Le rock espagnol, bien au delà du flamenco
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Sarah RICHARDIEREspagne = Flamenco. C’est le cliché qui vient à l’esprit de beaucoup d’étrangers lorsqu’ils pensent à la musique en Espagne. Mets ta veste en cuir, on va remuer les consciences. Parce qu'en Europe le rock 'n' roll s'écrit aussi avec la ñ.
Ça fait plus de 40 ans qu’on parle de rock ‘n’ roll en Espagne, un rock aux différents accents, langues, positions. Aux quatre coins du pays résonnent les fameux quatre temps, les batteries et les guitares qui balayent le territoire. Au sud de la péninsule ibérique, à l’ombre du flamenco – l’emblématique blues espagnol et son œuvre de référence « La leyenda del tiempo » – on trouve depuis les années 70 des groupes comme les Smash et leur rock psychédélique, pionniers d’un style qui triomphera avec Los Triana. Modèle et exemple pour tous ceux qui suivront, de Kiko Veneno à Albertucho, de Pata Negra à Raimundo Amador, les rockeurs dépassent la gratte flamenca de Paco de Lucia avec beaucoup d’art et de sensibilité. Ce rock ‘n’ roll puise son inspiration dans les profondeurs de l’Andalousie et dans les branches du Delta du Mississipi.
PLUS RADICAL, PLUS URBAIN
Les routes d’Espagne naissent et meurent à Madrid, capitale espagnole, mère du rock urbain. Coincées dans les quartiers ouvriers du début des années 80, les guitares du prolétariat fusionnent avec ce qui leur vient d’ailleurs. De Rory Gallagher à Sex Pistols, du punk au rock ‘n’ roll. Il ne s’agit pas de la naïve « movida » madrilène, mais des jeunes d’en bas qui arrachent leur liberté à grands coups de riffs. Asfalto, Topo, Burning ... Mais l'incontestable pionnier à la source du mouvement reste Leño, groupe aussi dur qu'électrique. Guitare-basse-batterie, la formule du succès. Bref, le rock ‘n’ roll cru du maître en la matière, j'ai nommé le leader Rosendo Mercado, toujours actif.
Quelques années plus tard, plus au Nord, la Côte de Cantabrie va elle aussi faire bouger les longues crêtes des jeunes dans des clubs remplis de fumée et de hors-la-loi. Euskadi devient vite le centre névralgique de ce mouvement, là où les types les plus durs de l'usine ont formé ce qu’on appellera le « Rock radical basque ». Punk, sauvages, comme les Aceros de Bilbao. En basque ou en castellan, peu importe, le message est le même. L'art brut sera ensuite distillé par des formations comme Cicatriz, Eskorbuto, Kortatu, La Polla Records ou les Vulpess. Parmi tous ces groupes, Barricada restera comme le plus emblématique. Ce groupe de hard-rock formé en 1982 a émergé des rues de la Txantrea, quartier ouvrier de Pampelune. Difficile de résumer leurs 25 années de carrière et leurs 15 albums studios tant leur musique a constitué l’hymne de plusieurs générations d’Espagnols.
Depuis la glorieuse décennie des années 80, des milliers de groupes ont foulé les planches de la scène musicale espagnole avec leurs styles, étiquettes et tribus respectives. La force du groupe galicien Los Suaves et leur leader unique - el Yosi -, l’insolence rock de Loquillo, le punk-rock de Séville avec Reincidentes, les hurlements de Quejíos de Marea... Le dernier grand prophète du rock castellan est peut-être Robe Iniesta et ses Extremoduro. Hymnes d’hier et d’aujourd’hui, amours adolescents et poésie, ces groupes agrandissent leur palette pour dessiner un genre qui va désormais bien au-delà de l'art brut.
CONTINUER À CHOQUER LES CONSCIENCES
Qui sont les héritiers ? Qui continue à gratter la six cordes pour choquer les esprits biens pensants ? Même si faire de l’ombre à ceux qui ont rempli les murs de nos chambres paraît compliqué, la santé du rock espagnol semble bonne : les stades se remplissent et les nouveaux groupes se forment. Tous les styles, toutes les couleurs. Ce, depuis le style alcoolisé des Corizonas, jusqu'à la classe de M-Clan. Les lieux les plus sombres des villes espagnoles continuent de faire parler d’eux, avec Quique González, Poncho K, Havalina ou les touches pop de Pereza.
Nul besoin de s'inquiéter, le rock avec un Ñ se porte bien, merci. Donnez-lui simplement la chance de traverser les Pyrénées, afin que l'on arrête de considérer une fois pour toute l'Espagne comme le pays des palmas et des chants a cappella.
Consultez ici, la playlist de tous les groupes cités dans l'article.
Translated from Rocanrol, rock con ñ de España