Le monde mystérieux d'Anna Aaron
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Discrète, Anna Aaron ? Certainement. Timide ? Peut-être. Mystérieuse, c'est certain. Dans l'agitation du 104, elle paraît encore plus réservée, entre danseurs de hip-hop, membres du staff et simples curieux qui animent l'immense lieu du 19e arrondissement de Paris.
Je la rencontre dans les loges, où passent musiciens, techniciens, organisateurs du concert de ce soir, pour le festival Les femmes s'en mêlent. On revoit la set list, on gratte quelques accords, un petit café et hop, on s'éclipse discrètement pour aller faire un tour dans Paris. Anna et Emilie-Zoé qui doivent enregistrer une version acoustique de « Stellarling », LE succès d'Anna sur son deuxième album, Neuro. Guitare, piano et voix, un cocktail qui correspond bien à la jeune suisse. Tout en plaquant les accords, elle livre une version intimiste du morceau en chantant en duo avec la guitariste. Consciencieuse, elle reprend plusieurs fois pour que tout soit parfait, malgré une petite (mais non moins gênante) blessure à l’index !
Anna Aaron - « Stellarling »
Quand on observe bien Anna, on retrouve l’ambiance sombre et onirique de son album jusque sur sa peau ! On aperçoit sur son bras un tatouage « d'une version ancienne d'Alice aux pays des merveilles », explique-t-elle. Mais bien plus qu'une ambiance, c'est tout un univers qu'elle a créé pour écrire Neuro.
Ambiance « cyberpunk »
Elle raconte qu’elle s’est inspirée de la science fiction « cyberpunk ». Mais qu'est-ce que c'est au juste, le cyberpunk ? Le style aurait été inventé par William Gibson, avec le roman Neuromancien. Neuro, Neuromancien ? Certainement pas une coïncidence. Anna Aaron explique : « des technologies ultramodernes, des robots, le tout dans un espace très urbanisé, c’est ça l’univers cyberpunk ». La musicienne serait donc une fan de science fiction ? « Non non,explique-t-elle, c’était uniquement pour l’album que je me suis plongée là dedans. Pour Dogs in Spirit, je m’étais plutôt concentrée sur la nature, sur la peau, le corps. Là j'ai décidé de m'inspirer d'une ambiance plus urbaine. » « Et puis c'est vrai que mon environnement, c'est Bâle. C'est ma ville. Enfant je n'ai pas connu l'univers citadin. Et c'est peut-être de là qu'est venue cette envie d'écrire autour de l'univers urbain. » D'où sa référence au film de Gaspar Noé, Enter The Void, qui se passe à Tokyo. Elle raconte l'avoir regardé avant d'écrire son morceau Linda : « j'étais dans une chambre d'hôtel, il était trois heures du matin. J'ai regardé ce film. C'était une telle claque, j'étais retournée, comme tout le monde ! Alors, j'ai décidé d'écrire Linda, en référence à la sœur du héros dans le film. »
Des sensations et des couleurs
Pour composer, la jeune femme se « plonge » donc dans une ambiance, pour être véritablement imprégnée. On sent très vite le perfectionnisme de l'artiste, qui cherche à aller au bout de ce qu'elle ressent. Parce-que la musique, elle « la sent ». « Ce sont des sensations, parfois des couleurs, ou simplement des tons », explique-t-elle. Elle ajoute : « le visuel est très important pour moi, et j'y pense quand j'écris ». Une artiste totale, donc ? Musicienne, chanteuse, et quoi d'autre ? « En réalité, je ne joue que du piano. J'ai des idées concernant les clips, mais je laisse ce travail à d'autres. En plus, j'aime l'idée de partager des projets, que ce soit une construction où chacun travaille. Que chaque artiste, avec sa contribution ajoute une pierre à l'édifice. Moi je compose, d'autres sont plus doués pour l'univers graphique », avoue-t-elle. Après avoir écouté sa musique, on pardonnera facilement à Anna Aaron d'être « seulement » chanteuse et pianiste !
Anna Aaron - « Linda »
« La musique ? C'est venu comme ça... »
Chanteuse, elle l'a été aussi pour le Erik Truffaz quartet, groupe que l'on ne présente plus dans le milieu du jazz. Et pourtant, elle confie que pour elle, la musique n'a jamais été une évidence. Enfant, elle a vécu aux Philippines. Chez elle, « il n'y avait jamais de musique. Pas de radio, rien », confie-t-elle. Elle n'a pas grandi en baignant dans les mélodies et les instruments, comme beaucoup d'artistes. Comment la musique lui est-elle venue ? « Comme ça, un jour », dit-elle laconique, avec un sourire mystérieux. Secrète, la chanteuse n'en dira pas plus.