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Le quotidien en jachère des jeunes agriculteurs

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Société

La Politique agricole commune (PAC) est l’une des plus anciennes mesures mises en place par l’UE. L’un des budgets majeurs aussi, bien qu’il soit passé de 75% à 40% du budget global en 30 ans. Une réforme a été annoncée pour 2015. Pour en savoir plus, je me suis adressée aux premiers concernés : les jeunes agriculteurs. 

« La nouvelle PAC, je veux bien vous en parler, mais on sait pas vraiment où on va… ». D'entrée, Jean-Philippe Chollet, 28 ans, éléveur, céréalier, et Président des Jeunes agriculeurs de Charente-Maritime manifeste un sentiment blasé. « Il devait y avoir des annonces au Salon de l’agriculture… mais rien. » Et en mai, il faudra comme tous les ans remplir le « dossier PAC » qui permet aux agriculteurs de déclarer leur situation. « On se demande ce que fait le ministre. Tout est semé, tout est prêt, et il va nous sortir la règle », explique le Président des Jeunes agriculteurs 17, faisant référence aux quotas à respecter qui n’ont pas été annoncés assez tôt. D’après Mathieu, 26 ans, viticulteur, céréalier et trésorier du même syndicat que Jean-Philippe, les informations arrivent au compte-gouttes.  « Il y a certainement une solution qui va se trouver, mais là on est dans le flou. Et puis PAC 2015, c’est en 2015, et ça fait déjà deux mois qu’on y est. »

Des interrogations demeurent en ce qui concerne les DBP (Droits au paiement de base), jusque là appelés DPU (Doit à paiement unique), une aide financière déterminée en fonction du nombre d’hectares. Mathieu est installé sur l’exploitation familiale depuis 2 ans, associé avec son père. 20 hectares de vigne pour le cognac, 80 hectares de céréales. « On a fait une simulation avec le centre de gestion, visiblement on ne devrait pas avoir beaucoup de diminution de prime PAC… Ce qui ne va pas être le cas de tout le monde. » Pour Jean Philippe, c’est plutôt « une mauvaise surprise » notamment pour les successions de terre.

« Quand les choses sont faites dans un bureau… »

L’autre évolution progressivement amenée par la PAC, c'est l’environnement. Pour les deux agriculteurs, il y a de ce côté là déjà des « aberrations ». Par exemple, Jean-Philippe n’a pas le droit de retourner la terre sur lesquelles ses vaches pâturent. « Résultat ? Elles attrapent des maladies. » Ceci témoigne, selon Mathieu, d'un manque de confiance de la part de l’Europe et de la France envers les agriculteurs.

« L’environnement c’est notre milieu de travail. L’agriculteur a tout intérêt à ce que son sol soit sain, à ce que ses animaux se portent bien. Il y a toujours des exceptions à la règle, il y en a qui ne sont pas du tout sensibles à ça. Mais notre génération a été à l’école, a vu des choses en Bac, en Bac pro, en BTS, on est sensibilisé à l’écologie, à l’écosystème. Ce sont des choses que l’on connait, qu’on sait maîtriser, on a des techniciens qui nous encadrent, qui nous conseillent, les Chambres d’agriculture, et d’autres organismes qui servent à ça. Je pense qu’on a les moyens – après ça n’empêche pas d’avoir un cadre, car c’est toujours important – mais on a moyen d’être compétents et de nous faire confiance pour le travail que l'on fait. »

À cela, s’ajoute la paperasse. Ici, point de phobie administrative. Jean-Philippe, quand il a rejoint l’exploitation il y a une dizaine d’années, a vu son père « passer de plus en plus de temps au bureau ». Aujourd’hui, il lui faudrait presque une personne embauchée à mi-temps pour remplir les documents. Le dossier PAC de mai, c’est « une semaine entière au bureau ». Mathieu ajoute qu’ « on parle de simplification, mais on ne va pas au plus simple ».Mathieu jeune agriculteur

Une vie de labeur

Pour encourager les jeunes à s’installer, l’Union européenne permet aux jeunes de bénéficier d’une aide « les cinq premières années, il me semble » croit savoir Mathieu qui rappelle que « le renouvellement des générations est un souci dans le domaine. » Si ce métier a été pour lui une vocation, il a fallu faire face aux multiples obstacles avec une grande force de conviction. Pour le Président des jeunes agriculteurs, « ce n'est pas évident de se lancer avec toutes ces contraintes. En plus quand on est jeune, l’exploitation est en pleine évolution. On travaille déjà entre 10h et 12h par jour... »

Pour Jean-Philippe, l’Europe, c’est bien… sur le principe. « Mais il y a tellement de diversités au niveau des pays, que ça paraît difficile de mettre un cadre au niveau européen. J’ai quelques contacts en Pologne, on n’a pas du tout les mêmes terres. » Ni les mêmes surfaces. Mathieu relève également qu' « en France, on a des exploitations relativement petites, en Charente-Maritime du moins. Par rapport à l’Angleterre, par exemple, où c’est très extensif. Il y a des produits de traitement qui sont interdits en France mais qui sont autorisés dans d’autres pays européens. Ce, alors qu’on est censé avoir les mêmes règles pour tout le monde. » Pour l’agriculteur, évoluer dans un système commun ce serait « avoir les mêmes règles pour tout le monde. » Et de conclure : « Après on a des cultures différentes, donc c’est pas facile non plus. »

Cet article a été publié sur le site d'Europe next door, un projet pour un tour d'Europe à la rencontre des jeunes européens dans 28 pays différents.