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L'avenir en construction des juifs de Bratislava

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Culture

Au cours de ces dernières années, la communauté juive de Bratislava s'est reformée autour de la construction d'un musée. Mais au-delà des murs, c'est toute une société ouverte qui permet aux Juifs slovaques de bénéficier d'une atmosphère propice à la réparation d'un lourd passé. 

Avant la Seconde Guerre mondiale, Bratislava comptait environ 136 000 résidents juifs. Il n'en reste aujourd’hui qu'un peu plus de 5000. Maros Borský, connaît d'ailleurs par cœur le nombre exact de Juifs dans chaque ville slovaque. « Nous sommes 800 à Bratislava, 700 à Košice...»,  enumère-t-il.

La vie au musée

Ces deux dernières années, Maros a arrêté de compter. Brimé par le lourd passé de la communauté, il a décidé de préparer l'avenir. Aujourd'hui, il est directeur du Musée communautaire juif, qui a vu le jour en 2012 grâce aux dons de la communauté juive de la ville, désireuse de sauvegarder son héritage. « Ce qu’il est important de dire, c'est que ce n'est pas seulement un musée. L'endroit sert de lieu de rencontre aux membres de notre communauté. On y célèbre des bar-mitzvahs, des mariages, des conférences et des projections », explique-t-il.

S'il permet à la communauté juive de s'organiser autour de ses activités, le Musée communautaire n'est pas le seul endroit de Bratislava qui promeut sa culture. Créé à l'occasion du démantalement de la Tchécoslovaquie en 1993, le musée d'État de la culture juive de Bratislava ferait-il de l'ombre à l'idée de Maros Borský ? « Nous ne sommes pas concurrents. Il a une mission totalement différente », répond le directeur. Il ajoute fièrement que c'est aussi les sources de financement qui font la différence. « Nous ne recevons que très peu d'argent public, la plupart de nos ressources proviennent de mécènes. On reçoit néanmoins quelques subventions du département de Bratislava et des bourses culturelles de certaines ONG », précise-t-il.

L'éclatement de la Tchécoslovaquie en plusieurs entités conduit les dirigeants politiques slovaques à créer un musée pour chaque minorité. Ainsi, des établissements où sont conservés des collections croates, allemandes, tchèques, ruthènes sortent rapidement de terre. Le nouveau musée, quant à lui, entend se concentrer sur la communauté juive et exclusivement sur elle. « J'insiste sur le fait que c'est un musée communautaire créé pour et par la communauté », lance Borský.

Rabbin de culture

Les murs du bâtiment sentent toujours la peinture, même deux ans après l'ouverture. Tout autour, les façades très blanches accueillent un dispositif très sobre qui informe sur l'évolution de la communauté dans le temps. « Le renouvellement de la vie religieuse juive est venue de la chute du communisme », souffle Maros en parcourant l'exposition. Intitulée Nous Sommes Ici, elle permet à la fois d'apprécier aussi de se rendre compte de la quasi-extinction de la culture juive après la Seconde Guerre mondiale. « Sur cette photo, c'est moi, mais un peu plus jeune », sourit Borský en montrant un visage perdu dans la foule. 

Après la scission de la Tchécoslovaquie en 1993, le Rabbi Baruch Meyers est venu à Bratislava depuis les États-Unis. Aujourd'hui, il représente l'âme de la communauté de cette ville et fait toujours autorité en son sein. « À son arrivée, on a commencé à parler de choses auxquelles les communistes ne pensaient pas, car au lieu de scruter le passé, lui regardait vers l'avenir », dit Borský.

C'est notamment grâce à lui que, dans les années 90, les travaux sur le monument commémoratif de la Shoah ont démarré. D’autres aménagements ont également permis de rénover le monument dédié à Hatam Sofer, la grande figure du judaïsme européen décédée à Bratislava. Le lieu est devenu un endroit sacré pour les Juifs. Aujourd'hui, un musée-catacombes a été installé, au sous-sol, au-dessous des voies du tramway. Seulement une trentaine de tombes de cet ancien cimetière qui date du 17ème sicècle, ont pu être sauvées.

Au cours du temps, Bratislava a perdu une grande partie de son patrimoine juif, autrefois très important. Paradoxalement, ce sont les communistes, plus que les nazis, qui ont contribué à son affaiblissement. « Mais nous avons eu plus de chance que les Viennois. Là-bas, les Allemands ont tout détruit », affirme Matúš Borský.

Il ajoute cependant que la capitale autrichienne peut se prévaloir d’un magnifique musée. « Il appartient à des particuliers, mais reste parfaitement aménagé. Il y a une grande différence entre nous et les Autrichiens. Quand on parle de culture ici et chez eux, cela ne veut pas dire la même chose », explique-t-il en complimentant la capacité des Autrichiens à rattraper les fautes et errances du passé.

L'antisémitisme, une notion à reconstruire

« Je crois que l'antisémitisme existera toujours, mais la Slovaquie, pour le moment, y échappe. Nous nous sentons bien ici. On est un groupe parfaitement intégré et on se sent en sécurité », affirme Borský.

Les juives slovaques n'utilisent pas l'hébreu ou le yiddish comme dans certains pays. « L'hébreu est une langue très importante, mais tout comme les chrétiens, qui n'ont pas l'habitude de célébrer leur messe en latin, nous faisons de même », explique-t-il.

Dans le Musée communautaire juif, les gens affluent. « Bonjour et bienvenue », salue le directeur un groupe d’une dizaines de retraités. « C'est mon épouse, vous la connaissez ? », lui demande un vieil homme en lui tendant un bout de papier jauni. « Ça fait plus de 50 ans qu'elle est morte. Hier, j’ai trouvé un journal à la maison dans lesquels elle décrit comment ont été libérés deux camps de concentration, à Vyhne et à Sereď. Mais je n'ai pas trouvé grand-chose d'excitant. C'est plus politique qu'historique », explique-t-il avec un brin de déception. « C'est un sujet difficile et il est compliqué d’en parler. Mais peut-être que l’année prochaine nous trouverons une façon de l’aborder », nous dit le directeur du musée en partant. Malgré tout, il reste encore des choses à reconstruire à Bratislava.