Le Kosovo ou les fantômes du 20ème siècle
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Ils n’y arriveront jamais. Non, là, franchement, j’abandonne, j’y crois plus. A chaque fois, c’est la même chose. On pense que ce coup-ci ça va marcher, qu’il n’y a pas de raison. Et puis voilà, ça foire quand même ! Eh oui, une fois de plus, les gouvernements européens ont démontré leur fantastique capacité à la désunion.
Malgré toutes les tentatives, ils n’ont pas réussi à s’accorder sur la reconnaissance du Kosovo. Alors que quinze Etats de l’Union, dont les quatre grands, ont décidé de reconnaître l’Etat nouvellement proclamé, l’Espagne et quelques autres refusent, l’une à cause du séparatisme régional, les autres parce qu’ils n’ont pas envie de se fâcher avec la Serbie…
Finalement, l’histoire nous rattrape toujours. C’est à partir des Balkans que la première guerre mondiale s’est déclenchée et aujourd’hui encore cette région est le miroir de nos divisions. Pourquoi ? Mais parce que les Balkans sont depuis longtemps le terrain d’affrontements des différentes conceptions de l’Etat et de la Nation. Quel principe doit prévaloir ? Quel est le groupement fondamental, la communauté légitime qui a vocation à englober les individus ? La Nation, la Cité, le Peuple, l’Ethnie ? Nous restons divisés parce que nous incapables de tous nous prononcer publiquement et au même moment pour une seule conception.
Alors ce sont les populations qui trinquent. Parce que pendant qu’à Bruxelles on tergiverse, les kosovars ont un joli nouvel Etat absolument pas viable. On ne sait pas ce qui va se passer pour les serbes du Kosovo, ni si les bosniaques ne vont pas tout d’un coup se dire qu’ils veulent leur petit Etat à eux. Ca frise le ridicule… En gros, les Balkans ne sont pas franchement en voie de normalisation.
Tout ça finalement, c’est l’échec de l’idée européenne. Face à cet imbroglio d’appartenances croisées, les européens n’ont pas réussi à faire la promotion d’un modèle centré sur autre chose que l’idée ringarde de l’Etat-nation. Comme si pour que tout le monde soit content il fallait que chacun ait son petit Etat à soi… Et les individus dans tout ça ? J’entends beaucoup parler d’identité, de légitimité, de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et toutes ces idioties d’un autre siècle. Mais qui se soucie de l’économie du Kosovo, de la situation sociale des populations ? Les soi-disant grands enjeux de la politique internationale cachent trop souvent les vraies questions.
Lorsque les européens se réunissent pour prendre des décisions de politique étrangère, ils ne devraient avoir qu’un seul paramètre en tête : le bien-être des personnes. Etait-ce impossible de maintenir une autorité au Kosovo et de travailler au rétablissement des circuits économiques avant tout chose ?
J’ai même mieux. Etait-il impossible d’envisager de mettre en route un processus de négociation avec l’Union européenne pour la région entière, sans tenir compte du statut des différentes entités ? Ca, ça aurait été un vrai signe, le signe que l’Europe laisse vraiment derrière elle le concept d’Etat nation et que l’incertitude sur la souveraineté n’empêche pas de travailler au bien-être des individus.
Le problème des nationalités dans les Balkans ne sera probablement jamais résolu. Le seul moyen de stabiliser la région est donc de rendre la question secondaire. Finalement, de poudrière de l’Europe, les Balkans pourraient en devenir le terrain d’expérimentation, et permettre de découvrir d’autres formes de légitimité.
Mais peut-être est-ce la dernière chose que les grands pays de l’Union souhaitent… Ils sont si bien dans leur bons vieux Etats-nations…