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le ridicule ne tue pas (mais il le pourrait)

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Maitre Sinh

Fr

Après l'article dressant un panorama de la diversité des anti-UE en Europe ( il y a des images, je vous assure c'est amusant), voila un "extra-bonus" sur nos amis français ( ne dites pas à ma mère que je le suis moi aussi, par ces temps, ce n'est pas la fierté qui m'étouffe).

Celui-ci concerne deux candidats, qui, après avoir fait leurs premières armes contre le traité constitutionnel en 2005, ont converti leur croisade anti-UE en marque de fabrique pour les présidentielles...l'un est de "gauche" , l'autre est de "droite", et tous deux ont en commun la nostalgie d'un Eden perdu.

La faute à qui ? devinez.

Schivardi, life on mars...?

Méfiez vous des imitations : Schivardi en a l'allure, l'accent, et la corpulence...mais il n'est pas un Pasqua bis, car de l'autre coté du spectre politique. En principe tout au moins, car le programme de Schivardi, candidat auto-proclamé "des maires" est simple : sortir de l'Union Europeenne, comme il le dit lui même.

Je vous arrête toute de suite : moi aussi j'ai l'accent du sud ( même s'il n'est pas aussi débonnairement accentué) et ce monsieur m'est familier: il a l'âge de mon papa ( qui est lui quand même bien mieux habillé et plus beau, normal c'est mon papa - c'est 100 euros p'pa si tu me lis).

Bref le bonhomme m'est familier. On me dit qu'il a été maçon et a eut deux enfants au début des années 70. Si on ajoutait qu'il est de la famille ça ne m'étonnerait pas. schivard.jpg

Et c'est bien pour cela que mon mépris fait place à une triste gène, car le personnage m'apparait avant tout comme pathétique.

Pour quoi enfoncer le clou ? parce qu'il est emblématique d'un travers de plus en plus répandus dans la société française, alliant une relative ignorance de la réalité économique à une nostalgie galopante de l'Eden perdu des trente glorieuses.

Moi aussi, j'ai la nostalgie des derniers échos que j'ai connu de cet âge d'or. Preuve à l'appui, mon chez-moi tend à ressembler à une scène d'orange mécanique tant j'accumule les vestiges du consumérisme insouciant et plastique de la génération du baby boom. Sans compter la musique psychédélique et tous les avatars d'une société ou tout paraissait possible, du pire au meilleur.

Je ne sais pas si Schivardi collectionne les plateaux repas oranges et les fauteuils-coque. Ce que qui est clair en tout cas, c'est que pour lui, les trente glorieuses ne sont pas mortes de leur mort naturelle. Et il a trouvé le coupable: l'Europe.

Vous croyiez que c'était le prix des matières premières, la concurrence nippone, celle des Nouveaux pays industrialisés ou une multitude d'autres facteurs internes et externes ?

Pourquoi aller chercher si loin ?

Avec Schivardi, tout est simple : C'est la faute à "Maastricht", à l'euro, au marché commun. Bref à l'Europe "ultralibérale", selon la terminologie Schivardienne. Logiquement, il prône, dans le désordre, le rétablissement du franc, la re-nationalisation des "entreprises-publiques", le rétablissement des monopoles d'états ( sur les telecommunication ?), etc...( liste non exhaustive).

Pour ma part, en tant que vieux con prématuré, je me contenterais de pester contre les téléphones portables, symboles d'un capitalisme triomphant qui a envahi, avec la collaboration active des interessé(e)s, jusqu'au dernier repli de notre solitude. Finalement, si Schiavardi, avec son rétablissement des monopoles, veut en finir avec les cellulaires, on a au moins un point commun...

Ça à l'air amusant. Ça a l'air inoffensif. Folklorique.

Mais cela témoigne à la fois d'une inculture économique trop répandue et d'un amalgame préoccupant, d'autant plus qu'il n'est pas isolé. En d'autres temps, la faute aurait été imputée aux protestants, à l'Allemagne, aux juifs, aux francs-maçons. Aujourd'hui c'est l'Europe qui est responsable de tous nos problèmes.

Schivardi se prononce ainsi en 2007 "pour la nationalisation d'Airbus", conclusion logique d'une Europe qui ne sert à rien d'autre qu'a "déranger" le parfait ordonnancement de la république Française...

Un Degaulle extra-light ?

Transition parfaite : le second micro-noniste, Nicolas Dupont-Aignan, à lui un beau costume, pas comme Schivardi. Et pour cause, il est issu de l'UMP. On devinera à son patronyme que ses origines n'ont rien en commun avec l'ex-maçon. L'homme est un habitué de la politique, des préfectures, de l'assemblée nationale...il a bénéficié d'une éducation d' "énarque" classique, ce qui le garde au moins de dire des énormités. Bref c'est la France "d'en haut", des "élites".

En bon nationaliste jacobin (on dit souverainiste parait il, ça fait moins grossier), son opposition à l'UE est basée sur l'idée que la France n'a pas besoin de l'Europe pour sa "grandeur", bien au contraire.

Avec son groupe "debout la république" il défend la "grandeur" de la france Gaullienne. Oui mais voila, la "grandeur gaullienne" c'était déjà, à l'époque, surtout de la rhétorique grandiloquente , quelques grandes réalisations pharaoniques pour épater la galerie, et surtout, la prospérité qui permit tout cela, pendant que les Russes et les américains se partageaient l'Europe et imposaient leur pax impériale ( avec ou sans la France dans l'OTAN).

Revoilà donc les trente glorieuses, et le lien entre les deux candidats : la nostalgie et l'illusion d'une France qui puisse largement se suffire à elle même.

Tout comme le Royaume-uni envoyant des troupes en Irak en se croyant indispensable , alors que leur cautionnement aux USA était surtout, pour ces derniers, d'ordre moral, beaucoup de français préfèrent l'illusion d'une grandeur postiche " en solo" à la possibilité d'une grandeur réelle, mais partagée avec les autres européens.

Nicolas Dupont-Aignan se prétend Gaulliste.

Mais Degaulle était avant tout un esprit pragmatique.

Vouloir la grandeur de la France ne l'a jamais empêché, bien au contraire, de regarder la réalité en face, comme il l'a fait avec l'Algérie. Si Degaulle voyait aujourd'hui l'Europe libérée des soviétiques et des américains, livrée (enfin!) à elle même pour son organisation, se trouvant face une chine réveillée et à des USA unilatéralistes...le Général pourrait en surprendre plus d'un en se déclarant un fervent européen....

Une constatation s'impose : la France seule n'a pas les moyens d'une ambition mondiale, ne serait-ce qu'en termes financiers. C'est un fait.

La mutualisation des ressources militaires avec les autres européens ( par exemple, en construisant ensemble des porte-avions) est de loin une des solutions les plus pragmatique. Mais on voit aussi que cela suppose de prendre des décisions cohérentes ensemble en matière de politique étrangère...autrement dit, construire une Europe politique n'est pas dissociable d'objectifs économiques et militaires ambitieux.

Tu niques l'économie ? l'économie te nique !

il y aurait trop à faire pour expliquer en quoi les propositions de Schivardi sont aussi dangereuses que bêtes: on n'améliore rien en appauvrissant l'économie d'un pays.

Pour le comprendre, on s'arrêtera à quatre "détails" , au sujet de l'euro et de la monnaie, qui de toute façon ne seront pas lus par les intéressés qui s'empresseront de fuir ( si ils ne l'ont pas déjà fait)

1) l'état, contrairement à ce que pensent trop de français, n'est pas omnipotent. il n'est qu'une agrégation de personnes. il n'est pas magicien et ne peut pas "créer" de la richesse à partir de rien en imprimant des billets. La pauvreté endémique de l'URSS, si besoin était, en est un exemple.

essence-euro.jpg 2) Cela parce que dans le monde (réel, pas celui de Schivardi), il y a un principe fondamental : la rareté. Comme nous ne vivons pas dans l'eden, la nourriture ainsi que tous les biens doivent être produits, extraits, transportés, et ils sont tous en quantité limitées ( même très grande, mais limitée , sauf les produits culturels duplicables à l'infini, mais c'est une autre histoire). Cela s'appelle, l'offre, et elle est limitée. Les gens consomment ces produits, cela s'appelle la demande. Si la demande est supérieure à l'offre, les prix augmentent, et inversement.

Par exemple, si demain il n'y a plus de vaches, le litre de lait coutera une fortune...à l'inverse, si on arrive à produire de l'or en série, sa valeur tombera au prix d'une vulgaire ferraille.

3) il en va de même pour la monnaie d'un pays, qui n'est pas seul au monde. Sa monnaie est une marchandise comme une autre, dont le prix reflète la confiance dans ce pays. La monnaie d'un pays a donc un "prix" : le taux de change. Accepteriez vous d'échanger tous vos euros contre des Baths Thailandais, des pesos des Philippines ? Non car, quelques mois plus tard, ils auront probablement perdu 10 % de leur valeur ou davantage. Vous vous serez appauvri.

4) les difficultés que connaissent beaucoup de personnes sont réelles. Mais une monnaie forte permet de faire baisser les prix, en réduisant le cout des produits importés : pétrole, produits de consommation, gaz.... Si votre monnaie est plus faible, tout vous coute plus cher ( comme aux philippines ou aux usa) . C'est très simple à comprendre: si votre monnaie est dévaluée de 30 %, vous perdez 30 % de vos revenus. Et inversement.

Avant l'Euro, le France était beaucoup plus sensible aux variations de change, et exposée aux fluctuations et aux dévaluations.

Il était obligatoire de se procurer des dollars pour régler les importations sur le marché international, aggravant notre dépendance. En outre, la France n'avait aucun contrôle sur la politique menée par les autres pays européens, la rendant de facto dépendante des mouvement du Deutch mark. Si le Deutch Mark (DM) remontait ses taux d'intérêt ( le prix de l'argent), la france devait en faire autant sous peine de voir les spéculateurs acheter en masse des DM au détriment du Franc ( et même alors, ce n'était pas assuré).

Bref, l'euro n'est pas le problème, il est surtout, et déjà, une partie de la solution. Sans lui l'économie de notre pays en pâtirait, et les difficultés quotidiennes seraient beaucoup plus dures.

Dupont-aignan n'est pas un patriote. Un patriote ne se contente pas de prendre son rêve pour une réalité, mais part de la réalité pour réaliser son rêve.

Schivardi n'est pas un progressiste. Appauvrir les français par des "yaka-faire comme avant quand c'était mieux " n'est pas un progrès.

L'unité Européenne n'est pas une obligation absolue.

Mais il faudrait être conscient que non seulement s'en passer n'arrangerait rien à la paupérisation du pays, mais qu'il faudrait aussi et surtout se résigner à être des nains de plus en plus petit sur la scène mondiale, en se berçant d'illusions sur notre grandeur.

La voila, l'alternative.

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