Le « Crunch » France - Angleterre : arrières contre avants
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Ce titre d’article est d’ores et déjà nominé dans la catégorie du plus gros cliché que l’on puisse formuler à propos d’un France - Angleterre. Pourtant en ce Tournoi 2008, il pourrait s’avérer plus vrai que jamais. Voici pourquoi.
Le nouveau style de jeu français
Pour prendre la mesure de ce qui se passe aujourd’hui, il faut savoir ce qu’a été la stratégie de l’équipe de France pendant quelques années. Sous l’ère Bernard Laporte, la France avait fondé son jeu sur la défense et l’occupation du terrain. L’idée maîtresse était qu’en défendant excellemment bien, de manière disciplinée, et en renvoyant par de longs coups de pied leurs adversaires dans leur camp, les Bleus encaisseraient peu de points, et réussiraient à convertir quelques ballons de récupération en contre-attaques victorieuses. Vous vous rappelez peut-être de Laporte hurlant à ses joueurs « Pas de fautes, pas de fautes ». Rendons à César ce qui lui appartient: cette doctrine a fait faire des progrès considérables aux Tricolores dans le secteur de la discipline, c’est-à-dire de la défense sans faute.
Aujourd’hui Marc Lievremont souhaite mettre en place un jeu d’attaque, par opposition au jeu de contre-attaque pratiqué ces dernières années. Une stratégie selon laquelle tous les ballons dont disposent les Bleus doivent être joués à la main, écartés vers les trois-quarts, bref un jeu de passes et de courses, un jeu dans lequel on recherche l’intervalle, l’espace, le trou. Que chaque ballon, quelque soit l’endroit du terrain où on le recupere, soit une situation dangereuse pour les adversaires. Ce projet de jeu produit déjà de beaux résultats. J’insiste : des résultats (2 matchs, 2 victoires) et du beau jeu (7 essais inscrits par les lignes arrières). De quoi régaler le public français, qui rêve toujours de mouvement, de relances épiques de 80 mètres, d’essais-du-bout-du-monde™.
Revue d’effectif des joueurs
Qui sont les hommes qui mettent en place ce projet de jeu ? Dans les lignes arrières, ce sont des joueurs déjà confirmés, et que l’on sait talentueux : Elissalde, Skrela, Vincent Clerc qui en ce moment est l’un des meilleurs ailiers au monde, Rougerie (à mon sens l’ailier le plus classe de France), Heymans, Traille et Marty au centre. En réserve, Lievremont dispose de surcroît de Yannick Jauzion (extraordinaire trois-quart centre toulousain, non retenu, on se demande vraiment pourquoi), Florian Fritz (blessé), Malzieu qui avait bien joué face à l’Ecosse, Mignoni, et bien d’autres encore, notamment des jeunes prometteurs.
A l’avant la situation est plus complexe. Certes, la France dispose d’un vivier pléthorique en troisième lignes: Dusautoir, Nyanga, Bonnaire, Ouedraogo, Picamoles, Elvis Vermeulen, Remy Martin, Harinordoquy, Chabal, etc. Des profils différents et complémentaires, plaqueurs, coureurs, perforateurs, sauteurs en touche, bref de quoi faire face à toute éventualité. En deuxième ligne, le nouveau capitaine Nallet est exemplaire, mais il est important de constituer un véritable duo, or personne n’est véritablement installé à ses cotés. Il faudra sans doute quelques matchs voire quelques mois pour savoir qui des Jacquet et des Mela (qui ne se sont pas imposés lors des premiers matchs du Tournoi), des Papé et Millo-Chluski (qui seront là face aux Anglais) ou de Thion (« oublié » sans raison apparente) saura s’imposer.
Là où le bât blesse, c’est en première ligne. Szarzewski est le talonneur incontournable, mais à part Servat qui reste un ton en-dessous il n’a pas de remplaçant. Au poste de pilier droit, Mas est un client sérieux et personne en France ne semble pouvoir le remplacer, à tel point que le staff tricolore n’a pas hésité à le remplacer en cours de jeu contre l’Irlande par un pilier gauche inexpérimenté, avec des conséquences quasi catastrophiques. Enfin en tant que pilier gauche, Lionel Faure est bon mais pas exceptionnel, Brugnaut (ledit pilier inexpérimenté) n’a pas convaincu, Emmanuelli (non retenu) semble intéressant mais n’a encore jamais joué au niveau international. Un choix particulièrement restreint, et pas de vécu en commun : bref un pack en construction.
Les vertus anglaisesSamedi soir pour le « Crunch », les Anglais aligneront une équipe en plein paradoxe. Finaliste de la Coupe du Monde, le XV de la Rose s’est laissé surprendre des le premier match du Tournoi par les Gallois, et ont eu toutes les peines du monde à résister aux Italiens.
Mais le point fort traditionnel des Anglais, à l’inverse de la France, ce sont les avants. Rien ne fait plus rugir de plaisir les supporters anglais qu’un groupé-pénétrant qui avance de 20 mètres. Les vertus du combat, les mêlées conquérantes, les ribambelles de pick-and-gos où l’on avance mètre après mètre en conservant le ballon jusqu'à provoquer la faute adverse : voilà ce qui fait frémir le public outre-Manche et lui fait entonner le fameux « Swing low, sweet chariot ».
On peut donc s’attendre à ce que le XV de la Rose nous propose samedi un bon vieux combat d’avants à l’ancienne. On n’a jamais trouvé plus efficace pour faire déjouer l’équipe de France. D’autant que lors de leur dernier match, sans certains de leurs cadres, les avants anglais ont dominé le solide pack italien. Matt Stevens (125 kilos) a réalisé un match à la mesure de son poids. Et avec le retour de joueurs tel que Vickery et Worsley, les avants français ont du souci à se faire. D’autant que le dicton anglais le plus connu des fans de rugby français dit : « No scrum, no win ». Pas de mêlée, pas de victoire. Il va falloir être gaillard.
Bon match à tous. (France – Angleterre, Samedi, 21h00 sur France2 et dans tous les bars dignes de ce nom)