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Latin Kings : au royaume du racket

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Société

Gang de rue à New-York, les Latin Kings se sont installés dans les années 2000 dans les grandes villes espagnoles. Tribu urbaine tantôt illégale, tantôt reconnue d’utilité sociale, elle fonctionne en mode pyramidale avec des rois, des reines, des princes… Décryptage.

Ils prennent pour pseudonymes des noms d’animaux et portent des tatouages sur tout le corps. Leurs couleurs sont le jaune ou le doré et le noir, et leur emblème une couronne à cinq pointes. Les Latin Kings sont, avec les Ñetas, le gang le plus important et le plus dangereux à s’être implanté en Espagne, d’abord à Madrid puis Barcelone, puis dans toutes les régions. Pourtant, cette confrérie est née dans le Chicago des années 1940 puis s’est mêlée au mouvement issu de l’immigration latino-américaine aux Etats-Unis et au cours des années 1970, nombre de ses membres se sont lancés dans des activités illégales, principalement le trafic de drogue. Ils ont officiellement « débarqué » en Espagne il y a six ans.

« Il y a El Príncipe,le prince,sa marraineet puis King Cano et King Chino Mav »

Car selon le jugement du tribunal de Madrid du 21 juin 2007, c’est Eric Javier Velastegui, un Equatorien, qui a fondé les « Latin Kings » version espagnole en février 2002. Naturellement, ces membres sont surtout des Equatoriens et, à la différence des autres gangs, les femmes sont admises dans cette organisation très hiérarchisée. On les appelle les « Latin Queens ». Selon un rapport de la police et de la Guardia civil, 1 034 jeunes auraient rejoint ces bandes violentes de jeunes Latinos à Madrid, un chiffre qui a triplé ces trois dernières années. 

Si 287 d’entre eux sont des membres actifs, le reste est considéré comme de simples sympathisants. Les Latin Kings à eux seuls compteraient tout de même plus de 700 membres dans la capitale, dont une petite centaine d’actifs, selon un rapport de la Délégation du gouvernement à Madrid. Tout comme les autres gangs, les Latin Kings sont dotés d’une structure fortement pyramidale où les « rois » (« los reyes ») donnent leurs ordres à leurs subalternes. 

Comment rentrer dans la bande

Au sommet de la pyramide, Eric Javier côtoie José Fabrico, « El Príncipe » (« le prince ») et María Torres, « La Madrina » (« la marraine »). Au-dessous figurent Geovanny José Cano, « King Cano », et Rafael Marcos Adriano, « King Chino Mav », à la tête des deux groupes qui existaient au début dans la région de Madrid. Puis le gang s’est installé à Barcelone, Valence et Murcie. A Madrid et dans le reste du pays, l’organisation se subdivise en plusieurs « chapters » dans une sorte de division territoriale. Chaque « chapter » est dirigé par cinq chefs ou couronnes, du plus haut rang au plus petit, inca, cacique, chef de guerre, trésorier et maître. Dans les « chapters » (qui se réunissent toutes les semaines) sont prises les décisions concernant l’organisation, l’admission de nouveaux membres, le paiement des cotisations, le régime disciplinaire… Le « royaume » établi dans la communauté de Madrid s’appelle le « royaume Inca » et celui de Barcelone le « royaume Hispano »

Pour entrer dans cette bande, il faut remplir certaines conditions : pratiquer le vol à l’arraché et faire payer l’utilisation de terrains sportifs publics aux plus jeunes, grâce au racket organisé. Peu à peu, les membres du groupe gravissent les échelons et peuvent payer les cotisations hebdomadaires à l’organisation. Les Latin Kings vouent un culte à leurs « rois » et restent entre Latinos ; même si, depuis quelques mois, la police affirme que de plus en plus de jeunes Espagnols les fréquentent.

Le futur de la nation latinos

(lanier67/flickr)Les chefs organisent aussi des « réunions de position » afin de fixer les grandes orientations pour la nation des Latin Kings dans le territoire d’un royaume. Les Latin Kings sont financés par les cotisations versées par les membres lors des différentes réunions, entre 1,50 et 3 euros. Il y a parfois des versements extraordinaires destinés à aider les familles des Latin Kings qui sont en prison ou à payer les frais des avocats. Dans leur manifeste, les Latin Kings expriment la suprématie de la Nation latine. Ils désignent leur gang rival, les Ñetas, originaires de Porto Rico, comme leur principal ennemi.

Contrairement à ce qui se passe à Madrid, les Latin Kings ont été « légalisés » à Barcelone en août 2006, où ils sont inscrits sur le registre des associations culturelles (Cultural Association of Latin Kings and Queens of Catalonia). La Generalitat de Catalunya, le gouvernement catalan, y a également inscrit les Ñetas, en septembre 2007, sur le même registre. La municipalité de Barcelone a aussi été la première à demander que ces deux associations soient reconnues par les autorités régionales comme ayant un but d’insertion sociale. Dans le même temps, à Madrid, comme en France, le gouvernement régional n’a même pas envisagé la question… et les Kings et Queens y sont toujours considérés comme membre d’une association dangereuse et illégale.