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Le printemps arabe, deux ans après: Une conférence du Groupe Spinelli

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Bruxelles

Par Antoine Patoz Il y a deux ans, les régimes de Ben Ali et de Kadhafi étaient renversés. Le printemps arabe était radieux cette année la. Malheureusement, les lendemains déchantent, à tel point que certaines mauvaises langues ont récemment pu parler « d’hiver arabe ».

A l'invitation du groupe Spinelli, messieurs Néguib Chebbi et Mahmud Gebril sont venus au parlement européen parler de la situation dans leur pays respectifs : La Tunisie et la Libye.

Alors que l'attention de média est logiquement bien plus centrée sur la crise syrienne, où l'acharnement de la famille Assad cause de nouveaux morts chaque jours. La Tunisie et la Libye sont entrées dans le long et difficile travail de reconstruction démocratique. Comme l'a dit Isabelle Durant : « Paradoxalement les révolutions unissent mais divisent également ». En effet, à la légitimité obtenue par la rue et par les urnes, s'opposent la perte de crédibilité des leaders révolutionnaires qui n'ont pu remplir toutes les attentes une fois au pouvoir.

« la révolution n'a pas commencé »

Mahmud Gebril, qui a rappelé que c'est au parlement européen qu'avait eu lieu les premières réunions des opposants expatriés, est lucide sur l’état de son pays. Il sait que tout n'est pas parfait mais, comme il l'a rappelé, deux ans au niveau d'une révolution ce n'est rien. Il ira jusqu'à dire que « la révolution n'a pas commencé ». C'est donc naturellement, qu'il se tourne vers l'avenir. Selon lui c'est avec l’Afrique que l'Union européenne va se développer. En effet l'Afrique est le continent de l'avenir, les nouveaux marchés seront là-bas, sa démographie galopante en fait un futur partenaire économique de premier plan.

C'est la jeunesse qui a déclenche la révolution en 2011, elle seule a les clés de l'avenir et peut assurer un futur démocratique au pays. « La génération .com » comme l'appelle Mahmud Gebril est connectée au reste du monde, elle a les mêmes aspirations que les jeunes du reste  du monde. Cette génération façonnera le moyen orient. Elle a déjà bouleversé la donne : Les mouvements de jeunes n’ont pas d'adresse, pas de leader pas de programme, « leur partie c'est la liberté ». Malheureusement ils ont été rattrapés par les idéologies anciennes et les réalités d'une démocratie traditionnelle et de l'inertie qui en résulte. Il ne faut, malgré tout, pas désespérer tous les facteurs sont en place pour qu'ils puissent se forger leur propre idéologie ; cela va juste prendre du temps.

Tout est encore possible, mais ce qui est sur c'est que l'avenir de Libye dépendra de l'implication de la population et des jeunes en particulier dans la vie démocratique.

« Ils ont fait la révolution sans le savoir »

Du côté tunisien, Monsieur Néguib Chebbi a aussi insisté sur le rôle clé de la jeunesse. Pour lui, la révolution a marché grâce à la mobilisation crée sur Facebook . C'est un nouveau modèle, les syndicats et les opposants traditionnels ne sont arrivées qu'après. Néguib Chebbi avouera lui même avoir été surpris par l'ampleur de la mobilisation. « Ils ont fait la révolution sans le savoir ». Le problème s'est posé lorsqu'il a fallu remplacer le gouvernement de Ben Ali, à cause de son absence de programmela jeunesse a laissé un vide à la tête de l’état.

Il a donc fallu mettre en place un gouvernement provisoire. L’alternative était entre les opposants traditionnels et les religieux. Selon Néguib Chebbi, le financement par le Qatar de ces derniers, leur a permis de remporter les élections. Mais après un an et demi, le bilan est désastreux : La situation économique est catastrophique, le tourisme n'est pas revenu. Les jeunes sont toujours déçus , continuent de s'exiler et même de s'immoler.

Les jeunes se sentent floués mais la révolution n'est pas finie, on peut regarder la révolution de 1789 pour s'en convaincre, il aura fallu 80 ans entre la prise de la Bastille et le début d'une vrai démocratie. C'est pourquoi tout en prêchant pour sa paroisse (son parti), Néguib Chebbi nous a présenté ses solutions : L'assemblé constituante, en place depuis novembre 2011, doit maintenant présenter un projet de constitution et montre enfin un consensus. Il faut ensuite annoncer de nouvelles élections. Néguib Chebbi promet un embrasement du pays si elles n'ont pas lieux. Il faut urgemment régler les problèmes de sécurité , les problèmes sociaux et les problèmes économiques. C'est pourquoi lundi 15 avril doit se réunir une grande table ronde des 12 principaux partis tunisiens à l'appel du Parti républicain. De la réussite de cette table ronde dépendra certainement la transition démocratique du pays.

Pour la création d'une « mare nostrum démocratique »

Inévitablement la discussion a dévié sur la question de la place de l'UE. Guy Verhofstadt a appelé de ses vœux la création d'une « mare nostrum démocratique ». Tout le monde est d'accord sur la nécessite de développer les relations entre les deux côtes de la méditerranée. De maniére surprenante Isabelle Durant et Guy Verhofstadt ont été les plus citriques sur le rôle de l'UE. Ce dernier a notamment déclarant « l'Union européenne n'en a pas fait assez et impose des conditions inacceptables ». On peut effectivement critiquer la politique More for more de l'Europe

La politique de développement du l'UE, si elle parait normal au tunisien, inquiète le libyen. En effet il dénonce les contradictions de l'UE : « Bien que les soutiens politiques augmentent, les budgets d'aide diminuent ». L'aide européenne est nécessaire pour espérer créer suffisamment de travail pour remettre le pays sur la voie, mais ce n'est pas suffisant. Sans dialogue nationale, la Libye ne s'en sortira pas. Comme le dit Gebril : « La démocratie n'est pas une fin en soit ,c’est un moyen d'entendre les requêtes des gens. » Avec juste de l'aide en numéraire, Mahmud Gebril a peur de voir son pays et le Maghreb ne devenir qu'un prestataire de l’Europe. Ce qui à long terme n'est profitable pour personne. Non selon lui ce qu'il faut ce sont des transferts de technologie, la création de pôles d'enseignement de recherche ou de santé. Il prône ainsi la création d'un « produit hybride » ou les deux parties seraient gagnant/gagnant.

Pour le tunisien la situation n'est pas la même l'aide au développement, notamment dans le milieu textile, a été très bénéfique à la Tunisie de Ben Ali. Il faut utiliser ce cadre, cela ne sert à rien de remettre en cause les accords économiques existants. Il y a d'autres priorités selon lui. S'il mentionne comme son homologue libyen, les transferts de technologie, pour lui  le problème tunisien est avant tout interne, il faut en priorité régler les déséquilibres internes.

Il y a donc quelques rayons soleil dans les deux pays , mais beaucoup reste à faire notamment ce qui concerne l’intégration de la jeunesse. Ces motifs d'espoir sont à nuancés avec deux contre-exemples dans le voisinage : Égypte où la démocratie ne semble plus au programme et la Syrie où comme l'a rappelée une jeune syrienne « c'est vraiment l'hiver arabe. »