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La réforme de la prise de décision communautaire: l'impossible simplification?

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Quelques précisions pour comprendre mieux les processus décisionnel communautaire et sa possible réforme.

Vue de l'extérieur, la procédure de décision communautaire est souvent qualifiée de complexe, d'incompréhensible. La simplification des diverses procédures décisionnelles constitue un des débats sensibles de la Convention. Il touche à la position respective des institutions les unes par rapport aux autres. De plus, dans un contexte d'extension des compétences de la Communauté et d'élargissement de l'Union aux pays candidats, la simplification du processus décisionnel est essentielle pour l'efficacité de l'action de l'Union. Mais la simplification se heurte à des jeux de pouvoirs et pâtit de la réticence des Etats membres à passer d'une Europe économique à une Europe politique.

Au terme du traité de Nice, pour les actes de base, on ne distingue pas moins de quinze procédures de décision différentes dans la Communauté européenne combinant majorité simple, qualifiée, unanimité au Conseil et consultation, avis conforme ou codécision avec le Parlement européen. Ces distinctions sont la conséquence directe de la difficile démocratisation du processus décisionnel et des réticences des Etats membres à s'engager franchement dans l'Europe politique. Dans les faits, la procédure de codécision avec majorité qualifiée au Conseil tend à devenir la règle : on aboutit donc, dans les faits, à une moindre diversité et une moindre complexité des procédures. Mais la consécration de cette évolution par la Convention dans la future constitution reste un enjeu majeur.

La procédure de codécision qui se généralise est elle-même compliquée : le Parlement européen donne un premier avis sur le texte proposé par la Commission au Conseil qui statue à la majorité qualifiée. Puis le texte repart devant le Parlement européen pour amendements, puis à nouveau devant le Conseil : en cas de désaccord avec le Parlement, un comité de conciliation est constitué. Cette longue procédure a été simplifiée avec le Traité d'Amsterdam, avec la suppression de la troisième lecture du Parlement européen initialement et la possibilité pour le Parlement, le Conseil et la Commission de parvenir à un accord dès la première lecture. Cette possibilité a été rendue possible par le développement de contacts informels entre les trois institutions en première et deuxième lectures au sein de "trilogues". Si le processus décisionnel est ainsi plus efficace, il reste complexe. Mais il faut garder à l'esprit que cette complexité est précisément le résultat de l'accroissement des prérogatives du Parlement européen, organe représentant la légitimité démocratique de la Communauté.

Simplicité du système fédéral

La procédure décisionnelle reste aussi complexe pour les actes d'exécution. Proposés par la Commission pour appliquer les textes de base, ils sont soumis à l'examen de comités d'experts nommés par les Etats membres qui peuvent, en cas de désaccord avec la Commission, demander au Conseil de trancher. La comitologie [ensemble des principes qui règlent le fonctionnement et les attributions de ces comités d’experts], si elle permet le contrôle des actes d'exécution de la Commission par le Conseil, reste néanmoins un processus complexe : il y a trois procédures distinctes selon la nature du texte et nombreux sont ceux qui critiquent ce procédé échappant en grande partie au contrôle démocratique du Parlement. On voit bien ici le mécanisme des jeux de pouvoir : un contrôle systématique du Parlement sur tous les actes d'exécution rendrait la procédure encore plus lourde, même si elle serait démocratiquement justifiée. Par ailleurs, le travail croissant de la Commission en matière d'exécution des actes communautaires la conduira peut-être à revoir l'organisation même de son travail. Afin de mieux se consacrer à son rôle d'initiative et réglementaire, la Commission sera peut-être obligée d'externaliser le contrôle des actes d'exécution à des agences extérieures. Le projet de Constitution Pénélope de décembre 2002, proposé officieusement par la Commission européenne pour contribuer au débat sur la Convention, reprend cette proposition.

La simplification du processus décisionnel communautaire fait donc resurgir des questions essentielles sur le rôle et la légitimité de chaque institution qui expliquent les blocages actuels. Ceux-ci résultent du triangle institutionnel entre Commission, Conseil et Parlement européen et de la combinaison originale de la légitimité démocratique, nationale et bureaucratique des institutions communautaires. Dés lors, penser les difficultés de la simplification revient aussi à repenser cette légitimité communautaire spécifique : le processus décisionnel sera plus simple et plus efficace si l'on passait à un système de type fédéral.