreb » à Montréal le long de la rue Jean Talon. Ça concernera des artistes montréalais qui ne sont pas connus à Montréal mais ailleurs, et j’aimerais les faire connaître par le magazine. Je pense au designer Julien Vallée qui travaille le papier. Il est connu dans le milieu mais pas par le grand public, alors qu'il a travaillé pour leNew York Times. Je pense aussi à un groupe post-rock montréalais quasiment inconnu au Québec mais qui a beaucoup de succès en Europe, Godspeed You! Black Emperor.

cafebabel.com : Dans le magazine il y a des chaussures créées par des Montréalais et des Milanais...

Léa Jeanmougin : Deux entrepreneurs milanais font des chaussures en forme de poisson, les Fishoes. Ils nous ont envoyé des paires et on a demandé à des artistes de Montréal de les customiser lors de la soirée de lancement du magazine. Certaines paires ont été vendues et on est en train de mettre en place un portail de vente sur le site. C’était un test mais on aime l’idée de créer des collaborations.

cafebabel.com : Ce n’est pas seulement un magazine en fait.

Léa Jeanmougin : Notre plateforme principale c’est le magazine, mais je pense que derrière, il y a vraiment un désir de créer des liens au-delà de la publication.

cafebabel.com : Quelle ville en Europe ressemblerait le plus à Montréal ?

Léa Jeanmougin : On parle souvent de Berlin et c’est pour ça que je voulais le mettre dans le numéro 0. Il y a quelque chose de similaire dans le style de vie, l’accessibilité. Ce n’est pas encore trop cher pour les artistes. Il y a aussi comme une fracture entre l’Est et l’Ouest à Berlin, et à Montréal existe une espèce de rupture entre Francophones et Anglophones (ndlr : les Anglophones étant plutôt dans l’Ouest et les Francophones à l’Est).

cafebabel.com : Beaucoup disent que Montréal, est la ville la plus européenne d’Amérique du Nord, est-ce que tu es d’accord ?

Léa Jeanmougin : C’est sûr que le Québec est l’endroit le plus européen d’Amérique du Nord. A Montréal il y a un côté architectural assez similaire. L’urbanisation est aussi plus européenne. Le centre est accessible aux piétons, on peut se déplacer du centre-ville aux quartiers résidentiels à pied. Il y a comme une espèce de proximité qui n’existe pas du tout dans l’urbanisme des villes nord-américaines. Encore moins aux États-Unis où tout est construit à l’échelle de la voiture. C’est aussi une ville multiculturelle, comme en Europe où il y a beaucoup de mélanges. New York est aussi un peu comme ça, mais la langue, le style de vie et l’histoire lie plus Montréal à l’Europe.

cafebabel.com : Pourquoi devrait-t-on plus parler de la culture montréalaise en Europe ?

Léa Jeanmougin : Pour le peu de personnes qui habitent ici, il y a une foule de talents incroyables, dans plein de domaines, notamment d’avant-garde. Je pense au design évènementiel, au design d’interaction. Et tout ça n’est pas forcément connu ailleurs. Montréal on la connaît surtout pour le Festival de Jazz, les festivals populaires francophones, mais il n’y a pas que ça. C’est pour ça que j’ai envie de faire connaître la ville avec ce projet. C’est un défi car il y a la barrière de la langue. Quand on a envie de publier en Français pour que ce soit lu au Québec, il est alors difficile de s’exporter.

cafebabel.com : Comment vas-tu faire alors pour la langue du magazine ?

Léa Jeanmougin : Il faut qu’il y ait de l’anglais. Mais je ne ferai pas du contenu totalement anglophone parce que je suis francophone et je défends la langue française au Québec. Ce sera plus une cohabitation des deux langues. D’autres langues vont également apparaître comme des articles dans la langue originale de l’auteur.

cafebabel.com : L’Europe est bien représentée à Montréal ?

Léa Jeanmougin : La France est bien représentée. Je ne m’y connais pas trop, mais je sais que le Goethe Institut veut s’associer avec la délégation du Québec à Berlin et créer des échanges avec des artistes allemands qui viendraient ici. Je pense que ça commence vraiment à se mettre en place.

cafebabel.com : Pourquoi tant de Français viennent ici, selon toi ?

Léa Jeanmougin : La culture du travail et le style de vie sont complètements différents. Pour un Français qui vient ici et qui voit qu’on peut monter des projets, qu’on est reconnus pour ce qu’on fait, c’est vraiment gratifiant. Les gens sont beaucoup plus accessibles comparé à la hiérarchie très vieille école qui existe en France et dans laquelle les jeunes ne se reconnaissent pas. Un projet comme le mien aurait été plus difficile. Déjà à cause de mon âge, 24 ans, et aussi parce que je n’avais aucune formation dans ce que j’ai fait. En bref, je ne pense pas que seule la facilité de la langue fait que les Français viennent à Montréal, mais aussi parce qu’il y a une pression sociale moins présente, plus d’opportunités et la vie est agréable.

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Photos : Une © Nick , Texte : © Marine Leduc, pages de Città © courtoisie de Città magazine