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Le sanglot de la « coalition of the willing »

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Le zinc de l'Europe

On le sait, les tchèques ne vont pas très bien en ce moment. Ils viennent de perdre leur gouvernement, après plusieurs mois d’instabilité politique, et en particulier d’opposition ouverte entre le président Vaclav Klaus et le premier ministre Mirek Topolanek sur les questions européennes.

En effet, cela va bien faire deux ans que Klaus épuise toutes les stratégies juridiques et politiques pour éviter à tout prix que son pays ne ratifie le Traité de Lisbonne. Avec la démission de Topolanek, il vient de remporter un nouveau round.

Mais bon, c’est pas vraiment ça qui m’intéresse aujourd’hui. Au Parlement européen, lors d’une des ses dernières interventions en tant que Premier Ministre, Mirek Topolanek s’est tout de même permis de critiquer le plan de relance de Barack Obama. Vous vous rendez compte, il a critiqué Barack Obama, le fou !

En libéral appliqué, Topolanek a donc fustigé le recours incontrôlé à la dépense publique, qu’il a qualifié de « chemin vers l’enfer ». Il a aussi incité les Européens à ne pas soutenir aveuglément la politique d’Obama, et à ne pas considérer ce dernier comme le « messie ». Enfin, il a rappelé qu’il souhaitait toujours que les Etats-Unis concrétisent leur projet de déployer une partie du bouclier anti-missile sur le territoire tchèque…

Mais, dites moi, on dirait bien que ça sent le roussi entre « la nouvelle Europe » et son grand frère américain… Rappelez vous 2003, la guerre en Irak et les déclarations de Donald Rumsfeld sur l’ancienne et la nouvelle Europe. Beaucoup à l’époque ont tenté, à coup d’analyses géopolitiques savantes, de nous expliquer que les démocraties récentes trouvaient plus d’intérêt au parapluie américain qu’à l’intégration européenne, que l’Amérique représentait mieux leur retour dans le camp occidental, tout ça…

Oui, mais quelle Amérique ? Quel Occident ? On dirait bien que l’élection d’Obama, ça a fait tout bizarre à toute l’élite ultra-conservatrice européenne, qui aimait bien Bush, son messianisme de façade et son soutien indéfectible au « big business ». Il n’y a qu’à voir les mauvaises blagues récurrentes de Berlusconi pour s’en rendre compte…

Il n’y a pas de « nouvelle » et de « vieille » Europe. Le Royaume-Uni et le Portugal sont parmi les plus anciens Etats d’Europe et ils ont soutenus la guerre en Irak. Cette division entre « ancien » et « nouveau » n’était qu’un argument marketing…

Ah oui, au fait, je sais que ce post peut avoir l'air étrange, mais si je passe des plans de relance à la crise en Irak, c’est exprès ! L’ultralibéralisme et les croisades pour protéger la démocratie et la liberté, ça procède de la même vision du monde : il existe une civilisation supérieure, avec des traits bien établis, et qu’il convient de défendre contre les autres groupes humains. Démocratie, libéralisme, capitalisme, voici ce que nous sommes… et toute critique de ces piliers fondamentaux de notre identité ne serait donc que trahison. Enfin, voilà ce qu'on a tenté de nous faire croire dans le monde de l'après 11 septembre 2001.

La « coalition of the willing » n’est pas le résultat d’intérêts définis. Elle résulte de l’idéologie partagée par un certain nombre de dirigeants occidentaux à une époque donnée : George Bush, Tony Blair, José Maria Aznar, Silvio Berlusconi… et bien entendu notre ami José Manuel Barroso !

L’enseignement le plus important de cette crise est donc celui-ci : l’identité de l’Europe, de l’Occident si cette notion existe, n’est en aucun cas liée à un système économique particulier. On peut réformer le capitalisme, introduire de la solidarité, imposer des réglementations, cela ne nous transformera pas en une autre civilisation. Topolanek a été un peu long à comprendre cela, et c’est probablement ce qui lui a coûté son poste…