Le Royaume-Uni s’avouera-t-il européen ?
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Simon LoubrisL’Union européenne doit bientôt étendre ses frontières et le débat sur l’existence d’une identité uniquement "européenne" a connu une nouvelle impulsion. Cependant, pour le Royaume-Uni, les liens de longue date établis à travers le globe font douter de l’acceptation d’une étiquette "européenne".
Que signifie être européen ? Ce sera sûrement une question que de plus en plus de citoyens européens se poseront ces dix prochaines années, l’intégration européenne s’approfondissant, et l’Union politique et économique étendant ses frontières géographiques pour inclure des pays ayant des cultures et des sociétés qui étaient précédemment perçues comme extérieures au modèle occidental.
Pour beaucoup de Britanniques, cependant, une question plus pertinente serait "Suis-je européen ? » C’est le grand dilemme avec lequel la Grande-Bretagne a lutté depuis le premier avènement de l’Union européenne (UE) moderne et qui est devenu de plus en plus problématique à mesure que les gouvernements successifs ont fait l’intégration plus étroite avec l’Europe une réalité.
La difficulté à laquelle la Grande-Bretagne fait face est soit d’accepter une identité basée sur la géographie, soit d’en forger une basée sur des raisons historiques ou linguistiques ; autrement dit, le Royaume-Uni doit-il promouvoir une identification plus étroite avec le continent avec lequel il partage la proximité géographique, ou avec les membres du Commonwealth et les Etats-Unis avec qui il partage des affinités linguistiques, culturelles et historiques fortes.
Common law vs. Civil law
Des trames mêmes dont les sociétés sont faites, il est évident qu’existent des différences très claires entre les pays britanniques et continentaux, qui rendent un sentiment partagé d’identité difficile à établir. Par exemple, en termes légaux, tandis que la plupart de l’Europe continentale fonctionne avec un système juridique issu du code Napoléonien, la justice britannique est fondée sur un système séparé connu sous le nom de "Common Law" (Droit coutumier). Les différences fondamentales entre ces deux systèmes peuvent causer des problèmes presque insurmontables dans la fusion de nos sociétés à ce niveau le plus fondamental, comme en a témoigné récemment le rejet britannique d’un système de justice paneuropéen. Non seulement le Royaume-Uni n’aime pas qu’on lui intime de changer une des pièces, certes la plus simple mais aussi la plus importante, de sa constitution en faveur d’un modèle plus "européen", mais il voit peu de raisons de le faire, quand, à l’extérieur de l’Europe, des nations industrielles, puissantes, comme l’Amérique et l’Australie, trouvent les aspects clefs du système britannique plus qu’adéquats.
Et là réside le problème central en ce qui concerne l’identité européenne et la Grande-Bretagne. Les différences comme celle décrite ci-dessus s’avèrent simplement démontrer plus encore la présent perception d’extranéité des voisins européens du Royaume-Uni, en comparaison de l’idéologie perçue comme partagée avec de grandes nations comme les Etats-Unis.
En termes culturels, la Grande-Bretagne entretient avec fierté ses liens forts avec les sociétés américaine et australienne en termes de télévision, de films et de musique. Les tendances culturelles originaires de pays du Commonwealth et d’Amérique arrivent presque toujours en Europe via le Royaume-Uni. Au contraire, les modes européennes sont très rarement adoptées en masse au Royaume-Uni et généralement, comme tels, la musique, les films et la cuisine du continent ne pénètrent seulement le Royaume-Uni qu’au sommet ou au bas de l’échelle culturelle. Tandis que, malgré la séparation géographique, les Britanniques ont tendance à voir la réalité australienne et américaine comme semblable, sinon identique, à la leur, les réalités quotidiennes en Allemagne, en Italie ou en France sont inconnues, ou vues comme tellement différentes du Britannique moyen qu’elles sont rejetées aux confins de l’acceptation culturelle.
Regard au large et frontières inchangées
Les raisons de ce sentiment d’identité partagée avec des peuples situés à l’opposé du globe, au contraire de ceux distants d’une heure de bateau, résident dans l’histoire. La création sanglante d’une Europe composée d’états nations au XIXème siècle a eu peu d’impact sur le Royaume-Uni, occupé à l’extension de plus en plus lointaine de son empire. Toutes les tentatives d’invasion par des puissances étrangères se sont révélées futiles et les frontières de l’île sont restées inchangées. Ainsi, le sentiment d’identité nationale est très fort au Royaume-Uni. C’est ce fait, peut-être, qui rend l’acceptation, et même l’incitation, d’une identité européenne plus large difficile.
Sans une identité nationale forte, une Europe unie composée d’un peuple est plus facile à appréhender. Si l’identité nationale est forte, le besoin d’une identité complémentaire plus large est diminué, particulièrement si, comme c’est le cas en Grande-Bretagne, la nation est complètement soutenue par des alliés en position de puissance. L’établissement du Commonwealth après l’écroulement de l’Empire britannique a cimenté les idéologies partagées et les sentiments entre les anciennes colonies et le Royaume-Uni. Malgré l’indépendance, des pays comme l’Inde, l’Afrique du Sud et même, controversé aujourd’hui, le Zimbabwe partagent des aspects de leurs sociétés ayant leurs racines dans la société britannique.
Le Commonwealth met en avant une perspective partagée entre la Grande-Bretagne et ses alliés. Si une petite île comme la Grande-Bretagne peut compter sur l’appui de grandes nations comme le Canada et l’Australie, l’importance de nouer des relations plus proches avec des peuples contre qui elle a livré des batailles sanglantes relativement récentes et qui, apparemment, partagent peu d’idéaux communs, est relativement faible. La vérité crue est qu’en ce qui le concerne, le Royaume-Uni n’a pas besoin de l’Europe.
Un sentiment commun de dépendance encourage une identité unie ; si des nations partagent un sentiment d’identité et une motivation, toutes les nations sont renforcées, toutes les nations peuvent joindre leurs forces pour croître économiquement et politiquement, et l’on garantit la stabilité pour tous. Le Royaume-Uni ne se trouve pas dans cette situation grâce à la force de ses alliés internationaux. La situation politique internationale actuelle l’illustre clairement.
L’avenir du pays réside-t-il dans une communauté où les partenaires sont des pôles à part ?
Malgré, ces dernières années, l’appel répété en faveur du développement d’une politique étrangère commune distincte de celle des Etats-Unis, menant probablement pour l’UE à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, la crise actuelle en Irak met en relief la réalité. L’identité de la politique étrangère britannique reste résolument lié à l’Amérique et ce serait, je crois, une grande erreur de la part de l’Amérique si cela devait changer. Au contraire, la France et l’Allemagne essayent actuellement de forger une politique européenne commune. Malheureusement, les deux politiques diffèrent énormément, laissant la presse britannique et le public conclure que les différences inéluctables entre le Royaume-Uni et l’Europe sont insurmontables ; ils en déduisent clairement que l’avenir du Royaume-Uni ne peut probablement pas résider dans une communauté où, sur des questions aussi importantes, les deux côtés sont des pôles à part.
La question de savoir si cette situation changera à l’avenir demeure. Une nouvelle génération d’Européens est encouragée à forger des liens plus proches dans un sens vers lequel nos parents et certainement nos grands-parents étaient incapables d’aller. Il est important de ne pas oublier, malgré les frustrations que suscite le manque d’enthousiasme britannique pour une identification plus proche avec l’Europe, que seules deux générations ont passé depuis que l’unité et l’identité commune des Européens de l’ouest, sans parler des Européens de l’est, était une impossibilité.
Il est important de se rappeler que dans l’Europe de l’après-guerre, le Royaume-Uni n’a pas créé de liens plus étroits avec l’Europe, mais a voulu au lieu de cela cimenter sa "relation spéciale" avec les Etats-Unis. Le Royaume-Uni n’a ni incliné, ni été invité à rejoindre la nouvelle communauté européenne dans ses premières années et, lorsqu’il est finalement devenu membre, c’était purement pour des raisons économiques - on a vendu au public britannique un espace européen commun de nature économique, et non culturelle ou idéologique.
Cela ne veut pas dire, bien sûr, que la situation ne peut pas changer et ne changera pas. Avec l’apparition de programmes comme Erasmus et l’utilisation accrue de l’anglais à travers l’Europe, de plus en plus de Britanniques voient le continent non seulement comme un endroit pour se détendre au soleil, mais aussi comme un marché où faire des affaires. Les transports aériens bon marché signifient que les jeunes Britanniques voyagent en Europe plus fréquemment que jamais. Les universités, tant au pays qu’en Europe, ayant des services des relations internationales plus importants, encouragent les étudiants britanniques à se mélanger à leurs voisins européens, ce qui a conduit à augmenter la dispersion des idées et des tendances culturelles. De plus, un sentiment anti-américain accru et le soutien aux mouvements anti-mondialisation forcent les jeunes anglais à s’intéresser de plus à l’idéologie commune locale. En résumé, l’Europe continentale devient plus pertinente pour les citoyens britanniques.
Cependant, du fait de la nature des liens politiques et culturels forts du Royaume-Uni avec d’autres nations puissantes, on peut se demander si les citoyens britanniques se sentiront jamais entièrement à l’aise avec une étiquette purement européenne. Comme pays, le Royaume-Uni est, pour le moment, satisfait de maintenir l’ambiguïté de sa position, nation à la fois européenne et globale.
Translated from Will the UK ever admit to being European?