Le Gorafi : « La satire est un miroir que l’on tend »
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Depuis la présidentielle de 2012, Le Gorafi déroule ses articles parodiques pour le plus grand bonheur de 3 millions de lecteurs réguliers. Repris par les médias tradis et cité par certains politiques, on parle désormais de « gorafisation » de la France pour illustrer son influence sur la politique. Sérieusement ? Interview vérité.
cafébabel : On assiste ces dernières années à une multiplication des sites d’information parodiques. Comment expliquez-vous ce succès ?
Sébastien Liébus (co-fondateur) : On vit une époque assez absurde. Les gens ont besoin de trouver une source d’information alternative, une autre fenêtre sur le monde qui les entoure. Ça fonctionne, nous avons près de trois millions de visiteurs par mois aujourd’hui.
cafébabel : Quels sujets plaisent le plus ?
Sébastien Liébus : Il est difficile de savoir à l’avance si un article va fonctionner, les gens sont assez versatiles là-dessus. En ce moment, on traite beaucoup de l’actualité politique, étant donné que l’on se rapproche des élections présidentielles. Nous avons exactement la même approche que celle de n’importe quel autre média finalement.
cafébabel : Est-il difficile de faire concurrence à la réalité, quand la classe politique se prête d’elle-même à la caricature ?
Sébastien Liébus : C’est un vrai challenge, cela nous oblige à nous renouveler constamment. Trump, par exemple, est très difficile à caricaturer parce qu’il est toujours dans l’outrance. La difficulté, c’est de rechercher la subtilité sans tomber dans la lourdeur. L’effet recherché de la satire peut être triste ou comique.
cafébabel : Comment est né Le Gorafi ?
Sébastien Liébus : Techniquement, on s’est lancé en février 2012, lors de la campagne présidentielle. Historiquement, Le Gorafi a été créé en 1826 par notre directeur de publication Jean-François Buissière. Il compte aujourd’hui près de 650 rédacteurs à travers le monde (rires).
cafébabel : Quel est votre plus beau papier ?
Sébastien Liébus : Il y en a plusieurs. Cela peut être le candidat oublié dans une des cellules de Fort Boyard, ou encore l’homme qui finit en garde à vue à force de sourire dans le métro. Mais nous n’avons pas de préférence particulière. Nos histoires, on les aime toutes, mêmes si elles ne rencontrent pas toujours leur public.
cafébabel : Qu’en est-il de vos confrères satiriques européens ?
Sébastien Liébus : On a eu l’occasion de rencontrer et de discuter à plusieurs reprises avec The Onion (The Onion est un site parodique américain, ndlr). C’est une fierté pour nous. Vous avez également The Daily Mash, en Angleterre, qu’on connaît seulement de loin. En dehors de l’Europe, il y a El Manchar, en Algérie, qui marche très bien également. Par contre, je ne me prononcerai pas sur le site belge (Nordpresse, ndlr). Je trouve leur travail fourni dangereux.
cafébabel : Quelle est votre opinion sur le traitement réservé en général à l’information ?
Sébastien Liébus : Nous sommes dans une ère des « faking news », où l’on ne sait plus très bien qui dit la vérité. Les outils « fact-check » ont été très popularisés ces derniers mois, même si tout le monde ne les utilise pas. Cela dit, la Russie a mis en place son propre réseau de fact-checking pour en faire de la propagande. Russia Today a utilisé la vérification des faits dans le but de démonter des articles sur le piratage des hackeurs russes. Ce n’est pas innocent.
cafébabel : Comptez-vous avoir un impact sur la politique ?
Sébastien Liébus : Non, car cela nous ferait prendre des responsabilités et on déteste ça. On ne se pose pas en donneurs de leçons. La satire est un miroir que l’on tend sur un évènement. Vous pouvez très bien ne pas apprécier son reflet. Récemment, nous avons fait un « running-gag » sur Emmanuel Macron à la recherche de son programme et on nous demande souvent si on n’a pas peur de le rendre sympathique. La réponse est non, il n’y a pas une volonté chez nous de le rendre plus humain ou quoi que ce soit. À la grande différence des Guignols de l’info qui ont réalisé un vrai travail de personnification de leurs personnages et qui ont rendu Chirac presque sympa en 1995.
cafébabel : Assiste-t-on à un certain sensationnalisme dans la presse aujourd’hui ?
Sébastien Liébus : Aujourd’hui, j’ai l’impression que la presse évolue en s’inspirant du modèle de The Onion dans le traitement de faits divers ou d’évènements anodins. On se nourrit beaucoup des médias traditionnels, tels BFM ou de 20 minutes qui relayent des informations insolites pour faire rire les gens tout en faisant du clic. On reprend leurs codes, mais ce sont eux qui nous copient finalement.