La Pologne remporte la coupe corruption
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Philippe-Alexandre SaulnierA quelques jours d’un match capital contre l’Allemagne, le football polonais est éclaboussé par un scandale de corruption dont l’ampleur dépasse de loin celui que l’Italie a connu en son temps. Pas moins de 29 clubs sont impliqués…
Darius Wdowczyk, celui par qui le scandale arrive, reste très populaire en Pologne. L’ancien joueur du Celtic Glasgow qui s’exprime en anglais avec aisance a pourtant reconnu publiquement les faits. Une vidéo de la brigade anticorruption (CBA) le montre l’air contrit en tenue de jogging, assis à une table dans sa chambre, au moment de son arrestation. Il lui est reproché d’avoir acheté l’arbitre à l’époque où il entrainait le Korona Kielce, alors en 3ème division, afin de favoriser l’ascension rapide de son club.
Cette équipe qui a rejoint désormais l’Orange Ekstraklasa, jouant ainsi en première division, est donc sommée de rendre des comptes. Si, à la suite du Mondial 2006, Léo Beenhakker, le cosmopolite néerlandais, n’était pas passé d’Allemagne en Pologne pour prendre en main les destinées de l’équipe nationale et la conduire cette année en Suisse et en Autriche, Wdowczyk serait vraisemblablement devenu entraineur national de Pologne. Trop tard ! Après être passé aux aveux, il tient désormais le rôle principal dans une autre partie moins glorieuse qui entache la réputation de 29 clubs dont 4 jouent en première division. Dans la foulée, 116 personnes sont impliquées dans cette déplorable affaire.
Plus qu’une méthode, un système
Plus que des dérapages, les enquêteurs officiels venus de Wroclaw (Breslau) voient dans cette méthode des jeux « déplacés » un véritable système organisé. Outre la Fédération polonaise de football (PZPN), les associations d’arbitres régionaux qui se trouvent dans le collimateur de la justice sont aussi priées de se mettre à table. En 2006, déjà, durant le match de qualification pour la Coupe du monde, une première vague de machinations frauduleuses entacha la réputation du sport polonais. Pourtant, personne alors ne s’en soucia vraiment. Il faut dire qu’à l’époque, tous les regards étaient tournés vers l’Italie éprouvée par une série de malversations en première division que l’on croyait pourtant sans commune mesure.
Mais qui peut le mieux peut le pire et la Pologne, depuis, a su le prouver. Car, en comparaison des magouilles transalpines, les tractations douteuses à l’Est de l’Oder atteignent des sommets inégalés. La Pologne fait partie des pays les plus corrompus de la Communauté européenne. La prévarication et les trafics d’influence gangrènent toutes les couches de la société. Dans les cabinets médicaux, par exemple, quand plusieurs thérapies sont possibles, il n’est pas rare que des patients « graissent la patte » du praticien dans l’espoir de se voir prescrire le meilleur traitement. Rien d’étonnant donc à ce que le sport soit, lui aussi, touché par de telles pratiques.
Pots-de-vin contre stade
L’an passé, c’était au tour de Tomasz Lipiec, l’ancien Ministre des sports, de plonger. Les charges retenues à son encontre lui reprochaient d’avoir reçu des pots-de-vin en échange d’attribution de permis de construire nécessaires à l’édification de nouveaux équipements sportifs. La procédure est toujours en cours. Afin de lutter efficacement contre ce mal endémique, le nouveau gouvernement élu en mars 2007 a mandaté Julia Petra, l’ancienne présidente de Transparency International Polen, en l’élevant au rang de Secrétaire d’état. Face à un phénomène d’une telle envergure, elle s’étonne que l’Europe ait mis autant de temps à s’émouvoir. En ce qui la concerne, cette déliquescence lui était familière depuis 2001. A cette époque, les combines des arbitres étaient déjà flagrantes. D’autant plus que la plupart des équipes entretenaient des complicités inavouables.
Il aura sûrement fallu que la Pologne présente sa candidature en vue de l’Euro 2012, pour que les évènements prennent soudain une tournure imprévue. Au fur et à mesure que certains membres du comité directeur tombaient eux-mêmes pour corruption, les équipes et l’organisation du football polonais en général tentaient d’étouffer le scandale. Dans un esprit d’apaisement, Michal Listkiewicz, arbitre et président de l’association polonaise de football, s’est appliqué à prononcer un mea-culpa collectif au cours d’une déclaration officielle : « Pardon, a-t-il dit en substance, nous nous excusons de ne pas avoir mesuré plus tôt l’étendue du désastre. Les dimensions de ce problème étaient trop importantes pour nous. Je suis désolé. Nous avons vraisemblablement tardé à réagir, mais il n’est jamais trop tard pour présenter des excuses. »
Léo le Néerlandais corrige le tir
L’entraineur national Léo Beenhakker a beaucoup de pain sur la planche s’il veut débarrasser l’Euro de ce fumet nauséabond de pourrissement qui s’exhale du football polonais. En conséquence, à la lumière du cas Wdowczyk, le Néerlandais espère et prie pour que les gens soucieux de redorer le blason du sport national prennent leurs responsabilités afin d’assainir la situation. En premier lieu, il n’ignore pas que cela concerne aussi les onze joueurs qui touchent leur argent à l’étranger ce qui ne contribue pas à réduire les secousses qui ébranlent la ligue polonaise.
Depuis que Léo est entré en fonction, l’ambiance au sein de l’équipe et de ses instances est devenue particulièrement tendue. Soucieux de mettre un terme à tout copinage et népotisme, il préconise à titre de première mesure administrative, d’interdire que les membres encadrant les équipes, les responsables de fédérations ainsi que les journalistes dorment dans le même hôtel que les joueurs. Il dit s’être senti lui-même perturbé durant l’Euro 2006 par les noubas tonitruantes que les fonctionnaires organisaient à Barsinghausen. C’est pourquoi, il met en garde son équipe en prévision du 8 juin à Klagenfurt : « Si à la veille de la rencontre avec l’équipe nationale d’Allemagne, nos attentes ne sont pas comblées, je vous garantis alors que nous allons au devant d’une défaite. Mais c’est sur le terrain que nous perdrons et nulle part ailleurs ! »
L' auteur de cet article, Olaf Sundermeyer,est membre du du réseau n-ost.
Translated from Schlimmer als in Italien!