Le nouveau visage de l’OTAN : de l’U.R.S.S. à l’Irak
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raphaël roubyBien qu’il ne s’agisse pas du thème principal du sommet de Prague, il y a fort à parier que le spectre de la guerre contre l’Irak laissera sa marque sur les discussions entre les membres de l’Alliance Atlantique. Alors que le rôle que pourrait jouer l’OTAN dans cette guerre est loin d’être clair, les intentions de Bush sont plus évidentes.
L’élargissement et la restructuration des institutions internationales semblent être très tendance cette année. Le mois dernier, c’était l’U.E. qui faisait de gros progrès sur la voie de l’intégration de plusieurs pays d’Europe Centrale et de l’Est en son sein. L’OTAN a désormais engagé un processus similaire. A croire que tous réalisent soudainement que le monde a changé et que les institutions internationales doivent elles aussi se mettre à jour. L’OTAN, créée il y a plus de cinquante ans afin de faire face à la menace soviétique, risquerait de devenir complètement anachronique si elle n’ouvre pas ses portes aux nations d’Europe de l’Est.
Parallèlement à son élargissement, une restructuration de l’organisation était inévitable. Le conflit au Kosovo l’a démontré, les Européens peinent encore à suivre les Etats-Unis en termes de moyens militaires. Ainsi, si l’Europe s’inquiète vraiment de l’unilatéralisme américain, elle doit se ressaisir et aligner suffisamment de troupes et davantage d’équipement ultramoderne. Sans cela, les Etats-Unis continueront à court-circuiter l’OTAN. Plus que de chars, l’organisation a besoin de moderniser et d’accroître la puissance de ses matériels. Le déploiement d’une force d’intervention rapide rendrait l’Alliance plus efficace en tant qu’organisation militaire, mieux à même de faire face aux conflits actuels, qui ne sont plus nécessairement limités au continent européen.
Judicieux contrepoids
Pourtant, il semblerait que la réorganisation de l’OTAN obéisse à d’autres motifs que la seule nécessité de se transformer pour faire face aux besoins de l’après guerre froide. Bush sera en effet tenté d’utiliser le sommet de Prague afin d’entraîner les Européens dans une action militaire contre l’Irak. En fait, avant le vote des Nations-Unies le 8 novembre, une partie du discours du président américain était consacrée au besoin de se montrer ferme avec Saddam Hussein. Bien que cette partie ait ensuite été retirée du manuscrit, les intentions de Bush dans le cadre de la réorganisation de l’OTAN n’en demeurent pas moins claires. En premier lieu, l’élargissement de l’Alliance aux pays d’Europe de l’Est permettra d’intégrer des pays beaucoup plus favorables aux Américains que ne le sont ses actuels partenaires d’Europe de l’Ouest. Ils permettront d’établir un judicieux contrepoids vis-à-vis de pays moins convaincus, tels que la France ou l’Allemagne. Tandis qu’en Europe de l’Ouest, le président américain ne peut se départir de son image de cow-boy irresponsable et incontrôlable, les Européens de l’Est le respectent, car il représente une idéologie de paix et de liberté à laquelle ces pays sont très sensibles. L’élargissement permettrait donc de faire pencher la balance en faveur d’une éventuelle guerre contre l’Irak.
En second lieu et plus prosaïquement, l’administration Bush convoite ces pays de l’Est de l’Europe parce qu’ils occupent une position stratégique, non loin du Moyen-Orient. La Roumanie et la Bulgarie pourraient constituer une escale bienvenue pour les troupes américaines. Ainsi, si les nouveaux venus n’accroîtront pas véritablement les capacités militaires de l’Alliance, il faut chercher leurs apports majeurs ailleurs : loyauté aux Etats-Unis et position stratégique près de l’Irak.
Solution d’urgence en cas d’inaction des Nations Unies
Dans tous les cas, il y a fort à parier que l’OTAN ne jouera pas un grand rôle lors d’une éventuelle guerre contre l’Irak. Savoir si elle le devrait, c’est là un autre problème. Beaucoup d’experts déplorent le manque de participation de l’organisation dans la lutte contre le terrorisme et considèrent que l’OTAN est la structure la mieux à même d’encadrer une guerre contre l’Irak menée sous la houlette des Etats-Unis. C’est pourquoi elle devrait être considérée sérieusement dès maintenant, sans quoi elle perdra à jamais sa crédibilité. Cependant, il semble que son rôle dans une éventuelle intervention contre l’Irak se limitera à « recoller les morceaux » après les combats. Elle pourrait ainsi prendre en charge la mise en place d’une force de maintien de la paix visant à assurer la sécurité et la stabilité du pays, ainsi que la démocratisation de son armée. Bien que le maintien de la paix soit une partie essentielle de la guerre (même si elle est très souvent négligée par les Etats-Unis), l’OTAN ne semble pas vraiment préparée à ce genre d’opération. Si le sommet de Prague visait principalement à faire de l’OTAN une force militaire préventive efficace, capable de déployer des troupes de combat partout dans le monde en un temps minimum, limiter ses missions au maintien de la paix pourrait s’avérer frustrant. C’est pourquoi le lobbying de Bush pour sa croisade contre le terrorisme lors du sommet de l’OTAN n’aura pas pour but de convaincre les membres de l’Alliance à prendre les armes contre Saddam. Mais, comme Colin Powell l’a déclaré au ministre des affaires étrangères canadien, les Etats-Unis sont simplement et prudemment en train de tâter le terrain afin de savoir que faire si, l’emploi de la force s’étant avéré nécessaire, les Nations Unies refusaient d’agir.
En faisant de l’OTAN une organisation luttant contre le terrorisme et non plus contre la menace d’invasion soviétique, le sommet de Prague l’a sauvée d’une obsolescence certaine. Dans sa guerre contre le terrorisme, Bush lui a donné un nouveau rôle : elle constituera une solution d’urgence si les Nations Unies ne répondent pas aux ambitions du président américain. L’OTAN présente désormais le double avantage de comprendre parmi ses membres de nombreux pays pro-américains et stratégiquement situés ; Bush peut ainsi compter sur des alternatives sérieuses aux Nations Unies. Entre-temps, l’Alliance assumera l’importante responsabilité du maintien de la paix.
Translated from The new Nato: from the Soviet Union to Iraq