Le journalisme, ce « métier pourri »
Published on
Translation by:
claire debratJe t'aime, moi non plus: une juste vision des difficiles relations entre journalisme et politique. Aperçu haut en couleurs des insultes « historiques » adressées par les politiques à travers l'Europe aux journalistes sans défense.
Depuis que le monde est monde, le lien indivisible qui unit journalistes et politiques vacille souvent dangereusement. De fait, il n'est pas rare que, par excès de zèle, certains membres de la presse dépassent les limites lorsqu'ils interrogent les politiques, déclenchant l'ire de ces derniers contre leurs meilleurs ennemis.
Jean-Luc Mélenchon, leader du Parti de Gauche, a récemment fourni un exemple significatif de ces relations, en qualifiant le journalisme de « métier pourri ». En traitant au passage de « petite cervelle » un pauvre journaliste en herbe qui lui posait des questions trop délicates, ce dernier n'ayant d'autre réponse que « et ben, merci! ». « Les journalistes, ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule. […] Ce sont des bandits. Et encore, les bandits eux, ont une morale ». À en croire l’hebdomadaire français Le Canard Enchaîné, qui compte des sources dans les arcanes du pouvoir français, l'auteur de ces belles phrases n'est autre que Nicolas Sarkozy – pourtant connu pour ses nombreuses amitiés parmi les médias – le 18 mars dernier, devant les membres de son gouvernement.
Le problème est tout aussi réel en Allemagne et ne date pas d'hier. Déjà, dans les années 80, le Chancelier de l'époque Franz Josef Strauß considérait-il les journalistes comme «Ratten und Schmeißfliegen » (« des rats et des mouches à merde»). Joschka Fischer, ex-responsable de la diplomatie allemande, s'est montré tout aussi salace en se référant aux journalistes comme à « 5-Mark-Nutten» (« des putes à deux balles »).
Enfin, l'Italie n'est pas en reste et ses politiques désinhibés offrent même un feu d'artifice de noms d'oiseaux à l'attention des journalistes. Ainsi, Giulio Tremonti, Ministre des Finances, qui a traité de « testa di cazzo » (littéralement « face de bite », soit « tête de con ») un journaliste coupable d'avoir posé une question incommodante. Lorsqu'un journaliste indépendant un peu insistant a osé plaisanter sur sa calvitie, Silvio Berlusconi s'est exclamé « villano, si vergogni! » (« Espèce de plouc, vous devriez avoir honte! »), tandis que le Ministre de la Défense Ignazio La Russa bousculait l'effronté. Enfin, comment omettre la perle de Maurizio Gasparri, du Popolo della Libertà (PdL, droite italienne), lequel a qualifié, avec une subtile ironie et un sourire radieux, le journaliste du talk show italien Ballarò de « sfigato » (« pauvre type »). Avant de changer d'idée et de s'excuser auprès de l'intéressé. L'affaire s'est terminée par une embrassade des deux protagonistes. Manière de dire: je t'aime, moi non plus.
Illustration: ©Henning Studte
Translated from Il giornalismo? «Un mestiere marcio!»