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Le colloc’ de merde : les sales histoires

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Translation by:

Elodie Red

Style de vie

Octobre 2012. Poussé à bout par sa coloc’, un jeune italien créé une page Facebook pour appeler à l’aide. Trois ans après, « Le colloc’ de merde » affiche près de 500 000 likes et des centaines de personnes partagent encore leurs experiences pleines de vaisselles sales. Retiré au Cambodge, Giuseppe nous explique les secrets de la mauvaise cohabitation.

Grâce à lui on a vu apparaître des champignons dans les éponges de cuisine, des pigeons noyés dans la cuvette des toilettes et même un bout d’herbe emprunté (véridique) pour remplacer le tapis de la porte d’entrée qui avait disparu. Si elle a donné lieu à de nombreux spin-offs, la page d’origine affiche toujours ses 480 000 fans avec comme titre : le colloc’ de merde. 

On aurait pu penser à une vanne, une manœuvre commerciale pour récolter les likes, et pourtant. Cette page, comme la plupart de celles publiées sur Facebook, est née de manière totalement spontanée. Tous ceux qui ont vécu loin de chez eux, même pour une courte période, le savent. Ils le savent car ils ont eu des colocataires et ont tôt ou tard eu affaire à un insupportable énergumène. Avec leurs compagnons de galère, ils ont dû se réunir pour décider du destin de cet individu notoire et surtout de comment s’en débarrasser. Bref, les collocs’ de merde existent bel et bien et vivent parmi nous. Ils n’ont ni nationalité ni langue, si ce n’est celle de la gêne.

« Soit je la tue, soit j’invente quelque chose »

Un matin, sur les coups de 9h, Giuseppe et moi discutons sur Skype. Alors qu’il me raconte qu’il est au Cambodge pour le travail, l’envie me prend de lui demander s’il a déjà rencontré le colloc de merde typique de l’Asie du sud-est. À ma grande déception, la réponse est non. Déçue par cette déconvenue, je décide de remonter le temps et d’interroger Giuseppe sur la genèse de sa célèbre page Facebook. « Vous savez ces petits comportements qui n’ont rien de méchant mais, qui additionnés, vous rendent fous ?  - me répond-t-il– et bien ma colloc’ de merde, celle qui a donné naissance à tout ça, était exactement comme ça. »

L’histoire se passe dans une résidence étudiante de la capitale italienne entre des masses de cheveux par terre, des casseroles aussi personnelles qu'intouchables et une bonne dose d’incompatibilité. « Je suis quelqu’un de maniaque  - admet Giuseppe – et donc un soir je me suis dit : soit je la tue soit j’invente quelque chose. Et c’est comme ça que j’ai lancé mon premier appel à l’aide via Facebook. » Et elle ? Pour autant que sache Giuseppe, elle ne s’en est jamais rendue compte, même si cela lui paraît improbable compte tenu du succès de la page. Un succès dû au fait que le colloc’ de merde – raccourci en « cdm » - est une espèce très répandue.

Le défi des pages Facebook, selon Giuseppe, c'est d'atteindre les 1 000 likes. Un chiffre qui semble utopique. Puis arrive le moment où la page commence à tourner et immédiatement après le buzz, le phénomène devient viral. Évidemment, les premiers à s'être inscrits ont été ses amis, dont un gros pourcentage d'ex-colocataires. « C'est ainsi que j'ai découvert que j'avais moi aussi été un colloc de merde », m'explique-t-il en riant.

Deux mois après la création de la page, Giuseppe décide de réaliser un calendrier pour lequel il publie chaque mois, une histoire. « C'était l'idée d'un ami. Mais j'ai connu quelques difficultés. Des gens m'ont écrit parce qu'ils pensaient qu'en vendant le calendrier, je me faisais de l'argent sur leurs histoires. J'ai donc rendu le calendrier disponible gratuitement en version pdf, tout en continuant de vendre les copies papier (près d'un millier, ndlr) que je produisais à mes frais. » Giuseppe choisit alors douze histoires, sur des centaines. « C'est comme si les gens n'attendaient plus que ça. Ils avaient beaucoup de photos, tout un tas d'histoires, même de longue date. » 

Un concentré d'absurdité

Le cuisinier, le génie, le petit prince, l'écolo : voici quelques-unes des catégories que l'on peut trouver sur le blog. Et toutes les histoires sont vraies. Quiconque pense quelles sont absurdes n'a jamais eu de colocataire, jure Giuseppe Angelo Fiori. Je demande alors à l'expert en la matière quelle est la pire catégorie de « cdm ». « Je ne supporte pas les personnes maniaques, je préfère les gens désordonnés ». Mais comment s'en moquer quand on est soi-même un maniaque ?  « Exactement, mais c'est ce qui arrive quand on reconnaît dans l'autre ses propres défauts. La plupart des maniaques prétendent être gentils, je ne sais pas comment l'expliquer, mais ils ont une façon vicieuse de dire les choses ». Et puis il y a évidemment les cas « extrêmes », ceux qui passent d'appartement en appartement simplement parce qu'ils sont trop hardcore pour le commun des mortels.                                                                                                 

Qu'en est-il des histoires ? « Il n'y a pas si longtemps j'ai reçu une photo complètement absurde : une baignoire remplie d'eau rouge. Un gars s'était ouvert le pied sur une table en allant répondre au livreur de pizza et comme il ne savait pas quoi faire de son pied plein de sang, il l'avait plongé dans la baignoire. Il y avait des éclaboussures de sang partout, je ne te raconte pas... ». Mais nous sommes tous d'accord sur l'histoire la plus absurde de toutes - le pigeon mort dans les toilettes : elle est imbattable.

Le colloc' de merde est inégalé, même à l'étranger, bien que Londres soit de plus en plus représenté sur le blog avec bon nombres d'histoires loufoques, suivi de près par l'Australie et la France. Du côté de l'Italie, les plus actifs se trouvent à Rome, Milan, Naples et Bologne. Des villes étudiantes, certes, mais aussi des destinations pour des jeunes en quête d'opportunités.

Un traité d'anthropologie

En novembre, Giuseppe a publié un livre. « J'en ai toujours eu l'envie, raconte-t-il. Il y avait tellement d'histoires, je te promets que j'ai tout de suite cherché un éditeur. J'y suis parvenu, après un an et demi ». Et dire que tout est parti d'une bande dessinée publiée sur le blog. Des vignettes qui n'ont pas vraiment marché, explique Giuseppe, parce que « les gens voulaient voir les vraies photos pas des dessins ». La BD aura au moins permis de séduire Mondadori (l'éditeur en question, ndlr). Ainsi, en avril 2014, Giuseppe s'est mis au travail aux côtés de l'illustrateur Dario Campagna.

Cela a donné une étude divisée en catégories avec beaucoup de descriptions, d'illustrations, d'histoires et quelques conseils pour savoir à quelle catégorie son collocataire de merde appartenait. Le reste, ce sont des histoires, incroyables mais vraies. « J'ai lu 40 000 histoires bizarres, continue Giuseppe, et plus j'en lis, plus je me rends compte que certains comportements sont fréquents. C'est comme ça que sont nées les catégories de « cdm » avec leurs sous-rubriques. Tout ça pour dire que le livre n'est certainement pas un best of .» Pour Giuseppe maintenant, l'heure est venue de suivre son propre parcours. Après avoir longtemps caressé  le rêve d'être écrivain, il a commencé ses recherches et, en vue d'un nouveau livre, a décidé de partir vers de nouveaux horizons. Loin des autres.

Translated from Il coinquilino di merda: due anni di convivenze disagiate