Le retour du terrorisme d’extrême-gauche en Grèce ?
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La nuit du lundi 5 janvier dernier a été marquée par l’attaque par des inconnus d’une patrouille de surveillance policière qui effectuait son service habituel devant les bureaux du ministère de la Culture à Athènes (à lire dans Ta Nea du 5 janvier). Un des trois policiers en faction a été grièvement blessé.
Et très vite, l’enquête policière a conclu à l’utilisation par les agresseurs d’une Kalachnikov, la même apparemment que celle déjà utilisée en décembre par un groupe de cagoules lors de l’attaque d’un commissariat de la capitale grecque. Dès le lendemain mardi 6 janvier, les journaux titraient avec effroi: “Le cauchemar d’un nouveau terrorisme” (comme par exemple le très sérieux Kathimerini)).
En effet, d’après la police grecque, cette attaque, semble-t-il bien préparée (les assaillants ont disparu sans laisser de traces, étaient équipés d’une arme lourde et ont laissé une vingtaine de douilles sur le lieu de leur forfait, pour preuve de leur pugnacité), porte la signature d’un groupe nommé Lutte révolutionnaire, qui s’est déjà fait remarquer par quelques actions du même genre ces dernières années.
C’est d’abord le mode d’action qui désigne ce groupe: une arme lourde, qui demande une formation pour être manipulée efficacement, et le fait de prendre pour cible les forces de police, comme ce fut déjà le cas en 2007 dans une banlieue d’Athènes (Kathimerini). Pourtant, on n’attendait plus de nouvelles de ce groupe à qui l’on impute neuf attaques terroristes depuis 2003 (essentiellement contre les forces de police, des banques, des ministères mais aussi en 2007, contre l’ambassade des Etats-Unis comme le rappelle To Vima). C’est peut-être là que la police a commis une erreur, d’après certains observateurs: “Pourquoi la police n’a-t-elle pas réussi à empêcher la réapparition de cette organisation ces derniers temps?” peut-on lire dans To Vima. Certaines sources proches des services anti-terrorisme affirment que “les autorités avaient cessé ces derniers temps de s’intéresser à la possible renaissance de l’organisation. Du coup, ses membres ont réussi à créer l’effet de surprise” (Kathimerini du 8 janvier). Le problème, en fait, semble résider dans le manque de preuves contre certains individus suspectés. Des articles parus dans Kathimerini et Eleftherotypia soulignent la difficulté à appréhender en flagrant délit des individus souvent inconnus des services de police, puisque, bien sûr, les chefs ne prennent pas le risque d’exposer des membres déjà fichés. Pour faire le point sur cette organisation Lutte révolutionnaire, le journal To Vima a publié le 11 janvier dernier un long reportage qui fait le tour de ce que l’on peut en savoir. Constituée par une base de cinq membres, d’une cinquantaine d’années, ayant participé à des actions de guérilla urbaine dans les années 80 et 90, et visiblement issue de l’ancien groupe dit “du 17 novembre” qui a longtemps sévi en Grèce et a été démantelé en 2002, elle semble être en possession de quelques armes et bombes volées çà et là dans des camps militaires, dans des fabriques, ou auprès de gardes du corps d’hommes politiques qu’ils ont attaqués à cette fin. Les événements qui ont troublé la Grèce en décembre 2008 semblent avoir permis à l’organisation d’enrôler quelques nouvelles recrues, alors même que la police ne voulait plus croire à la survie du groupe.
D’après Christos Zervas, dans Eleftherotypia du 11 janvier, la police sous-estime le danger que représente cette organisation qui a déjà en 2007 lancé une attaque de roquettes contre l’ambassade des Etats-Unis sans qu’aucun membre ne puisse être arrêté ! En fait, la police grecque est d’accord avec les services européens d’Europol qui caractérisent ces actions de “terrorisme léger” imputé à des anarchistes qui, comme en Italie ou en Espagne (rassemblés pour l’occasion sous le terme “triangle méditerranéen”) depuis 2004-5, sont passés de l’activisme au terrorisme. Pas d’inquiétude à avoir, donc ? Pourtant la ministre des affaires étrangères, Dora Bakoyannis, confiait cette semaine dans une interview à To Vima sa “grande inquiétude”. L’ambassadeur des Etats-Unis en Grèce a fait part aussi de son angoisse, et a évoqué la possibilité d’avoir à publier des “instructions de voyage” à l’attention des touristes américains en partance pour la Grèce, ce qui bien sûr pourrait avoir des effets néfastes sur l’industrie du tourisme ( à lire dans Kathimerini). Daniel Speckkard a exprimé aussi son agacement à voir que l’enquête liée à cette fameuse attaque des bureaux de l’ambassade en 2007 n’a abouti à aucune arrestation. Car, comme l’écrit Yorgos Marnellos, “la grande question, maintenant, est de savoir quelle sera la prochaine cible et le mode d’action.
Alors, angoisses de journalistes en quête d’infos à sensation, ou réel danger de déstabilisation du tout nouveau gouvernement Caramanlis ?