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Le programme Erasmus est-il encore populaire ?

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Société

En France, environ 4000 bourses Erasmus n’ont pas trouvé preneurs en 2008. Pourquoi renoncer à une expérience à l’étranger ? Efficacité, argent, élitisme… Un florilège de témoignages pour comprendre.

« Nous sommes une promo d’environ 90 élèves, étudiants en communication et journalisme ; nous étions seulement une dizaine à être motivés pour partir en Erasmus ! », s’étonne Sébastien, étudiant belge. Pourquoi une participation si basse, particulièrement dans une école censée former des gens dont les métiers se basent sur la curiosité et l’ouverture au monde ? Lorsque l’on écoute les témoignages des étudiants qui ont décidé de ne pas tenter l’Erasmus, une certaine inquiétude ressort vis-à-vis des études : « Je galère déjà avec des cours en français... alors étudier dans une autre langue, avoue Pauline, je préfère finir mes études dans la même école et partir à l'étranger ensuite. »

« L’organisation pendant notre Erasmus en Sardaigne, du grand n’importe quoi ! »

Même pour des jeunes, étudiants en communication, l’idée de partir plusieurs mois à l’étranger intimide parfois : « Je ne suis pas partie en Erasmus parce que, je pense, j’avais peur. Peur d’être loin, peur de sortir du système scolaire que l'on connait et auquel on est habitué ! Pour ma part, j'ai sans cesse besoin d'être cadrée niveau travail... J’imagine que l’expérience est avantageuse mais voilà, elle ne doit pas correspondre à ma personnalité », explique Justine. Ancienne étudiante Erasmus à Malaga, son amie Camille confirme : « C’est vrai que ce n’est pas vraiment une ambiance propice au travail. Et il y a des cours qui ne correspondent pas du tout à ceux de notre université d’origine. » Selon une étude de Perspective Consulting, réalisée en 2007 pour la communauté française de Belgique, l’expérience Erasmus, du point de vue universitaire, était pour 42 % des étudiants « profitable » (4 % « improfitable », 15 % « indifférent ») mais sur le plan personnel, pour 82 % « très profitable ».

Pénibles équivalences

Consensus européen : les problèmes de bureaucratie et autres réjouissances administratives sont un point noir des séjours Erasmus. Yoann, qui cette année poursuit ses études de médecine en Italie, pense que la faiblesse du programme se trouve dans « le manque d'informations au niveau des programmes scolaires proposées par la fac ». Il observe « beaucoup de bidouillages sur les ‘learning agreement’ pour arriver à faire correspondre les programmes. Nos facs nous autorisent à partir dans une destination sans se préoccuper de savoir si les programmes correspondent. » Andrea et Marco, deux Italiens partis en Erasmus en France, sont d’accords : « La bureaucratie, c’est le pire ! » Coraline et Mylène rajoute d’une voix commune, mais avec le sourire : « L’organisation pendant notre Erasmus en Sardaigne, du grand n’importe quoi ! » 

Si les derniers rapports de la Commission se félicitent de l’amélioration, grâce à Erasmus, des services aux étudiants et de l’internationalisation des systèmes d’études supérieures, via entre autre les crédits ECTS, il y a donc encore du chemin à faire vers plus homogénéité des parcours scolaires, pour limiter par exemple une trop grande différence entre les cours de l’université d’origine et ceux de l’université d’accueil.

(pieter.morlion/flickr)

Erasmus : trop cher ?

Mais ce qui a priori freine le plus les étudiants, c’est l’aspect financier. Xavier, un Barcelonais de 26 ans, explique : « Je n’ai pas participé au programme Erasmus parce que je ne pouvais pas me le permettre. Je pense que ce n’est pas un programme accessible à tous, mais plutôt aux étudiants des familles avec un bon niveau de vie ou aux personnes qui ont pu travailler et mettre de l’argent de côté… Par contre, j’ai participé au programme Eurodyssée à Reims, en France. Ça, j’ai pu me le permettre financièrement et c’est réellement une expérience que je recommande. »

« Je n’ai pas participé au programme Erasmus parce que je ne pouvais pas me le permettre »

La bourse de l’Union européenne pour Erasmus, généralement d’environ 150 euros par mois, ne couvre évidemment pas les dépenses d’un quotidien étudiant. Pour certains, c’est une aide suffisante, pour d’autres, le calcul est négatif… Puisqu’il est bien moins facile de se trouver un boulot d’étudiant à l’étranger, et face à la hausse du coût de la vie et à la paupérisation des étudiants, se passer de ce revenu nécessaire peut décourager les moins aisés de partir. D’autant plus, lorsque l’on sait qu’il arrive que les bourses ne soient versées qu’à la fin du séjour… Valéry Pécresse, ministre française de l’enseignement supérieur a ainsi fait le constat que la mobilité internationale ne concerne qu'une minorité d'étudiants « initiés et aisés ».

Une étude de Magalie Ballatore et Thierry Blöss (2008) remet de même en cause le principe proclamé « démocratique » du programme. Malgré la démocratisation de ces séjours à l’étranger annoncée dans les déclarations officielles, ils observent une représentation significativement plus élevée des catégories sociales favorisées. En France par exemple, l'ouverture de l'enseignement supérieur à de nouveaux publics n'aurait fait que maintenir voire accentuer les différences entre les étudiants selon leur provenance sociale et scolaire. L’ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, déclarait : « Les étudiants Erasmus […] contribuent à forger une identité européenne commune. » Erasmus, vers une culture européenne élitiste ?