L’amour en 2011 : et si l’Europe essayait ?
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Margaux BalériauxLe manque d’amour ambiant sur le Vieux Continent risque de coûter cher à l’Europe. Pour l’année nouvelle, une bonne résolution serait peut-être de l’inscrire à un séminaire à la University of Love ?
En 2011, l’amour n’aura pas été au centre de l’attention, si ce n’est peut-être pour le « Je le veux » des tourtereaux britanniques Kate et William lors de leur fastueux mariage princier. Comble de l’ironie : ce peu d’amour fou nous est venu du Royaume-Uni, médaille d'or de l’euroscepticisme. Bon, pour être tout à fait juste, on a aussi eu vent du mariage plus discret de Monaco, où le prince Albert a enfin épousé sa sirène. Et basta ! Pour le reste, l’Europe n’aura fait qu’encaisser les coups durs cette année : dette européenne, protectionnisme, populisme… Les effusions de bons sentiments ont donc plutôt été ravalées au second rang.
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Si l’Europe semble un peu rouillée en amour, pourquoi ne pas l’envoyer suivre un séminaire à la University of Love ? Cette école, fondée par Arnon Grünberg, entend aider à réduire le fossé entre réalité et illusion lorsqu’il est question d’amour. L’amour nous rend inventif, et l’amour nous laisse parfois sans voix. Cet écrivain hollandais vivant aujourd’hui à New-York s’est entouré d’une équipe internationale d’érudits pour remettre sur la voie ceux qui s’inventent des châteaux en Espagne. Grünberg et Co. tendent la main aux frustrés, aux laissés pour compte et aux méprisés en leur adressant des lettres d’amour (de haine ou de réclamation aussi). Tout cela, moyennant la modique somme de 20 euros et une réponse à un petit questionnaire. Une fausse lettre d’amour pourrait-elle remettre l’Europe d’aplomb ? Voyons comment l’Europe répondrait aux questions de la University of love :
Vous sentez vous vielle ?
En réalité, je ne me sens pas vieille du tout. Par contre, tout le monde me prend pour une vieille rombière irréaliste, incertaine et inhumaine. Je fais office de pot de fleur. Personne ne me prend au sérieux quand je pratique mon sex-appeal. J’avoue que cela fait un moment que je me suis repliée sur moi-même – encore un signe de vieillesse – et je continue à m’isoler du monde extérieur.
Avez-vous des problèmes de santé que nous devrions connaître ?
Ma santé n’a fait que se dégrader en 2011. Je suis dans l’eau jusqu’au cou. Le virus me ronge toujours plus et je ne sais pas combien de temps encore je vais pouvoir tenir bon. À vrai dire, je suis déjà noyée. Il ne reste plus qu’à espérer que les tout-puissants – et en particulier Docteur Merkozy – me trouvent une potion magique avant qu’il ne soit trop tard. Sinon, l’avenir sera bien noir…
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Qu’attendez-vous de la University of Love ?
Je me sens mal-aimée. Je suis toujours la cinquième roue du carrosse. Quand il s’agit de prendre une décision importante, les hommes – et les femmes – influents m’ignorent. Au final, ils imposent leur volonté et c’est moi qui en prends pour mon grade. Et ça, j’en ai par dessus la tête. Parfois, je voudrais juste taper du poing sur la table et dire : « Eh, je suis là hein ! Prenez-moi un peu sérieux bon sang ! » Malheureusement, l’amour ne se commande pas. Je rêve d’un amour fou, d’une passion irrationnelle – je rêve du jour où ils cesseront de me voir comme un compte en banque. Arnon Grünberg, vous m’avez dit que je ne pourrais pas franchir le fossé entre réalité et illusion tant que je « n’assumerais pas pleinement mon passé. » Désormais, je l’assume. Soyez-en sûr. De grands hommes ont autrefois cru en moi. Ils m’ont mis au monde sans vraiment savoir dans quoi ils s’embarquaient. Aujourd’hui, c’est la pagaille. Tout le monde ne pense plus qu’à son propre porte-monnaie. Mais moi, j’aimerais faire rêver, faire tourner les têtes et faire naître des passions. Avez-vous le secret ?
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Sur quoi mentez-vous le plus, le sexe ou l’argent ?
Tout cela m’importe peu. « Mensonge et argent font partie de l’amour », vous le dites vous-même. Ceci-dit, si je passe en revue l’année écoulée, je me dis qu’on avait toutes les cartes en main. Un candidat (non-officiel) à la présidentielle française qui finit par sacrifier sa carrière pour quelques minutes de plaisir dans une chambre du Sofitel à New-York. Un dirigeant italien tellement obnubilé par les femmes qu’il laisse couler son pays et se voit contraint de remettre sa démission. Et cerise sur le gâteau : un homme politique allemand qui qualifie la relation qu’il entretient avec une adolescente de 16 ans « d’amour inhabituel » tout en versant une petite larme. Personnellement, à choisir, je préfère les pieux mensonges sur le contenu de ma besace…
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Ou peut-être ne mentez-vous jamais ?
Je m’accorde de temps en temps l’un ou l’autre petit mensonge. Comme tout le monde. Par exemple, je fais croire que l’on peut circuler librement sur mon territoire et finalement je ferme les portes. Je reste muette comme une tombe lorsqu’il y a des questions importantes. Parfois, j’ai l’impression d’être une marionnette, une sorte d’illusion.
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L’Europe ne pourra malheureusement jamais suivre ce séminaire sur l’amour : la University of Love a définitivement fermé ses portes, nous confie son fondateur. M. Grünberg n’exclut cependant pas une prochaine réouverture, « à condition de trouver les bons collaborateurs. » Mais l’idée d’allonger de l’argent pour apprendre à aimer était peut-être trop absurde. Il est vrai que la facture arrive chez vous avant le questionnaire et son remède amoureux ! Arnon Grünberg nous explique la philosophie de la maison : « L’argent rassemble. L’amour isole. Si l’amour unissait, la monogamie n’existerait pas. » Et nous qui pensions que c’était l’inverse… Finalement, l’Europe n’a peut-être pas tant besoin d’amour. C’est du moins ce que pense l’auteur allemand Thomas Brussig : « l’Europe peut être une affaire de cœur. Par chance, elle fonctionne aussi d’elle-même. »
Photos : Une (cc)Peace and Love 2011 (cc)Eddi van W./flickr; Texte : Royal Wedding (cc)dinoboy/flickr; University of Love ©universityoflove.com; Vielle rombière (cc)Richard McSundy/flickr; Argent ou amour (cc)bluewinx15(BACK)/flickr
Translated from Europa: Kostenvoranschlag der University of Love