Le communisme en Slovaquie : « au moins, on avait de quoi manger »
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25 années ont passé depuis la chute des régimes communistes en Europe de l’Est. Que reste-t-il du communisme en Slovaquie un quart de siècle après ?
« Le passage de l’oppression à la liberté a ses propres lois. Les gens passent d’un enthousiasme général à des doutes liés à la création de nouvelles règles, de nouvelles lois. On retrouve également une certaine cohésion, mais aussi une sorte de nostalgie pour l’ancien régime, qui n’offrait pas de liberté, mais au moins la certitude d’avoir de quoi manger », explique l’ancienne première ministre Iveta Radičová.
Selon 29 % des Tchèques et 33 % des Slovaques, la chute du communisme ne fut pas un changement positif, révèle l’enquête de l’Institut de sondage de l’opinion publique tchèque (CVVM) paru en mars 2014.
Plusieurs médias, comme le quotidien tchèque Mlada Fronta Dnes ou le journal slovaque Novy Čas, invitent leurs lecteurs à envoyer leurs photos-souvenirs du socialisme. Certains de ces lecteurs se souviennent avec plaisir des années de leur jeunesse, passées sous le régime socialiste – les longues queues devant les épiceries, la mode particulière de ces années-là, la décoration typique des appartements ou les voitures, comme la SKODA 1000 MB.
L'espérance que les gens deviennent intelligents
Selon la sociologue Oľga Gyarfášová pour une grande partie du public, c’est le domaine social qui comporte le plus de limites - emploi, niveau de vie, mais aussi la possibilité d’influencer d’une manière ou d’une autre la prise de décision politique, voire l’égalité devant la loi.
Cependant, aujourd’hui tout le monde a l’occasion d’étudier et de travailler à l’étranger, tout le monde dispose de la liberté de parole ou de religion. « Cependant, certains droits et libertés sont perçus comme allant de soi », rappelle la sociologue.
« L’espérance qu’après les changements démocratiques la Slovaquie devienne un "paradis culturel", que les gens deviennent soudainement intelligents et que nous ayons tous accès à l’égalité des chances, cette espérance-là ne s’est pas réellement réalisée », juge l’auteur du livre Atlas de l’oubli, Peter Krištúfek.
En 1989, l’objectif était de créer une société libre et démocratique comportant de nouvelles règles. Et la Slovaquie a réussi ce pari. Le pays est devenu membre de l’UE, de l’OTAN, il a adopté l’euro en 2009, et il peut même se vanter d’un budget équilibré et d’une croissance économique satisfaisante.
Les vestiges du communisme vivent encore
Le souvenir le plus évident des temps communistes, c’est bien l’architecture d’une grande partie du pays, composée d’effroyables bâtiments en béton gris. Les bas salaires, le transport ferroviaire particulièrement lent et une politique sociale ineffective rajoutent également à cette impression.
L’élite politique slovaque est toujours proche de l’ancien régime. Le premier ministre, Robert Fico, est entré au Parti communiste peu avant la chute du régime, en 1986, alors qu’il était un ambitieux étudiant de droit.
Les médias se moquent des titres RSDr. que certains politiciens locaux utilisent devant leurs noms avec fierté. Ce titre était réservé aux communistes engagés sous le régime. Certains hommes politiques haut placés l’utilisent cependant toujours sans honte aucune, comme le conseiller de Fico, le député Vladimír Faič.
« Aujourd’hui, c’est un titre ridicule, je suis surpris que quelqu’un le mentionne encore dans son curriculum vitae. Ce ne fut cependant pas le seul problème de l’université sous le régime communiste. Tous les diplômes, comme le titre de Docteur, pouvaient eux aussi être acquis uniquement sur la base de « mérites » politiques », explique l’historien Dušan Kováč.