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Le jeu vidéo se transforme-t-il en film interactif ?

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Le Puy de Babel

En ces périodes de fin d'année, où une fois encore consoles et jeux vidéos seront présents en masse sous le sapin, voici un petit article de circonstance sur l'évolution constante des jeux vidéos. Les nouveaux gameplays Depuis plusieurs années maintenant, un nouveau gameplay émerge dans les jeux vidéo, le Quick Time Event.

Le principe, très simple, étant d'appuyer en rythme sur des touches de sa manette en rapport avec celles affichées à l'écran pour effectuer une action, spectaculaire le plus souvent. Si le principe est apparu très tôt avec le très célèbre Dragon's Lair en 1993, il aura fallu attendre 1999 et le fameux Shenmue pour que le terme soit adopté. Depuis, l'usage de celles-ci s'est démocratisé dans la plupart des grosses productions actuelles (entre autres et en vrac God of War, Fahrenheit, Devil May Cry, Uncharted... ) apportant certes un dynamisme incontestable à l'action à l'écran mais limitant l'interaction du joueur avec le médium à appuyer sur des touches en rythme. Si ces Quick Time Event sont vite limitées avec une manette, elles prennent une toute autre dimension avec certains accessoires tels une guitare, ou la Wiimote et participent à renforcer considérablement l'immersion, pour peu qu’elles soient bien construites.

Autre nouvelle notion de gameplay : le body awarness c'est à dire le fait de pouvoir ressentir le corps du personnage incarné par le joueur à l'écran avec par exemple la possibilité de voir ses pieds, d'entendre sa respiration, de voir ses bras... Le parfait exemple étant bien entendu Mirror's Edge et son antithèse Half-Life 2. L'immersion du joueur prend de plus en plus d'importance lors du développement d'un jeu vidéo avec l'affranchissement d'interfaces disgracieuses et l'utilisation de moyens innovants pour faire passer les informations essentielles au joueur, par exemple l'apparition de gouttelettes de sang à l'écran pour indiquer que le joueur est blessé, l'utilisation d'interfaces d'inventaire intégrées à l'univers du jeu et à l'action (Dead Space) voir la disparition totale du HUD. Le renforcement de l'immersion est donc une des préoccupations majeures des développeurs aujourd'hui, mais aussi des constructeurs.

À la recherche de nouvelles interfaces...

Parallèlement de nouvelles manières de jouer sont apparues, avec notamment la Wiimote et sa volonté d'obliger le joueur à faire de véritables gestes dans son salon, ceux-ci étant retranscrits à l'écran tels quels. Malheureusement à la géniale théorie a succédé la moins excitante pratique, et la manette de Nintendo s'est vite révélée limitée dans sa reconnaissance des mouvements et surtout cantonnée à servir de manette de luxe aux (trop) nombreux party games sortis sur Wii. La situation s'est maintenant heureusement améliorée avec le WiimotionPlus. Toujours est-il que ce nouveau mode de contrôle a fait des envieux puisque à l'E3 de cette année Sony et Microsoft ont respectivement annoncé leur motion controller et Projet Natal. Autre tendance, l'immense succès des nouveaux jeux musicaux utilisant des instruments de musique en plastique (ou des platines DJ comme le dernier venu DJ Hero) montre bien l'attente des joueurs pour de nouvelles interfaces homme/console.

La mode est à l'utilisation du corps entier comme interface avec la console et non plus seulement les doigts. Mais paradoxalement cette recherche de nouvelles interactions entre le joueur et le jeu pose des problèmes et de nombreux joueurs y sont réfractaires, avec des arguments qui ne peuvent être ignorés : une précision et une réactivité moindre, une absence de ressenti (notamment avec le projet de Microsoft qui s'affranchit totalement de manette), l'obligation de bouger et de gesticuler devant son écran plutôt que de rester vautré dans son canapé, ainsi que certaines craintes vis-à-vis de l'utilisation et de l'intégration de ces nouvelles interfaces dans les jeux.

La tendance est donc, à la fois au niveau des développeurs mais aussi des constructeurs, à la recherche de nouvelles expériences vidéo-ludiques, de nouveaux moyens d'intégrer le joueur au jeu.

Vers une simplification excessive des jeux vidéo ?

À cela s'oppose une tendance de fond dans le jeu vidéo : la simplification. Plus le genre s'ouvre au grand public, moins les jeux sont difficiles à appréhender. De nombreuses aides ont été mises en place pour aider le joueur à jouer : tutorial, aides à la visée, diminution de la difficulté automatique. Nous en arrivons aujourd'hui à la suppression de la notion de mort pénalisante (Prince of Persia, Borderlands). Le temps du f5/f9 frénétique est fini depuis un petit bout de temps maintenant, les sauvegardes étant automatiques et fonctionnant par checkpoints réguliers. Le joueur n'a plus à s'investir longuement dans un jeu pour le maîtriser, l'heure est à l'immédiateté du plaisir, au prix de la profondeur, de la durée de vie ou même de l'intérêt du jeu dans le long terme. Si la courbe d'apprentissage est maintenant bien plus rapide, le plaisir ressenti n'en est que moindre. Sans sombrer dans le très réac « C'était mieux avaaaant. » il faut pointer du doigt cette facilité excessive des jeux vidéos aujourd'hui, et si certaines avancées sont bienvenues le fait de finir un jeu sans buter une seule fois sur un obstacle n'en est que plus frustrant. Jamais rusher dans un jeu n'a été aussi facile. Résultat : le joueur ne s'investit que très peu dans le média, il ne fait que suivre ses objectifs d'un œil distrait, admirant les graphismes, les explosions, la mise en scène scriptée au possible (vous avez deviné, je parle du dernier Call of Duty) mais très efficace. La beauté du jeu est aujourd'hui devenue prédominante, puisque bien plus vendeuse que d'autres paramètres (IA, scénario, gameplay) et c'est bien dommage. Malgré les nouvelles avancées de gameplay, le joueur est plus que jamais spectateur, passif.

Le salut passe-t-il par l'indépendance ?

Grâce aux nouveaux modes de distribution sur internet, la scène indépendante a explosé. Sans impératifs financiers et avec une créativité sans bornes, elle a su pondre de superbes perles comme Braid ou World of Goo. Avec à la clé une véritable maturité du genre, une capacité à faire passer des émotions au joueur, à le faire réfléchir, capacité qu'ont très peu de jeux plus grand public. Ces jeux qui rivalisent avec les plus grosses productions font souffler un vent de fraîcheur sur le genre vidéo-ludique. Grâce à de nouvelles formes de narration ils arrivent à impliquer le joueur et ce même après qu'il ait arrêté de jouer. C'est par cette nouvelle avant-garde qu'il faut selon moi passer pour réussir à renouveler le jeu vidéo.

Pour conclure, Si jamais le joueur n'a autant été spectateur, jamais les solutions pour plus l'impliquer n'ont été nombreuses. Si la simplification des jeux est un réel problème selon moi, elle n'est pas rédhibitoire. Les innovations n'ont jamais été aussi nombreuses, dans tous les domaines : réalité augmentée type Eye Pet, nouvelles formes narratives type Heavy Rain, nouveaux gameplays (Milo ?)... Je suis peut-être résolument optimiste, mais pour moi le jeu vidéo a grandi ces dernières années et continue encore.

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