Le torchon brûle…
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Et brûle la Grèce, une fois de plus. Cette année, et pour l’instant, c’est Rhodes qui a été la proie la plus touchée par les flammes. Maintenant que le feu est maîtrisé, la révolte s’exprime ouvertement. “C’est en vain que les autorités compétentes ont promis que des mesures préventives seraient prises pour qu’une catastrophe comme celle de l’an passé ne se reproduise plus.
C’est en vain que la direction du Corps des pompiers, punie pour ses erreurs, a été changée. C’est en vain que le ministère de l’ordre public et le corps de la sécurité ont été fondus en un seul ministère de l’intérieur”, s’insurge Vythoulkas dans To Vima le mardi 29 juillet. L’article dénonce les mêmes erreurs qui, déjà l’année dernière, avaient retardé l’arrivée et l’action des secours: manque de coordination entre les autorités, manque de matériel ou de personnel pour l’utiliser: des hélicoptères pour la location desquels la somme n’a toujours pas été versée, d’autres qui ont déjà effectué plus d’heures de vol que le contrat ne le stipule… Les équipes d'intervention doivent se contenter de matériel loué puisque si un plan de renouvellement du matériel des soldats du feu a été évoqué, rien de concret n'a été constaté pour le moment. Enfin, l’article souligne les dangers du mois d’août qui se profilent, avec en particulier l’arrivée du meltème, un vent fatal en cas d’incendie.
Pendant ce temps, un autre incendie, plus spirituel celui-là, trouble certaines sphères du pays, celle de l’Eglise en l’occurrence. En effet, les autorités religieuses grecques ont été involontairement au centre de la nouvelle querelle de l’Eglise orthodoxe. C’est le journal Makedonia qui résumait le mieux la situation le 22 juillet: “Prenant pour prétexte la visite imminente du patriarche oecuménique (de Constantinople) Bartholomée à Kiev (Ukraine) pour fêter les 1.020 ans de christianisation de la région, le patriarche de Moscou Alexios a envoyé une lettres aux chefs de l’Eglise orthodoxe, pour les inciter à ne pas se rendre aux manifestations organisées pour l’occasion à Kiev.” Ces troubles diplomatiques sont causés par la situation locale ukrainienne, qui voit coexister dans ce même pays trois courants religieux, dont deux sont considérés comme “schismatiques” par le patriachat de Moscou dont dépend la région (voir article). En fait, la Russie craint que l’Eglise d’Ukraine revendique une autonomie que le pays exprime déjà dans le domaine politique en se tournant ostensiblement vers l’Occident. Une Eglise autocéphale et un gouvernement pro-occidental, c’est plus que ne peut tolérer Moscou. Les répercussions sur la Grèce furent d’ordre politico-diplomatique, comme toujours dans un pays où la religion est d’Etat et ses relations avec le pouvoir tout à fait claires et assumées. L’archiépiscope de Chypre a pris ouvertement le parti de Moscou en déclarant: “L’Eglise d’Ukraine dépend de l’Eglise de Moscou; elle doit respecter la mère de l’Eglise” (voir article). La presse grecque voit dans cette attitude la marque évidente de l’influence de la Russie dans les problèmes chypriotes. Le même article fait état des divisions au sein des autorités grecques orthodoxes. Certains responsables religieux soutenaient le 22 juillet qu’il fallait adopter la même réponse que celle de leur collègue chypriote, et conseillaient à l’archiépiscope grec Iéronymos de ne pas se rendre non plus à Kiev; d’autres l’incitaient au contraire à ne pas abandonner le patriarche oecuménique de Constantinople. Le 23 juillet, l’ambassadeur de Russie en Grèce visitait le ministère des Affaires étrangères pour discuter de l’affaire avec un secrétaire d’Etat chargé des dossiers religieux. Tout le monde alors parlait du danger de schisme, “un nouveau schisme qui interviendrait exactement 954 ans après le premier” (lire dans To Vima), celui qui a vu l’Eglise d’Orient (désignée plus tard par l’adjectif ‘orthodoxe’) se détacher de l’église catholique de Rome. En tout cas, ce danger a suscité les réactions comme celle publiée dans To Vima: “Ce qui est dramatique, c’est que le probable schisme n’est pas dû à des différences dogmatiques, qui pourraient être légitimes et respectables. Ce sont en fait des affaires de gestion, - à savoir qui doit avoir le contrôle de l’Eglise d’Ukraine, qui menacent de briser l’Eglise orthodoxe.” L’auteur de ce billet espère que les autorités religieuses grecques auront la sagesse de sauvegarder au moins l’unité de l’Eglise grecque.
Toute l’histoire s’est de toutes façons diplomatiquement réglée : tout le monde s’est retrouvé à Kiev, s’est donné l’accolade, et a prononcé quelques paroles amères, mais sans conséquence schismatique pour le moment. Le torchon a donc brûlé la semaine dernière dans l’Eglise orthodoxe; espérons que l’extinction de ce feu soit transposée dans le domaine terrestre et que les forêts grecques résisteront à l’été.