L'autre visage de la « paix »
Published on
Translation by:
veronique daydetDe la Tchétchénie à Taiwan, voici ce que signifie la « paix » pour une certaine Europe, un an après la fin de la « guerre ».
Il s’est passé un peu plus d'un an depuis l’attaque contre Saddam Hussein, et, selon une étude réalisée par l'Oxford Research International et publiée il y a quelques jours par The Economist, la majorité des Irakiens affirme être mieux que « lorsque c’était pire », et qui plus est 70% d’entre eux sont convaincus que les choses ne pourront que s'améliorer dans le courant de l'année prochaine.
Parmi les non Irakiens, la dernière minorité à ne pas avoir pris conscience de la fin d'une dictature et de ses effets bénéfiques est, comme d’habitude, celle des cassandres bien-pensantes : une petite tribu en voie d'extinction, dispersée dans diverses métropoles européennes et qui persévère dans une action ouverte de propagande de guerre. Quand bien même, le bon sens de l’Irakien moyen comprend que le pire est passé, que la guerre est finie.
Stabilité des cimetières
Mais la guerre continue pour l'Europe de Chirac, qui, pour inventer la prophétie facile du monde multipolaire, est disposée à n’importe quelle servilité à l’égard de n’importe quel pouvoir « alternatif » à celui des « rivaux » et des alliés de toujours de l'autre côté de l'Atlantique.
L'Europe de Chirac et la tribu des cassandres bien-pensantes ont éveillé et éveillent les européens depuis des mois, en les convainquant de retourner leurs vestes et d’investir dans des drapeaux arc-en-ciel d’un goût douteux. Au nom d'un autre « monde possible », au nom de la « légalité internationale », de la « diversité » européenne, du « relativisme culturel », des « ignobles mensonges » de l'empire, de la « stabilité », qu’on a improprement commencé à appeler la « Paix ».
Mais depuis un an, sur cette question, l'action politique de l'Europe de la « Paix » s’est-elle concrétisée ? Quelle alternative cette Europe est-elle en train de construire au changement de régime de ces maudits néo-conservateurs ?
Grandeur chinoise et cynisme à la française
L'icône de la « Paix » à l'européenne est peut-être la Tchétchénie, où le partenariat stratégique conclu avec le Tsar Poutine empêche les Européens de prendre une quelconque position. Si « Paix » veut dire silence, silence il y a eu sur l’enlèvement des 17 membres de la famille du ministre de la santé Tchéchène en exil, Umar Khanbiev. Silence il y a sur les mille difficultés de la liberté de circulation des exilés tchétchènes. Silence total sur ce petit coin d'Europe sur lequel, pour une fois, Chirac semblait penser comme Bush.
Mais cette « Paix » ne signifie pas uniquement inertie. Parfois même les Européens sortent leurs propres griffes. Dans un des instants de tension maximale dans les rapports entre la dictature chinoise et la petite république de Taiwan, à la veille d’élections présidentielles très tendues et d'un référendum sur le sort des relations sino-taïwanaises, alors qu’un attentat mettait en danger la vie même du président sortant de Taipei, Paris a cueilli la superbe occasion de lancer les premiers exercices navals conjoints avec la flotte de Pékin. Entre le communisme sauvage chinois et la démocratie précaire mais vitale de Taiwan, le choix d’un camp ne pouvait pas être plus explicite. Et inopportun.
« Diversité culturelle » selon Bruxelles
Et en ce qui concerne le « soft power », pendant que les Etats Unis lançaient la chaîne en langue arabe Al Hurra, le Commissaire européen à la culture Viviane Reding faisait, lors d'une séance au Parlement européen, l’éloge de la Chine comme modèle de « diversité culturelle ». Depuis des années l'engagement des autorités chinoises dans ce domaine élimine, c’est bien connu, définitivement le problème de la « diversité culturelle » des hauts plateaux du Tibet, de l'est du Turkestan et d'un pays entier dans lequel une censure toujours plus féroce prive des centaines de millions de cerveaux de la nourriture créatrice des vérités.
On est descendu dans la rue au nom d'une Europe qui se refusait de faire certaines guerres. Mais la même Europe continue à financer les dictateurs du monde sans activer les clauses démocratiques, accueille ses amis tyrans comme des empereurs. C’est une Europe incapable de soutenir plus les mouvements démocratiques qui animent l’autre rive de la Méditerranée que le fondamentalisme. C’est une Europe qui, si elle pouvait, n’aurait aucun scrupule à réapprovisionner les arsenaux des pires régimes et qui chaque mois met au vote le lever de l'embargo sur les armes contre la Chine.
S'il existait une Organisation Mondiale de la Démocratie, elle ne pourrait qu'attribuer le triste prix spécial du cynisme à cette Europe si désinvolte dans le prêche pour la « Paix », le multilatéralisme et la « légalité internationale ». Même les peuples pacifistes le reconnaîtraient, si la tribu des cassandres vidait de temps en temps son sac et disait sans complexe un peu toute la vérité, un peu toutes les vérités.
Translated from L’altro volto della “pace”