L'amour dure trois plombes
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Par Mélodie Labro L’amour dure trois ans, le film de Frédéric Beigbeder avec plein de gens très beaux dedans. Ah ! Le Pays Basque, ses plages, son ciel azur et son prêtre intégriste. Paris Le VIème arrondissement de Paris est à l’honneur dans le 1er film de l’écrivain-critique-littéraire-amuseur-de-télévision-Frédéric Beigbeder.
Adapté, comme chacun sait du roman que l’auteur « dandyesque » a publié en 1997, le film se veut léger, décalé, sexy mais un peu malin quand même. Il l’est au moins autant que le Cosmo qu’on feuillette en 3 minutes chez une copine le temps qu’elle finisse de se maquiller avant de partir s’arsouiller au Montana.
Une comparaison à laquelle seules les lectrices (du VIème arrondissement) seront sensibles mais, comme Beigbeder, nous n’avons pas peur d’exclure certains publics de notre propos. Et cette mention passablement misogyne rend également hommage à un film assez goujat, sous le vernis de Louise Bourgoin. Mais nous y reviendrons.
Germanopratin ?
L’intrigue : allons-y, ce n’est pas bien compliqué. Marc Marronnier, l’excellent Gaspard Proust, la seule folie du film, est critique littéraire et ne refuse pas une petite virée mondaine pour raconter ses contemporains d’une plume que l’on devine acerbe. Alter-ego de Beigbeder, il vit entouré de bouquins : son refuge, assurément, dans cette vie un peu vaine. Son amour fou pour Anne, sa magnifique épouse, échoue au tribunal de la Ville de Paris. Il boit pour oublier, du bon champagne dans les chaussures (qu’on espère neuves) de cagoles montées à la capitale dans une boîte tape à l’œil dont vous connaissez déjà le nom. Il en vomit. Puis il rencontre Alice (Louise Bourgoin), plus grande que lui et si lumineuse. Il reprend goût à plein de choses. Les fruits exotiques notamment, puisque le corps d’Alice a un goût de papaye/goyave/enfin un truc du genre. Mais l’imbécile publie « le livre le plus misogyne de l’année » et patatras : Alice n’aime pas ça du tout.
Germanopratin, le film de Beigbeder ? Et bien, c’est qu’il en faut, de la bonne volonté, pour s’intéresser au sort de ces personnages uniformément trentenaires, beaux, riches, cultivés et un tantinet névrosés. Seule ombre à ce tableau sociologiquement monochrome : le beauf, qui a ici les traits de Nicolas Bedos. Sauf que ce comble de l’exotisme social lorsqu’on vit rue de Seine est en fait un fils à papa travaillant certainement dans un domaine aussi peu intello-chic-sympa-de-gauche que la finance. Ah et le personnage de Joey Starr aussi, dont l’utilité reste à démontrer tout comme la crédibilité de son nom : Jean-Georges. Jean-Georges.
Oui, cela peut faire penser à , l’académicien colérique de la Star Academy 2 édi-fion. Il ne faut pas en avoir honte : c’est là l’une des seules grandes ouvertures culturelles du film, l’une de celles qui nous fait largement dépasser le périph’, mais d’une façon certes moins poétique que les escapades roucoulantes au .Georges-AlainèmePays Basque
Georges-Alain. Oui, il fallait oser.
Ah ! Le Pays Basque, ses plages, son ciel azur et son prêtre intégriste. C’est bien de sortir de Paris de temps en temps, ça aère un peu, ça vous ouvre l’appétit aussi. Mais il ne faut pas s’y attarder trop non plus. Si le Pays Basque fait officiellement partie du club des « provinces idéales françaises pour Parisiens friqués» juste après le Cap Ferret des Petits Mouchoirs, on n’y séjourne que pour un weekend, un enterrement ou un mariage gay sur la plage.
Le film fonctionne en circuit-fermé
Clichés assumés ? On le sait, Frédéric Beigbeder sait peindre les petits travers des milieux ou de la société qu’il fréquente. Et aujourd’hui, il arrive à nous faire croire que son film n’est pas tendre avec les pétasses du Montana, l’embourgeoisement des copains qui se marient et le monde de l’édition. C’est vrai que Valérie Lemercier, éditrice du héros, est une tête à claques, que Jonathan Lambert possède des manuscrits rares dans sa salle de bains mais finit par épouser une bimbo franchement énervante (quelqu’un peut-il offrir à Frédérique Bel l’occasion de changer de registre ?) et que Bernard Menez, le père de Marc, noie le chagrin que lui a causé Annie Duperey, cette chienne de garde castratrice, avec une jolie et jeune Chinoise. Au passage, l’actrice qui campe ce personnage, est Pom Klementieff, française d’origine russe et chinoise, à laquelle Beigbeder a sans doute demandé d’adopter un accent bizarre parce que le Pays Basque ne suffisait plus. Et ce genre de facilités est assez embarrassant dans un film qui ne voit pas très loin.
Des facilités, il y en a beaucoup d’autres. Si Etienne Chatiliez, ancien concepteur-rédacteur, a gardé de ces années pub le meilleur : savoir croquer un « type » que tout le monde croit reconnaître et le faire avec aisance dans n’importe quel milieu social, Beigbeder, enfant de la pub, a le goût des bonnes formules mais rate ce qu’il présente comme une petite satire sociale. Il avait en outre expliqué chez Ruquier que le titre de son livre-devenu-un-film, par son petit côté « sentencieux », est censé interpeler le public car chacun a forcément un avis sur la durée d’un ou de l’amour. Or, alors qu’il prétend parler à tous les publics, Beigbeder se contente de private jokes et d’autoréférences, avec notamment des incursions hitchcockiennes (on le voit dans un faux film muet de guerre avec Proust et « Féodor Belvédère », le pseudo de Marronnier, a les mêmes initiales que Beigbeder etc). Le film fonctionne donc en circuit fermé : les appartements bourgeois, les librairies, le plateau du Grand Journal. Ça ne fait rire que quelques happy fews mais irrite tous ceux qui ne sont pas fans du cirque médiatique où se croisent déjà les Bedos, Bourgoin et autres Ariane Massenet.
Elisa, Elisa, Elisa, cherche-moi des poux
Dommage, car FB est créatif, léger, charmant. Ses intentions sont sans doute bonnes, son ironie intelligente. Ses interprètes font ce qu’ils peuvent mais certains personnages ne pouvaient pas s’en sortir. Outre Joey Starr, mal à l’aise dans cet univers calqué sur un pub pour Sandro, et qui peut vraiment prétendre au titre de plus mauvais « contre-emploi de l’année », lui qui fut si bon dans Polisse, les femmes sont assez mal traitées. La belle Elisa Sednaoui n’a aucune consistance et n’existe que comme « femme de » alors que son charme capiteux aurait pu être mieux exploité pour faire d’Anne autre chose qu’une chieuse. Louise Bourgoin a une beauté sauvage, athlétique et aurait pu secouer ce falot de Marc Marronnier mais elle reste une bourgeoise branchouille, quittant son époux constipé pour un autre plus névrosé encore. Et j’ai déjà évoqué le cas Frédérique Bel.
Funky Cops.
Je voulais aimer « L’amour dure trois ans » mais j’y ai retrouvé tout ce qui me fait fuir les comédies à la française à la parisienne : leur fausse désinvolture. S’identifier à une histoire, ça peut paraître ringard, mais c’est essentiel pour que l’illusion marche, le temps du film. Et je n’ai vu qu’un très luxueux magazine sur les heureux du monde. Lecture dont je me passe volontiers.
;Photos : Une et Gaspard Proust-Joey Starr ©courtoisie de allocine.fr ; Texte : Geroges-Alain ©starophile.net ; Elisa Sednaoui (cc) Karl Hab/flickrVidéo : Lescinemasaixois/YouTube