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L'activiste syrien Mazen Darwish pour une justice transitionnelle

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Bruxelles

L’avocat syrien, ancien détenu et actuellement Président du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, était en visite à Bruxelles afin de s’exprimer sur l’après-conflit en Syrie.

Ils étaient quelques dizaines à assister à une conférence organisée par le CEPS (Centre for European Policy Studies) le mercredi 11 mai. Celle-ci portait sur l’après-conflit en Syrie et la reconstruction du pays.

Si trois intervenants ont partagé leur point de vue sur les instruments juridiques et politiques que les différentes puissances extérieures pourraient mettre en œuvre afin de sortir du conflit, ou sur les raisons de l’échec des négociations passées, c’est bien Mazen Darwish qui était l’orateur le plus attendu.

Pour rappel, cet avocat syrien défenseur des droits de l’Homme avait été arrêté le 16 février 2012 en Syrie et est resté détenu pendant près de trois ans et demi, avant d’être relâché le 10 août 2015 par les autorités nationales. Il est aujourd’hui Président du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (Syrian Centre for Media and Freedom of Expression) et parcourt actuellement le Monde pour tenter de faire entendre sa voix quant à l’issue de la guerre civile qui ravage son pays depuis cinq ans.

À l’occasion de sa visite de deux jours dans la capitale belge, l’activiste, qui a par ailleurs reçu le Prix mondial de la liberté de la presse Guillermo Cano en 2015, a eu l’occasion de rencontrer des représentants de la Commission européenne et de la FIDH (Fédération internationale des Droits de l’Homme) avant de s’exprimer lors de cette conférence organisée par le CEPS.

La nécessité d’une « justice transitionnelle »

S’il peut paraître prématuré ou optimiste d’évoquer l’après-conflit, tant la situation semble complexe aujourd’hui, il est néanmoins fondamental de le préparer afin d’éviter un chaos total, à l’image de ce que l’on peut voir en Libye aujourd’hui. C’était le thème de la conférence et la raison principale pour laquelle M. Darwish y a été invité, lui qui s’était déjà prononcé sur cette question. L’avocat insiste ainsi sur deux points : la justice transitionnelle et la responsabilité.

Pour ce qui est de la justice transitionnelle, il s’agit d'un processus similaire à ce qui a pu se passer en Tunisie après la révolution de 2011. Il ne s’agit pas d’une revanche d’une partie de la société sur une autre, M. Darwish partant du principe qu’il ne peut y avoir de paix sans justice. On tire les conséquences d'un conflit ou d'un régime opressif, sans pour autant remettre en cause l'équilibre institutionnel de l'État. En aucun cas cette justice ne doit être celle des vainqueurs et stigmatiser un groupe. Elle vise à reconstruire le pays progressivement et de manière non-brutale. 

En marge de la conférence, il nous confie ainsi que « l’établissement des responsabilités [de chacun et pas seulement des vaincus] et la justice transitionnelle sont deux éléments essentiels pour la réconciliation de la Syrie ». Et c’est d’après lui la seule option politique possible pour sortir le pays de la crise dans laquelle il se trouve actuellement et pour que les différentes communautés puissent cohabiter dans un climat apaisé. Si tel n’est pas le cas, le défenseur des Droits de l’Homme estime que les minorités seront marginalisées et que leur sécurité ne pourra être assurée.

« L’Union européenne doit participer à la reconstruction de la Syrie »

Autre thématique qui a logiquement été abordée à l’occasion de cette conférence, celle de l’implication des puissances étrangères dans le conflit. Et à l’instar des autres intervenants, l’avocat a montré du doigt leur action. Au-delà de la lutte interne au sein de la société syrienne, M. Darwish nous rappelle qu’il s’agit bien d’une « guerre régionale où des pays extérieurs défendent leurs propres intérêts ». Pourtant, affirme-t-il, « l’Union européenne n’est pas loin de la Syrie, et elle se doit d’être pleinement impliquée dans le processus de paix et de participer à la reconstruction du pays ».

Et cela passe, d’après lui, par l’élaboration d’un plan de grande envergure. « Nous avons besoin d’un Plan Marshall pour la Syrie, que ce soit sur l'aspect économique, politique ou social ». Toutes les puissances doivent y travailler, y compris la Russie qui est un acteur important pour le dynamisme du Moyen-Orient.

Rebondissant sur l’implication des puissances extérieures, Mazen Darwish souligne que celle-ci ne peut être dissociée de la crise des réfugiés et de la manière dont les pays occidentaux, et plus particulièrement l’Union européenne, y font face. Ainsi, les réfugiés « fuient l’oppression et le terrorisme, mais aussi des futures vengeances […] Il faut traiter de ces problèmes lorsqu’on évoque l’afflux de réfugiés en Europe ».

Or, d’après lui, l’approche de l’UE est regrettable en ce qu’elle n’agit pas en amont. « Je comprends totalement les préoccupations sur la crise des réfugiés mais il faut traiter des causes exactes du déplacement des Syriens en Europe. L’UE doit être consciente de ce qui se passe en Syrie. Il ne faut pas seulement traiter de la crise à court-terme, mais des causes à long-terme », nous affirme-t-il en faisant notamment référence à l’accord signé il y a quelques semaines entre l’Union européenne et la Turquie.

Le militant conclut en évoquant la situation des réfugiés déjà partis de Syrie. « Une autre de mes préoccupations concerne les réfugiés qui sont arrivés en Europe et dans les pays voisins. Nous devons créer un environnement favorable [d'accueil] », notamment en termes économiques et sociaux.