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LE RETOUR DES VIEUX REFLEXES ?

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L'Europe à table

Les résultats des élections européennes se caractériseront-elles par la grande victoire des extrêmes ? La crise économique poussera-t-elle les citoyens européens à se tourner vers des solutions simplistes d’un autre temps ? Dans ses Etats membres l’Union Européenne voit réapparaître des mouvements de replis identitaires.

L’économie florissante de la croissance n’a pas effacé ces anciennes dérives, l’Union politique nous apparaît là encore plus que souhaitable.

L’Europe a été pendant 50 ans paralysée par la Guerre Froide et par l’occupation de l’Europe de l’Est par l’URSS. Après la chute du modèle soviétique, ce fut l’explosion de la Yougoslavie, ce conflit a jeté tout le sud-est des Balkans dans une guerre fratricide pendant plus de dix ans. Il a fallu l’intervention de l’OTAN et de la communauté internationale pour mettre fin à cette tragédie. Cette guerre a été provoquée par l’utilisation des différences ethniques et religieuses par des politiques à des fins d’ambitions personnels.

A l’intérieur de l’Union Européenne le retour du nationalisme en politique s’explique souvent par une peur de la perte d’identité nationale avec l’intégration européenne et surtout avec la mondialisation. Le manque de politisation du débat européen ces dernières années a aidé à alimenter ces frayeurs. Il devient donc urgent de proposer une vision politique pour l’Europe, un grand et noble projet de société.

Ce phénomène du retour des nationalismes n’a rien à voir avec l’extrémisme des années 30. Dans une premier temps, ces mouvements ne sont pas apparus dans les villes industrielles frappées par le chômage mais chez les « bons bourgeois » dans les régions prospères. On y trouvait des petits patrons et des ouvriers de PME dynamiques ou des employés du secteur du tourisme qui représente une activité économique lucrative. Déjà ce « nouveau poujadisme » ne voyait dans la redistribution à l’échelle de l’Etat ou de l’Europe que gaspillage et exploitation abusive de son travail. A l’époque « L’extrême droite exploite l’égoïsme d’un électorat de nantis qui cherche à défendre ses privilèges et se soucie peu de solidarité ». (Vincent de Coorebyter, directeur du centre de recherche et d’informations sociopolitiques).

Ces mouvements sont nés pendant une époque économique prospère. Qu’arrivera-t-il si la crise que nous traversons perdurait ? Si l’Union Européenne ne répondait pas aux attentes des citoyens des états membres ? L’éclatement ?

Il faut tout d’abord répondre de manière collective et européenne à cette crise avec une explication très pédagogique des décisions prises à l’usage des citoyens et parallèlement créer un désir d’Europe : l’Europe doit faire rêver !

Comment faire rêver pour faire adhérer ?

« Un facteur psychologique important contribuait aussi à la puissance impériale : aucune affirmation d’identité ne pouvait rivaliser avec le civis romanus sum (« je suis citoyen romain »), source de fierté et d’aspiration pour beaucoup. Finalement concédé aux sujets non romains de naissance, le statut convoité de citoyen exprimait une supériorité culturelle qui faisait de l’expansion de l’empire une véritable mission. Partout où elle s’imposait, la loi de Rome trouvait ainsi sa légitimité et incitait ceux qui la subissait à désirer l’assimilation dans les structures impériales. La supériorité culturelle, évidente aux yeux des maîtres et admise par les sujets, renforçait l’ordre établi » (Zbigniew Brzezinski : le Grand Echiquier, l’Amérique et le reste du Monde).

Cet empire, un des berceaux historiques de l’Europe, avait proposé au monde un projet de civilisation fédérateur. L’Union Européenne, sans reprendre une vision impériale, doit pour les citoyens de ses Etats membres élaborer une nouvelle société afin de fédérer. Un projet de société humaniste pourrait alimenter la réflexion et l’élaboration d’une constitution. C’est pour notre continent une chance à saisir dans un monde qui devient multipolaire. Il existe déjà plusieurs modèles de développements et de sociétés et l’objectif est avant tout de bien vivre ensemble. L’Union Européenne pourrait proposer un projet qui combatte la précarité (essentiel en période de crise!), qui respecte l’environnement et permet à chacun de ses citoyens de s’épanouir dans sa propre recherche du bonheur. Nous devons admettre de façon pragmatique que l’économie de marché est la seule qui fonctionne, mais il faudra comme nous le montre la crise actuelle, la repenser afin que l’économie serve l’homme et non l’inverse.

Espérons que le destin de l’Union sera différent de celui d’une Ligue grecque de l’antiquité, qui, le péril perse disparut, s’évanouissait.

Nous avons tous les moyens pour devenir une grande puissance capable de compter dans l’avenir du Monde et ainsi pour notre propre avenir. La volonté politique nous manque encore, la crise peut être une chance car elle peut imposer cette volonté politique. Le Traité de Lisbonne est nécessaire pour aller plus loin dans cette success story qu’est la construction européenne. Ensuite, une constitution serait l’aboutissement de ce long cheminement, elle aurait la même symbolique et la même puissance que celles proposées par la France en 1791 et par les Etats-Unis en 1787.

« Si, pour plaire au peuple, nous lui offrons ce que nous ne saurions approuver nous-mêmes, comment justifier notre ouvrage ? Levons un étendard auquel puissent se rallier tous les hommes sages et honnêtes. Le reste est dans la main de Dieu ». G. Washington – Mai 1787 à Philadelphie.

Ce désir d’Europe doit être l’un des grands objectifs des débats politiques autour des élections européennes, il créera la dynamique nécessaire pour la construction d’une Union Européenne citoyenne et s’opposera de manières efficaces aux dérives extrémistes de toutes sortes.

Olivier VEDRINE

Ce texte est également publié sur le site: http://blog.multipol.org/