La réglisse : or noir ou abomination ?
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Manon ValèreNos palais ont rarement été aussi divisés que par ces extraits de racines de bois, noirs, de toutes les formes et combinaisons possibles que sont les réglisses. On a beau s'en délecter dans le Nord de l’Europe et aux Pays-Bas, les spécialités à base de réglisse font froncer les sourcils de tout le reste du continent (jusqu'à des grimaces de dégoût). J’ai voulu comprendre le pourquoi du comment.
Dans les contrées du sud de l’Allemagne qui m’ont vue grandir, je n’ai pas souvent eu affaire à la réglisse. Le jour où j’en ai goûté pour la première fois, ma bouche s’est retrouvée en état de choc – malgré la grande quantité de sucre qui recouvrait ces racines. Et ce choc est toujours bien présent quand je pense combien cette substance semble être chérie dans certains pays d’Europe.
Cette plante vivace qui appartient à la famille des légumineuses fait particulièrement des heureux en Grande-Bretagne (où on le connait sous le nom de « allsorts »), en Scandinavie, en Finlande, dans le nord de l’Allemagne et surtout aux Pays-Bas.
Tandis que la consommation per capita danoise, néerlandaise et finlandaise dépasse les deux kilogrammes par an, elle se situe dans les 200 grammes en Allemagne. Si l’on en croit les données des plus grands fabricants de réglisse de notre voisin d'Outre-Rhin, la quasi-totalité de la production se consomme dans le nord du pays.
De nos jours, l’industrie de la confiserie transforme les racines de bois de réglisse en bien plus de formes et couleurs que ce que l’on pourrait imaginer : outre les bonbons au réglisse enrobés de pâtes sucrées, il existe les ficelles (généralement) noires, les pièces de monnaie, les escargots et les poissons. Le fait que l’acide glycyrrhizique contenu dans ces racines soit 50 fois plus sucré que le sucre lui-même constitue évidemment un avantage.
Des festivals de la réglisse
La réglisse salée, riche en chlorure d’ammonium, est particulièrement appréciée dans les pays déjà friands de cette fameuse racine. Il ne s’agit pas uniquement de snacks divers et variés : la réglisse a aussi trouvé sa place dans la « New Nordic Cuisine », la nouvelle cuisine scandinave, utilisée entre autre par les grands chefs. Antti de Finlande confirme qu’il est courant d’utiliser du réglisse dans la cuisine finlandaise et qu’on s’en servirait même comme ingrédient de gâteaux et de cocktails.
Au Danemark, on ne recule devant aucun aliment, ni aucun plat. Selon l’étudiant danois Søren, la réglisse a connu son grand retour à la fin des années 2000, « au moment où on a commencé à faire des expériences autour de la réglisse ». Il lie aussi ce phénomène à une curiosité générale dans la cuisine scandinave de tester de nouveaux mariages de saveurs.
Cette tendance est particulièrement remarquable lors des « festivals de la réglisse » comme celui de Copenhague (et maintenant à Stockholm et Helsinki également). On y trouve des denrées comme de la bière à la réglisse, du fromage de chèvre à la réglisse ou encore du ketchup à la réglisse.
Mystère historique
La réglisse sucrée a connu ses premières heures au XVIIIème siècle à Pontefract, en Angleterre, à l’initiative du pharmacien George Dunhill. La raison pour laquelle cette denrée connaît un succès aussi fulgurant dans les pays susnommés reste toutefois un mystère.
Le Danois Søren pense pouvoir expliquer la hype de la réglisse dans son pays avec les éléments historiques suivants : « C’est ici que la réglisse a commencé à être produit comme sucrerie dans les années 1920, puis a connu un boom après la Seconde Guerre Mondiale. Pourquoi a-t-il a fini par devenir aussi populaire ? Je ne le sais pas mais cela remonte bien à l’après-guerre, époque à laquelle l’alimentation était rationnée. Les gens prenaient simplement ce qu’ils pouvaient se procurer. »
Antti, de Finlande, considère, en revanche, la facilité d’accès à cette racine comme raison principale : « Dans notre histoire, il y avait un tel nombre de producteurs de réglisse que sa consommation s’est tout simplement ancrée dans la culture finlandaise. » Selon lui, son goût caractéristique, sa diffusion et son statut emblématique ont aussi contribué au succès.
Pour Nele, originaire des Pays-Bas, la raison du succès de la racine à mâchouiller dans son pays se situerait plutôt dans les habitudes de la population : « Les Néerlandais grandissent généralement avec et sont habitués au goût. Ce n’est pas le cas dans beaucoup d’autres pays – c’est pourquoi les étrangers n’aiment pas la réglisse, surtout quand elle est salée. » Anna, également néerlandaise, a trouvé une comparaison radicale « Si ici tu n’aimes pas la réglisse, c'est comme un Français qui n’aimerait pas le fromage. »
Ce que Nele préfère, ce sont les « Harlekintjes », des espèces de gommes sucrées – elles sont fabriquées par l’entreprise « Katjes » et sont les produits à base de réglisse les plus consommés dans son pays. Anna, quant à elle, préfère les réglisses salées, riches en chlorure d’ammonium, et recommande les « Manneken-Pis » ainsi que les « Dropballen ».
Dans les pays nordiques, le mélange réglisse-chocolat semble faire des ravages, comme le raconte Søren. Selon ce dernier, les réglisses salées ou à la menthe sont les variantes les plus traditionnelles. Le Finlandais Antti préfère la glace à la réglisse au-delà de tout le reste. Si l’on se fie à son opinion, il n’y a rien de plus exotique en terme de réglisse – ou alors à la limite de la « bouillie de réglisse ».
Je n’aime pas la réglisse et la plupart de mes connaissances partagent mon avis. En fin de compte, les habitudes liées à un certain conditionnement de l’enfance me paraissent l’explication la plus logique. Même si bien sûr, les goûts et les couleurs changent d’une personne à l’autre. Qui sait, peut-être que je devrais tout simplement partir en Hollande et après quelques temps écrire une suite à cet article…
Translated from Lakritz: schwarzes Gold oder Greuel?