La Russie est elle schizophrène ?
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Saisissant un brûlant thème d'actualité, l'Alliance française a proposé à Melle Baudoin, maître de conférences à la faculté de Droit (et dont les nombreux diplômes nous laisseraient sur les marches du temple de l'humilité) de nous exposer "l'évolution politique de la Russie". Le bilan est mitigé. La Russie serait elle schizophrène ?
Y aurait il deux Russies, celle de Saint Petersbourg et celle de Moscou ? C'est presque la conclusion de Melle Baudoin, pour qui la Russie connait certes un cadre institutionnel de nature démocratique mais certes pas une pratique politique relevant de ce régime, parfaitement inconnu des Russes. Loin d'ici l'idée de faire un cours (au demeurant passionnant) d'histoire de la Russie, mais entre les Hordes, les Tsars et les Secrétaires généraux, il n'y a eu que peu de place pour les initiatives de stabilité constitutionnelle ou bien pour les essais démocratiques.
La Russie, cependant, évolue. La Cour constitutionnelle par exemple, est une tentative de responsabiliser et de surveiller le pouvoir très autocratique des dirigeants du plus grand pays du monde. 80 % de ses membres viennent des écoles de Saint Petersbourg et la Cour vient tout juste d'être déménagée dans cette ville (à la place de Moscou, trop proche des lieux de pouvoir). C'est réellement une caractéristique de la schizophrénie russe. L'idéologie de l'État, telle que développée pendant des siècles, reste une logique impériale. Et on le comprend : plus de 120 peuples se côtoient en Russie, et les civilisations limitrophes sont aussi variées que la population. Il est clair qu'on ne saurait gouverner un tel pays comme l'on gouverne un petit pays de 60 millions d'habitants. Et pourtant... Vladimir Poutine et son parti, Russie unie, promeut l'idée d'une nation russe, au delà des clivages ethniques, raciaux ou religieux. L'idée peut prendre forme, mais elle implique la non-reconnaissance de minorités, non-reconnaissance dont les peuples du Caucase payent le plus lourd tribut.
En effet, la Russie, même ces dernières semaines, a eu des comportements tout à fait étranges, comme si elle n'était pas vraiment sûre de sa stratégie. Son recul dans le dispositif des missiles de Kaliningrad est à ce propos tout à fait équivoque, ainsi que ses positions diplomatiques sur la crise de Géorgie.
Bref, le pays des tsars a encore du chemin à faire avant l'étape "démocratie". Ce qui est encourageant, c'est que le pays essaye de trouver une stabilité entre la nécessaire autorité du pouvoir et le développement des libertés publiques. C'est cette balance qui entraîne sa schizophrénie, et nous devons (les pays occidentaux) nous montrer vigilant pour que la balance reste stable et harmonieuse. L'effondrement du pouvoir entraînerait un éclatement de la Russie (à l'heure où l'on voit des républiques se créer sans être plus grosses qu'un département français, serait ce vraiment une bonne chose ?) et son trop grand maintien étoufferait les bourgeons démocratiques. Car il reste un dernier obstacle à la démocratisation de la Russie : les russes eux-mêmes. Affaire à surveiller, donc...