Participate Translate Blank profile picture

Le temps latent l'attend

Published on

Le Puy de Babel

Février se couche, mars se lève et l'on entend une multitude de chiffres déferler sur toutes les ondes. Ce sont les augures des grands prêtres de l'économie. L'apocalypse, l'annonciation de la nouvelle est sujette à beaucoup de panique, puis rien. On attend. Que se passe-t-il ? Quand arrive-t-elle ? Pendant cette "drôle de crise", chacun se prépare à sa manière.

Certains n'y pensent pas, d'autres tissent le scepticisme en ne voyant pas de différence fondamentale avec l'avant-panique. Il y a un inter-temps, un quelque chose d'éclipse, un petit rien de suspens...

On serait presque surpris à la vue d'un soleil qui se lève comme tous les autres jours, et pourtant. Et pourtant le rituel est le même le dimanche matin quand il est question d'aller acheter sa baguette et son journal régional. C'est la même file d'attente, la même odeur de pain chaud, le même merci, le même bonjour. Un instant on se laisserait tenter par l'ancienne réalité, on s'autoriserait à faire des projets...

Mais le marcheur qui rentre chez lui, soulagé par l'assouvissement d'une action qu'il connait et chargé de pains au chocolat destinés à ouvrir les paupières de celle qui a fait semblant de ne pas se réveiller, croisera de manière quasi implacable la Une d'un journal, placardée en épouvantail des badauds.

L'emploi, le rêve d'une maison abritant une famille, un gazon à tondre, les vacances à la mer sont autant de chose dont nul n'aurait voulu se contenter. La vie monotone, la routine semblaient alors pour tout le monde la moindre des choses. S'élever consistait simplement à s'ouvrir un peu plus que la génération précédente.

Mais loin d'ici, des gens ont dit que c'est la crise. Ensuite dans le pays des gens ont dit que c'est la crise. Et voilà désormais que même le journal régional, fervent défenseur du thé dansant et multiples fêtes du fromage, se met lui aussi à annoncer qu'il n'y a plus de valeurs sûres.

La peste avance. Elle perse les unes après les autres, les couches sociales de l'angoisse. Pourtant rien n'a encore changé. La boulangerie sent encore le pain. Mais l'affiche elle ! L'affiche elle le dit !

Et si le monde des affiches et multiples encenseurs de panique spéculant sur la peur était loin, loin de la crise, lui ?