Le « culot énorme » de Martine
Published on
Lors du dernier meeting de campagne du PS, l’unité de façade a fait la une des journaux. Ségo et Martine, ensemble à se lancer des fleurs devant des militants émus aux larmes devant cette fraternité (mot à se répéter plusieurs fois) retrouvée. Du côté de la politique et de l’Europe, le PS fait table rase de son passé. Enfin il essaie.
La droite étant au pouvoir, et la crise aidant beaucoup, la ligne directrice du PS pour ces élections est très simple : tout ça, c’est à cause de la droite européenne et de ses DEréglementations. Dernièrement, Martine Aubry a même été jusqu’à dire que Nicolas Sarkozy était en train de casser les règles qui ont fait l’Europe. Pas bien… Le discours dans le clip de campagne est similaire.
Si la fille du plus grand commissaire européen de tous les temps (selon la mythologie) tente de montrer l’innocence des socialistes concernant ce qui a pu être fait ces 20 dernières années en Europe, elle manque cruellement de crédibilité quand on regarde dans les détails.
Mémoire courte ?
Premièrement, sur ce fameux leitmotiv racontant que les libéraux (Bayrou) c’est comme la droite (Sarkozy et ses amis) car à Strasbourg, ils votent tout pareil, c’est un peu mensonger et tendance « tout mettre sur le dos de ses camarades ». Ce n’est pas gentil. En fouillant, un peu Noway ! a trouvé des infos intéressantes.
Tout d'abord, selon le journaliste Jean Quatremer, le PSE et le PPE votent ensemble dans près de 70% des cas...Quand même...même si on peut contredire en disant que c'est le fond qui compte. D'accord, accepté.
Mais si on creuse encore, le journaliste-bloggeur Laurent de Boissieu rapporte sur son blog que « les directives européennes de libéralisation des services publics (services d'intérêt économique général : SIEG) et leurs lois de transposition ont été acceptées et votées indifféremment sous les gouvernements PS et RPR-UDF/UMP ». Ah tout de suite tout paraît moins clair (pour plus de détails, directive par directive, allez voir son article très bien documenté). Les socialistes auraient-ils mangé de ce pain ?
Unis mais pas trop
Ben oui. Comme tout le monde. Car, la mise en place du marché unique européen, qui a amené en partie une certaine déréglementation de toute une série de règles nationales (parfois largement idiotes il faut l’avouer, comme par exemple, la forme des plaquettes de margarine…), tout cela provient de la signature en 1986 de l’Acte Unique Européen. Qui était au pouvoir en ce moment en France ? François Mitterrand…et qui était président de la Commission ? Jacques Delors…Oups.
Pour continuer, Martine dans sa vidéo nous fait l’éloge de l’unité entre les Partis socialistes d’Europe. Alors là, on peut rigoler. Il est vrai qu’ils ont réussi à sortir un document commun pour les élections, mais ce n’est que façade. Au Parlement, c’est chacun pour soi surtout quand on n’est pas d’accord. Par exemple, les socialistes français n’aiment pas la directive retour (sur l’immigration clandestine) et ils ont voté contre à Strasbourg. Bien. Sauf que les socialistes espagnols ont voté POUR. Que faut-il en conclure ? Que les socialistes espagnols ne sont pas humanistes ? Ou que les Français ont lu le texte de travers ?
Si on veut un exemple plus proche, les socialistes français verraient bien un autre président à la tête de la Commission que notre portugais bien aimé. Sauf que là encore, les autres partis d’Europe ne voient pas le problème. Dernièrement, la CDU a même rejoint les Espagnols (encore eux), les Portugais et les Anglais sur le sujet. Justement tiens, en parlant des Anglais, je ne suis pas sûr que les socialistes anglais, alias le New Labour soient des grands fans de la régulation? Même encore aujourd'hui Brown hésite, se remémorant la grande épopée Blair, quand le socialiste pragmatique ultra light faisait les beaux jours du Royaume.
Quelques détails sur la vidéo
Pour en revenir sur la vidéo et les propositions des socialistes, il y a aussi des choses à redire. Il est dit qu’ils sont en faveur de la création d’un smic européen. Bien belle idée, surtout qu’ils sont réalistes : il devra être évalué en fonction du niveau de vie du pays. Sauf qu’ils poursuivent en disant que cela évitera les délocalisations ??!! Je ne comprends pas vraiment la logique, car pour un patron, un smic polonais ou roumain sera toujours plus intéressant qu’un smic français, donc la délocalisation sera toujours rentable. On n’essaierait pas de bourrer le mou aux Français là ?
Ensuite, il est évoqué un plan européen de 100 milliards d’euros pour sortir de la crise et réorienter l’économie (verte). Problème : où trouveront-ils l’argent ? Car l’argent de l’UE vient de ce que les Etats lui donne (TVA, contribution), et aucune rallonge n’a été prévue en ces temps de crise. Emprunter ? Pas possible, l’UE n’a pas le droit (inscrit dans ses textes) de s’endetter…Donc au mieux, le Parlement européen lancera un appel dans le désert, écrira un beau texte qui restera dans les cartons de nos dirigeants nationaux qui ont bien d’autres chats à fouetter en ce moment.
Mais le pire dans tout cela, c'est que malgré tous les efforts déployés, ça ne colle pas vraiment avec les électeurs..puisque selon les derniers sondages, le PS n'aurait plus que 19% des votes...contre 26 pour la méchante UMP libérale et destructrice.Ils ont beau nous dire que pour le moment, rien de grave, ça fera quand même beaucoup moins de députés qu'en 2004 (31). Bien sûr que l'éparpillement des voix pour être une des raisons, ainsi que le désintérêt des citoyens. Mais tout cela à bon dos. Alors, osons reprononcer le mot: à quand, non pas la réfonte du PS, mais sa scission/refonte/résurrection/redéfinition ? Car crise ou pas crise, les Français se souviennent des épisodes internes passés.
Nota Bene: le terme "culot énorme" a été employé par Martine Aubry en parlant de Nicolas Sarkozy. Noway! rétablit donc l'équilibre. Pas de jaloux.